Mariés ! est un recueil de récits et nouvelles d'August Strindberg paru aux éditions Actes Sud en 1986. Je l'ai lu en Babel paru en novembre 2006 (444 pages, 9,50 €, ISBN 978-2-7427-6443-3). Giftas I et Giftas II sont parus respectivement à Stockholm en 1884 et 1886. Ils sont traduits du suédois par Pierre Morizet et Eva Ahlstedt.
August Strindberg est né le 22 janvier 1849 à Stockholm (Suède). Marié trois fois et divorcé trois fois, il a eu deux filles et un fils de son premier mariage, et une fille de son deuxième mariage. Écrivain, dramaturge (un des pères du théâtre moderne) et peintre, il a traversé plusieurs courants : d'abord naturalisme, puis symbolisme, il est parmi les pionniers de l'expressionnisme en Europe, et enfin mysticisme. Il est décédé le 14 mai 1912 à Stockholm.
La récompense de la vertu
À Norrtullsgatan. Au moment où Wennerström, un professeur de botanique à l'Académie des Sciences découvre une nouvelle fleur, son épouse « qui n'avait reçu aucune éducation » meurt à même pas quarante ans, le laissant seul avec des enfants qu'il n'a pas appris à connaître. « Le soir, quand sa femme fut morte, il éclata en sanglots ; […] Mais ces émotions furent de courte durée. » (page 35). « Le père se replongea dans ses herbiers […]. » (page 36).
Amour et céréales
Ludvig, notaire, veut épouser Louise, la fille d'un commandant mais celui-ci pense que le jeune homme ne gagne pas assez. « Nigaud ! Tu es un grand nigaud ! Mais on dit que tu es un homme en qui on peut avoir confiance, et pour cette raison je te permets de te fiancer à ma fille ; […] Le prix du blé est en hausse ! » (page 72). Il faut dire que Louise est habituée à ne manquer de rien voire même à mener la grande vie.
Pour être marié
Adolphe est un jeune violoniste de l'orchestre royal. Il épouse Elin, l'aînée de l'horloger. Le couple ne roule pas sur l'or mais pourrait vivre bien si la famille d'Elin (des parents, cinq sœurs et trois frères quand même !) n'abusait pas de l'hospitalité d'Adolphe. « Sa maison était devenue un enfer ; […]. » (page 93).
Il le faut
Alber Blom, un instituteur déçu par la vie, se marie enfin « mais comment les gens pouvaient mariés, alors qu'ils pouvaient à peine vivre en célibataires, c'était un mystère. » (page 117).
Compensation
Un brillant étudiant, considéré comme un génie, doit abandonner ses études car il est sans le sou. Il décide de fréquenter les salons et la haute société afin d'épouser une femme riche. Il épouse finalement une jeune fille noble mais le mariage ne le rend pas heureux.
Malchance
Son vieil oncle l'avait pourtant prévenu : il faut bien choisir sa fiancée et apprendre à la connaître avant de l'épouser et de passer toute sa vie avec elle. Mais Ernst et la « femme de sa vie » ne se connaissaient pas vraiment (pas du tout !) avant de se marier...
Dissensions
Un jeune baron désabusé rencontre à un bal une jeune fille qui pense comme lui. Il se fiancent mais ils ne s'aiment pas puisque aucun des deux ne croit à l'amour. Le mari change du tout au tout après avoir travaillé aux Finances de l'État et avoir rencontré une cousine.
Sélection contre-nature ou l'origine de la race
Un baron veut absolument que son épouse allaite leur fils car il juge contre-nature de traire une paysanne ou une vache pour nourrir son enfant mais le nourrisson maigrit car la mère n'a pas de lait. « Il n'y a pas d'autre remède que de prendre une nourrice, déclara le docteur. » (page 156).
Tentative de réforme
À Paris, Lisen qui fabrique des fleurs rencontre un artiste peintre. Comme ils ont les mêmes idées sur la vie, ils se marient mais ont chacun une chambre et ne veulent pas d'enfant. Où va leur couple ?
Cas de force majeure
Anna, une jeune comptable du bureau des bagages du chemin de fer épouse un inspecteur des eaux et forêts (surnommé le chasseur vert). Tout va bien jusqu'au jour où l'épouse voit ses horaires changer et doit travailler plus tard le soir. De plus, elle doit aller à une réunion et un repas avec ses collègues qui sont tous des hommes. Le mari, ouvert d'esprit, prêchant l'égalité homme-femme et l'émancipation change radicalement. « Quelle horreur, il était jaloux, quel affront ! Quelle offense, quel manque de confiance ! Que pensait-il d'elle ? » (page 167).
Une maison de poupée
Marié depuis six ans, un couple prend plaisir aux séparations dues au fait que l'époux est capitaine de marine. Mais les lettres qu'envoie Gurli à Vilhelm ne le satisfont plus : elle y parle de son amie, Ottilia Sandegren, et de philosophie... « Platon ! Platon ! Au diable Platon ! Eh oui, quand on est en mer pendant six mois, voilà Platon qui s'amène ! » (page 185). Elle lui envoie aussi un livre, Maison de poupée (Henrik Ibsen) auquel il ne comprend rien. Les relations entre eux se dégradent.
L'oiseau Phénix
Le jeune homme est tombé amoureux de cette adolescente blonde de quatorze ans mais il est parti étudier à l'École des Mines et dix ans après, il épouse la jeune femme malgré les changements et la maladie. « […] il l'aimait malgré tout. Son amour n'était plus aussi fougueux qu'autrefois, mais il était solide et calme […]. » (page 198). Elle lui donna deux fils et enfin, une fille : elle était « la joie du père » mais elle mourut de la diphtérie et il ne s'en remit pas.
En fait, j'ai lu la première partie : douze histoires de mariage avec interview et préface, ce qui correspond, je pense, à Giftas I, recueil paru en 1884. Je ne sais pas si je lirai la deuxième partie, Giftas II donc, recueil paru en 1886. Déjà, c'est écrit tout petit (j'ai vraiment du mal...) et puis, passée la découverte, toujours intéressante, je trouve ces nouvelles un peu répétitives... Je crois qu'en lisant August Strindberg, tout le monde va comprendre que le mariage, qu'il soit d'amour ou arrangé, est une horreur, que l'époux ou l'épouse ou la belle-famille sont tout simplement invivables, que c'est encore pire s'il y a un (ou des) enfant(s) et qu'il vaut mieux rester célibataires ! Car, après l'amour et l'euphorie du mariage, les couples découvrent vite les problèmes liés à la routine, aux finances, à la venue de l'enfant (désiré ou pas) et s'engluent dans l'incompréhension, le manque de confiance, la défiance et parfois la haine. Désabusé par ses unions ratées, névrosé, impécunieux, l'auteur dénonce les mensonges et l'hypocrisie du mariage et des relations entre hommes et femmes. On comprend mieux lorsqu'on remet ces récits dans le contexte de l'époque, la fin du XIXe siècle : urbanisation, industrialisation, divorces, prostitution... Mais, en fait, rien n'a changé car ce sont les défauts du genre humain que montre Strindberg, et l'incompatibilité entre les uns et les autres, en s'inspirant de son expérience et de ce qu'il observe, mais il n'a pas la sensibilité et le panache panache de Maupassant ou de Tchekhov...
Si Strindberg et son œuvre vous intéressent, vous pouvez visiter le site de la Société August Strindberg, en suédois et en anglais mais vous trouverez Strindberg d'année en année en français.
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