J'ai vu le nouveau film de Bertrand
Tavernier au cinéma à sa sortie. J'ai aimé Dans la brume électrique mais j'ai pensé que le film était trop propre, pas assez humide, brumeux, sombre... J'ai eu envie de lire le roman
(il paraît que c'est le meilleur de James Lee Burke).
Dans la brume électrique avec les morts
confédérés de James Lee Burke est un roman policier paru chez
Rivages/Noir en 1995 mais je l'ai lu en poche (1999, 480 pages, 10,40 €, ISBN 978-2-7436-0428-X). In the electric mist with confederate dead (1992) est traduit de l'américain par Freddy
Michalski.
Voilà ce qu'il manquait au film : « Le ciel avait viré au noir au crépuscule, [...], noyant New Iberia sous son déluge [...] jonché de feuilles et de branches d'arbres tombées [...]. « [...] une pluie fine chargée des odeurs lourdes et riches d'humus humide, jasmins de nuit, roses et jeunes pousses de bambou. » (page 7).
J'aime le style, le choix des mots, les descriptions, ce que le langage littéraire a (pour moi) de
supérieur au langage cinématographique.
Après une journée harassante, Dave Robicheaux rentre chez lui et arrête Elrod T. Sykes qui conduit en état d'ivresse avec à ses côté Kelly Drummond. Les deux jeunes gens
sont les acteurs principaux d'un film qui se tourne actuellement à New Iberia et ayant pour cadre la Guerre de Sécession. Mais Sykes raconte à Robicheaux que lors du tournage, il a vu un corps
entouré d'une chaîne rouillée dans le marais d'Atchafalaya et des soldats confédérés « la nuit, perdus dans la brume » blessés et affamés.
L'adjoint du shérif qui enquête déjà sur la mort de Cherry LeBlanc (19 ans, violée, mutilée et assassinée) rajoute cette enquête sur la mort de cet homme noir, DeWitt Prejean (retrouvé grâce à Sykes mais dont il se souvient avoir été témoin 35 ans auparavant). Pour couronner le tout, le truand Baby Feet Balboni avec qui il a joué au base-ball adolescent, est de retour en ville car il est un des producteurs du film en cours de tournage.
À la maison, dans le bayou, Robicheaux retrouve un peu de douceur et d'humour avec son épouse (Bootsie), son employé noir (Batist), sa fille adoptive (Alafair surnommée Alf, 11 ans) et les animaux (Tripod, un raton laveur et Tex, un cheval alesan).
Peu de temps après, le corps sauvagement mutilé d'une autre jeune femme est trouvé par un pêcheur dans un baril. Puis Kelly Drummond est assassinée car le tueur l'a pris pour Robicheaux (il pleuvait et elle portait son imper...).
Dave continue l'enquête avec Rose (Rosie) Gomez, envoyée par le FBI.
Depuis la mort de Kelly, il sent une odeur étrange et a des nuits agitées à cause de rêves. Et c'est au bout d'un peu plus de 200 pages, que Robicheaux voit la fameuse brume : « La brume était aussi rose et épaisse qu'une barbe à papa et donnait l'impression de claquer de décharges électriques » (page 223) et rencontre le général John Bell Hood et ses hommes.
Du coup, il y a un petit côté fantastique, fantômatique plutôt (même si l'enquête reste bien ancrée dans le quotidien), des conversations entre le général et le policier : « Quel jour sommes-nous ? - Le 21 avril 1865. [...] Je crois que cette conversation n'est pas réelle. Je crois que tout ceci aura disparu à la lumière du jour. » (page 226). « Des hommes vénaux, des hommes du mal sont en train de détruire le monde dans lequel vous êtes né. Ne pouvez-vous pas comprendre ? Pourquoi est-ce la peur que je lis sur votre visage ? » (page 227). « Ne vous a-t-il pas dit un jour que si tout le monde est d'accord sur quelque chose, c'est que c'est probablement faux ? » (page 294). « Peut-être notre société souffre-t-elle d'une telle culpabilité collective que nous craignons d'en punir individuellement les membres. » (page 379).
Un roman que je n'arrivais pas à lâcher mais il le fallait bien alors je l'ai lu en deux fois. En fait, j'ai lu avant l'apparition de la brume la première fois, après l'apparition de la brume la deuxième fois et je n'ai pas pu m'arrêter, ce qui signifie lecture une partie de la nuit ! Je le conseille fortement, même à ceux qui n'aime pas les romans policiers, parce qu'il n'est pas qu'un roman policier. C'est le roman de la Louisiane, du bayou, des secrets et des hommes qui y habitent, des personnages souvent pauvres, parfois violents mais toujours attachants. L'écriture soignée et aboutie de James Lee Burke donne tout ce qu'un lecteur peut attendre d'un beau roman.
Maintenant j'ai envie de lire les autres romans de James Lee Burke mais je crains qu'aucun ne vaille Dans la brume électrique avec les morts confédérés...
L'idée qui tue !
« Qu'est-ce que je peux dire ? On vit une époque de malades. Tu veux mon opinion ? Ouvre donc quelques colonies pénitentiaires au pôle Nord, là où vivent les pingouins. Débarrasse-toi de tous ces salopards de merde et ramène-nous donc un peu de propreté avant que la ville tout entière ne se transforme en chiotte. » (page 149).
Je n'ai pas osé demandé à Jules ce qu'il en pensait...
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