Échos illusoires du luth, de Natsume Sôseki (1867-1916)
Le serpent à plumes, nouvelles, 2008, 186 pages, ISBN 978-2-268-06654-7
Dans ce recueil, deux nouvelles indépendantes : Échos illusoires du luth et Le goût en héritage. Pour que l'article ne soit pas trop long, je vous les présente séparément. Voici donc la première nouvelle.
Échos illusoires du luth, Koto no sorane, traduit du japonais par Hélène Morita
Un soir, un jeune homme (on ne connaît que ses initiales M.K.) rend visite à son ami Makata Tsuda, devenu psychologue et qui étudie les phénomènes étranges.
Après ses études de Droit, M.K. a de son côté trouvé un travail, s'est fiancé à Tsuyuko, a quitté la pension des étudiants pour louer un petit appartement où il vit avec une femme de charge en attendant de se marier. Mais la vieille dame, adepte d'un bonze du temple de Denzû-in, l'ennuie avec ses superstitions et ses idées d'un autre âge...
Tout en servant le thé, Tsuda raconte alors à son ami des histoires étranges, et bien que le jeune homme ne veuille pas croire aux fantômes, il se laisse pourtant influencer (curiosité, poids du passé et des traditions, aplomb de son ami ?). « Je suis diplômé en Droit. Je ne suis pas enclin à examiner la réalité du moment sinon en exerçant mes facultés de jugement, à la lumière du bon sens [...]. Ce que je déteste le plus est d'être contraint à courir après des chimères, à me confronter à des revenants, mauvais sorts, ou autres relations nouées par le destin. Néanmoins, je continue à m'incliner devant l'intelligence de Tsuda [...]. » (page 28).
En rentrant chez lui, à Kobinatadaimachi, vers 23 heures, une série de « signes » (pourtant habituels et naturels) mettent le jeune homme dans tous ses états, l'obscurité, la pluie, la Pente des Chrétiens avec son panneau qui prévient « La pente la plus raide du Japon. Vous qui désirez rester en vie, soyez vigilants ! » (page 41), le micocoulier (arbre) au sommet de la côte, une lumière, le fait de penser à Tsuyuko grippée, les avertissements du policier qui fait sa ronde, un chien qui aboie...
Le jeune homme est si bouleversé qu'il ne dort pas et se rend chez les parents de sa fiancée « dès le lever du jour », événement tellement étrange que sa belle-mère croit à une urgence !
Ce récit se situe après 1903 car le roman « Les plaisirs d'un gourmet » de Murai Gensai était déjà paru (note page 66).
Un style très fluide, on sent que l'auteur délivre avec plaisir de nombreuses d'informations sur le Japon : le thé, l'alimentation, la monnaie, le bouddhisme, la littérature, la guerre contre la Russie, le jeu de Shôgi, etc. Il montre aussi la dualité (qui n'a pas disparu finalement) entre traditions et modernité, et la vision des Japonais vis-à-vis des nouvelles choses en provenance de l'Occident.
« Il y a toujours des imbéciles, décidément ! » [...] « Oui, c'est bien vrai ! Pour raconter comme ça des idioties sur des revenants, des fantômes, je ne sais pas quoi encore... C'est des trucs du passé ! Maintenant qu'on a l'électricité, des vieilleries pareilles, ça suffit ! » (page 64).
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