20 000 euros sur Ségo ! est une sotie (voir plus bas) de Christophe Donner parue en mars 2009 aux éditions Grasset (247 pages, 12 €, ISBN 978-2-246-75201-1) dans la collection Littérature française.
L'auteur
Parisien, né en 1956, Christophe Donner est cinéaste, journaliste, écrivain, critique littéraire et passionné de courses de chevaux. Plus d'infos sur l'auteur (et les chevaux !) sur son blog, Parier c'est Donner et sur son site, Christophe Donner, écrivain.
Le livre
Henri est écrivain. Il prépare un livre sur les courses de chevaux mais il est tellement présent sur les hippodromes qu'il n'a pas trop le temps d'écrire. D'ailleurs parier et jouer aux courses, c'est son dada depuis qu'il a quinze ans, mais là, il est un peu à sec et son épouse, Dora, insiste pour changer les fenêtres de leur maison. Problème : le montant du devis s'élève à 40 000 euros... « Il faut que tu fasses quelque chose a dit ma femme. - Quoi ? - Écris un livre, elle a dit. - Mais je suis déjà en train d'écrire un livre. - Un livre qui rapporte des sous ! » (pages 8-9).
Intrigué par le chiffre 6 au PS : six motions et six prétendants (Aubry, Caresche, Delanoë, Hamon, Pupunat et Royal) comme dans une course de six partants, Henri a une idée lumineuse. Il contacte donc son éditeur et lui promet un livre sur le congrès de Reims. Et hop ! 20 000 euros dans son escarcelle. Il décide de parier sur Ségo bien qu'il ne soit pas du tout proche d'elle et de sa politique (il a voté pour Sarko aux présidentielles, mais attention, ses parents et son oncle Léo étaient communistes).
Pour commencer, c'est avec son ami Sharooz, Iranien rencontré à Longchamp, qu'Henri va écouter Ségo et « ses amis chanteurs de gauche » au meeting du Zénith. Sharooz : « les travailleurs sont des cons, ils ne se rendent pas compte qu'ils sont exploités, mais heureusement les socialistes sont là pour leur faire prendre conscience. » (page 27). J'ai adoré le passage avec Bernie Bonvoisin, le chanteur du groupe Trust (pages 30 à 32). Et puis le mot fraternité peut-il rimer avec amertume, ressentiment, mépris, jalousie, aigreur ? (lire page 35). Narcissisme, hystérie, cynisme... Rire de tout.
La suite est vraiment drôle car Henri n'a pas sa langue dans la poche et il dit (écrit) non seulement ce qu'il pense, ce qu'il voit, mais il rapporte aussi des faits, des paroles d'adhérents pas toujours contents, et les six candidats en prennent pour leur grade, ainsi que Sarko, les consultants, les journalistes, les partisans, et surtout Ségo parce qu'après tout, c'est sur elle qu'il va miser (et attention, il ne joue pas, il parie) : « C'est la honte », « ça serait horrible » (qu'elle gagne), « Ridicule. Elle était ridicule. » (page 69), « Ah non, pas elle ! Coupez ça ! [...]. » (page 71), « Ségolène a tendu son doigt pour mieux faire comprendre les mots compliqués qui cachent les choses très simples. Avec son doigt tendu elle a essayé de nous faire entrer les choses simples de l'économie dans notre tête de linotte. Elle a refait toute l'histoire de la crise. Et après, elle est passée aux punitions [...] » (page 147), etc. C'est qu'avant Reims, et pour se familiariser avec les candidats, Henri écume les meetings avec sa nièce, Alice, qui elle soutient Benoît Hamon et qui craint pour son avenir car elle est tombée amoureuse d'un gars qui soutient Ségo...
F. m'avait dit que ce livre n'était pas très intéressant, peut-être parce qu'il sait que je ne suis pas attirée par la politique... Eh bien, je l'ai pourtant trouvé pertinent, parce que c'est le récit de l'âme politique, le désir du pouvoir, l'hypocrisie, les coups bas, les discours qui ressemblent à des bavardages sans queue ni tête (parce qu'on y a « mis bout à bout des phrases chocs, des bons mots, des anecdotes, des citations »), la triche et la fin que l'on sait.
Quelques mots sur la sotie
Sotie (ou sottie) de sottise, farce satirique jouée par des sots et des sottes au XIVe et XVe siècles, pièce politique dès le XVIe siècle (normalement suivie d'une moralité). La sotie de Christophe Donner est donc une comédie politique moderne, non pas jouée par des acteurs sur une scène de théâtre, mais jouée par de vraies personnes (les candidats) devant des spectateurs (partisans, journalistes, parieurs) et miracle de la technologie devant des téléspectateurs ce qui fait que les sots sont vraiment très nombreux et touchent encore plus de sots !