Au pays des kangourous est un roman de Gilles Paris paru aux éditions Don Quichotte en janvier 2012 (249 pages, 18 €, ISBN 978-2-35949-058-9).
Gilles Paris est né le 5 avril 1959 à Suresnes (Hauts de Seine). Il travaille dans le monde de l'édition. Il a déjà publié deux romans, Papa et maman sont morts (1991, réédition janvier 2012) et Autobiographie d'une courgette (2002) pour lequel il a aussi écrit le scénario du téléfilm C'est mieux la vie quand on est grand (2008). Au pays des kangourous est son troisième roman. Plus d'infos sur http://www.gillesparis.net/.
Je remercie les éditions Don Quichotte de m'avoir envoyé ce roman et Gilles Paris pour son amicale dédicace.
Simon Ravine est un enfant de 9 ans. Il est en classe de CM1, bon élève. Il aurait aimé avoir une petite sœur, Lily, mais ce sont les parents qui décident de ça. Il a des copains en particulier Jérémy et son chien, Franklin. Il joue à des jeux de société (Mille Bornes, Monopoly) et avec sa DS. Il rêve beaucoup, même éveillé. Il vit avec ses parents dans un bel appartement parisien, avenue Paul-Doumer au Trocadéro. Son papa, Paul, est écrivain et passe beaucoup de temps avec lui. Bref Simon a tout pour être heureux sauf que...
Sa maman, Carole, une jeune femme belle et ambitieuse, a préféré privilégier sa carrière et, en tant que directrice de marketing chez Danone, elle fait souvent des séjours de plusieurs mois au pays des kangourous. C'est comme ça que Simon nomme l'Australie : un pays si lointain qu'il faut de longs voyages en avion pour y aller et en revenir, et à cause du décalage horaire, il est à l'école chaque fois que sa maman téléphone.
Un matin, Simon, retrouve son père enfermé dans le lave-vaisselle. Paul n'est plus le même, ses yeux verts sont devenus gris, il n'a plus goût à la vie, il va être hospitalisé...
Heureusement, Simon a une grand-mère formidable, Lola : elle a plusieurs copines un peu excentriques qu'il appelle affectueusement Les Sorcières (elles dansent pieds nus, elles communiquent avec les morts), un chauffeur qui dit Monsieur même aux enfants, et un copain forain qui lui tourne autour car Lola ne s'est jamais mariée avec le père de papa.
Simon va rendre visite à son papa à la clinique de Meudon. Pendant que Lola est avec le médecin, Simon va chercher une boisson au distributeur. Il rencontre Lily, une fillette étrange aux yeux violets.
Comme c'est Simon le narrateur, tout est vu par ses yeux d'enfant et son imagination. Sa compréhension est faussée puisque les adultes ont décidé de ne pas lui dire la vérité mais il porte quand même un regard lucide sur ce qu'il voit et ce qu'il connaît. Par exemple, « Les grandes personnes adorent collectionner des tas d'objets qui ne servent à rien. » (page 12). Pour Paul, ce sont les livres, pour Carole, des bougies que Simon n'a pas le droit d'allumer et pour Lola, des grenouilles (certaines font même un peu peur).
Les rêves de Simon lui permettent de comprendre des choses mais ils sont parfois tellement oniriques qu'ils l'embrouillent aussi et lui font craindre des êtres qui n'existent pas. « Je n'ai jamais parlé des monstres à papa et à maman. » (page 33).
Simon sait qu'il y a des choses qui ne lui sont pas encore accessibles. « Je n'ai pas de copine encore. J'attends le coup de foudre comme dans les films. » (page 48). Mais il n'est pas pressé. « Toutes les filles que je connais sont bêtes. » (page 49). Ainsi il ne pose pas de questions sur les relations entre son papa et sa maman et pense même que les absences de Carole sont normales. Il l'aime, ne la juge pas et il est persuadé qu'elle va revenir. Mais il se rappelle les disputes entre ses parents, les moments où sa maman était là mais comme absente car elle s'enfermait dans la chambre d'amis et passait des heures au téléphone avec ses copines. « Papa ou maman se sont dit des choses terribles comme si je n'étais pas là et, quand il faut dire des choses vraies, ils tournent autour des mots. Tout m'échappe, parce qu'il me manque l'essentiel. La vérité. » (page 103).
Voilà le maître-mot : vérité ! Il faut dire la vérité aux enfants. Sinon, ils s'imaginent des choses complètement différentes, des choses parfois horribles, ils inventent, ils apprennent à vivre dans le mensonge et le non-dit. « Quand une grande personne décide de ne plus parler d'un souci, elle l'enterre si profond que personne n'ose proposer sa pelle. » (page 165).
Quant à Lily, la fillette que Simon rencontre à la clinique, elle est presque irréelle : comment fait-elle pour être dans chacun des trois hôpitaux où Paul est envoyé ? Comment peut-elle savoir des choses sur son papa et sa maman ? Qu'est-ce qu'elle entend par dépression ? Et pourquoi son meilleur ami, Jérémy, dit-il que Paul est dingue ?
Ce qui est intéressant avec ce livre triste, c'est qu'il est drôle, oui vous avez bien lu, les deux ne sont pas antinomiques ! Simon est touchant, son papa aussi, et leur histoire est émouvante. Lorsque Paul s'enfonce dans la dépression, le lecteur s'enfonce avec lui, et puis l'innocence de Simon, la vivacité de Lily, l'abnégation du chauffeur, le pardon à Jérémy, l'originalité de Lola et des Sorcières en font sortir peu à peu, en même temps que le papa, pour aller vers une fin heureuse, naturelle et pas mièvre (plutôt proche de la vie réelle en fait).
Au pays des kangourous est un conte moderne qui fait réfléchir mais qui ne juge pas, ainsi chaque lecteur pourra y retrouver une petite partie de soi, un détail, un souvenir, la joie, la tristesse, l'amour, la vie.
Mon passage préféré
(et pas seulement parce qu'aujourd'hui c'est la Saint Valentin)
« Il vaut mieux ne parler à personne des gens qu'on aime. Les mots pour dire la magie et le mystère de la personne qu'on aime n'existent pas. En parler retire même un peu de magie et de mystère. Après, c'est quelqu'un comme tout le monde et c'est bien fait pour celle ou celui qui en a trop parlé. » (page 234).
PS du 21 mars : Les éditions Don Quichotte m'apprennent ce jour que Gilles Paris vient de recevoir le Prix Cœur de France 2012 pour ce roman (« Ce prix à vocation littéraire récompense un roman accessible au plus grand nombre. »). Je suis très contente pour Gilles Paris parce que son roman est très réussi et émouvant. Pour ceux qui habitent (ou qui seront) à Limoges, le prix sera décerné au Salon du Livre de Limoges le samedi 31 mars à 17 heures par les membres du Jury (Mesdames Madeleine Chapsal, Janine Boissard, Ève Ruggieri, Sonia Rykiel, Régine Deforges, Marie-Paule Barruche, et Messieurs Éric Portais et Gonzague Saint-Bris). Vous nous raconterez !
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