Bienvenue à Oakland est un roman d'Eric Miles Williamson paru aux éditions Fayard dans la collection Littérature étrangère le 24 août 2011 (414 pages, 20,90 €, ISBN 978-2-213-65425-6). Welcome to Oakland (2009) est traduit de l'américain par Alexandre Thiltges.
Je remercie Newsbook de m'avoir envoyé ce livre de la rentrée littéraire en partenariat avec Fayard.
Eric Miles Williamson est né le 20 juin 1961 à Sacramento (Californie). Il est professeur d'anglais, auteur et trompettiste de jazz.
Du même auteur : Gris-Oakland (Gallimard, 2003) et Noir béton (Fayard, 2008).
T-Bird Murphy est né dans une famille irlandaise pauvre à Oakland, en Californie.
Un quartier en face de la baie de San Francisco : en face les riches, ici les Blancs pauvres, les Noirs, les Mexicains, en un mot les rejetés de la société.
Il a maintenant dans les 40 ans et raconte son histoire alors qu'il vit dans un garage de Warrensburg, dans le Missouri. Pourquoi est-il planqué dans ce garage individuel, seul et loin de chez lui ?
« Rien ne me rend plus heureux que de vivre dans un trou, et je dois dire que j'ai vécu dans des sacrés trous de merde. » (première phrase du roman, page 11).
« Tu peux me croire, je ne vis pas ici par choix artistique ou romantique, comme ces écrivains qui frayent avec le peuple dans les bas-fonds parce qu'ils ont besoin d'un sujet intéressant, ces touristes au grand cœur des entrailles de l'humanité. » (page 12).
Une enfance avec une mère un peu hippie, proche des Hell's Angels qui se considèrent un peu tous comme les pères, mais élevé par Pop « Bud » Murphy dont il porte le nom.
La mère partie, comme beaucoup de femmes, vers une vie « meilleure » avec des hommes plus riches.
Deux frères, morts.
Enfant calme, travailleur. Il aurait voulu être trompettiste mais il n'est pas assez doué et se contente de jouer dans des fêtes mexicaines.
Ce qu'il souhaite : avoir un travail, un toit, se marier à une gentille fille, avoir des enfants. « Je voulais fonder une famille qui ne soit pas aussi déglinguée que la mienne. » (page 15).
Au début, lorsque j'ai vu ce partenariat, Bienvenue à Oakland ne m'a pas intéressée parce que ni le titre ni l'auteur ne me disaient quoi que ce soit ; et puis j'ai du cogiter parce que j'y suis retournée, j'ai postulé et ouf, il restait un exemplaire pour moi ! Eh bien, je ne regrette pas du tout parce que ce roman est somptueux ! J'ai adoré l'écriture d'Eric Miles Williamson, son style populaire voire argotique, non seulement il ne fait pas dans la dentelle mais en plus il n'est pas du tout politiquement correct.
Et il prend le lecteur à témoin : « Ce livre ne raconte pas comment j'ai surmonté l'adversité ou lutté contre mon environnement, parce que j'aime et que j'ai toujours aimé mon milieu – sauf la fois où j'ai fait le snob en épousant une fille des quartiers résidentiels. Ce livre parlent des gens qui travaillent pour gagner leur vie, les gens qui se salissent et ne seront jamais propres, […]. Pour toi, ce sont des personnages, pour moi c'est la famille, ceux avec qui j'ai grandi. […]. » (pages 13-14).
De plus il tire à boulets rouges sur les riches, les snobinards, les bobos, les bouffeurs de sushis, son agent qui l'a viré car il n'a pas aimé son bouquin, et même sur les lecteurs ! « Si on se rencontre un jour, y a de grandes chances pour que je ne t'aime pas. Et je ferai de mon mieux pour m'assurer que tu ne m'aimes pas non plus. Ça, je vais pas te réconforter, te raconter une histoire truffée de rédemption et gratinée d'espoir. » (page 24).
Donc soit on se sent mal à l'aise et on abandonne la lecture (ce qui est vraiment dommage) soit on adhère et on dévore le livre ! C'est ce que j'ai fait, j'avais trop envie de découvrir ce T-Bird, de savoir ce qu'il avait vécu – ce qu'il avait dans le ventre ! – et comment il en était arrivé là.
Deux bonnes raisons d'aimer T-Bird ! Si, si ! 1. Il est fan des Creedance Clearwater Revival (j'adore ce groupe ! J'ai appris qu'ils sont de Berkeley juste au nord d'Oakland). 2. Il lit. « Personne ne savait que je lisais tous ces bouquins. C'est pas le genre de truc qui s'avoue, dans mon quartier. Si tu racontes qu'au lieu de mater le match des Raiders ou de picoler de la bière tu lis des bouquins, merde, tout le monde va penser que t'es une tarlouze, plus personne ne t'adressera plus jamais la parole et, ce qui est clair, c'est que plus personne ne te fera plus jamais confiance, pas avec cette tête remplie de gentilles petites conneries artistiques de coco, cette tête dans les nuages qui regarde tout le monde de haut. Si tu lis des bouquins, eh ben, tu le gardes pour toi. » (page 80).
Le message de T-Bird : « Et toi, qui est en pleine crise existentielle, j'ai un petit conseil à te donner : trouve-toi un putain de boulot. Les pauvres vont pas chez le psy. Ils vont bosser. » (page 382).
Qu'il y ait de la pauvreté aux États-Unis, comme dans tous les pays considérés comme plutôt riches, je le savais, mais à ce point-là, et souvent sans possibilité de se sortir de son milieu ou alors à de rares exceptions...
Voilà un auteur américain d'origine irlandaise qui met de son vécu dans ses romans, de ses tripes – comme Frank McCourt avant lui – et j'ai bien envie de lire Gris-Oakland et Noir béton.
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