Blanc est une pièce d'Emmanuelle Marie parue aux éditions L'avant-scène théâtre dans la collection Quatre-vents en 2005 (58 pages, 9,20 €, ISBN 978-2-7498-0954-0). Préface de Zabou Breitman. Pièce créée au Théâtre de la Madeleine à Paris en 2006.
Emmanuelle Marie est née en 1965 à Boulogne sur Mer (Pas de Calais). Elle a étudié les Lettres modernes et la filmologie. Elle est auteur (romans, pièces de théâtre, livret d'opéra) et a fondé la Compagnie des Docks en 1989. Elle est décédée le 9 mai 2007.
La scène : une cuisine.
Les personnages : deux sœurs, l'aînée a 30 ans et la cadette a 25 ans.
Assises l'une en face de l'autre, sur deux chaises, « L'Aînée » et « La Cadette » se parlent en préparant un repas (du bœuf-carottes) alors que leur mère est mourante dans la chambre à côté.
« L'Aînée : Il a dit quoi ?
La Cadette : Il a dit un jour deux jours trois jours une semaine...
L'Aînée : Il en sait rien.
La Cadette : Il a dit pas plus d'une semaine.
L'Aînée : Il a dit ça pas plus d'une semaine ! » (page 11).
L'aînée va annuler ses rendez-vous professionnels et... perdre de l'argent.
« L'Aînée : Il peut pas être plus précis ?
La Cadette : Qui ?
L'Aînée : Le toubib peut pas être plus précis ?!... » (page 13).
La cadette a éloigné Jean, son mari, et Gabriel, leur fils de 4 ans.
« La Cadette : […] Ils sont partis à l'aube... Mais je te l'ai dit déjà. Et tu n'écoutes pas. Tu n'écoutes rien. » (page 14).
Voila, c'est dit : les deux sœurs se parlent mais sans vraiment se parler et surtout sans s'écouter ! Parce que la cadette fait des reproches à l'aînée mais elle agit de même (voir l'épisode du riz pages 18-19 et du thé pages 19-20).
Parfois la lumière baisse puis se dépose sur une des sœurs qui monologue. Chacune a ses soucis. Pour L'Aînée, travail et argent car elle doit payer son loyer, et un homme aussi, ça lui manque. Pour La Cadette, vie d'épouse, de mère et de fille car elle vit en famille dans cette maison et s'occupe de leur mère.
« La Cadette : Lutter lutter pour en arriver là. Ce qu'elle nous a appris quelle valeur aujourd'hui ça veut dire quoi... ? » (page 25).
Avez-vous remarqué, dans les extraits, les mots mis bout à bout et l'absence de ponctuation ? Ça rend la lecture bizarre et je pense qu'il faut plutôt s'imaginer les deux voix.
Et puis le manque de réel échange entre les deux sœurs existe aussi avec la mère qui ne dit rien : « Tenir sa main pour toutes les choses que l'on ne peut pas dire qu'il est trop tard pour dire […] Tenir sa main merde je peux seulement faire ça. » (pages 28-29).
L'Aînée se réfugie dans la gourmandise (pain-beurre-chocolat) et le rêve (un train genre l'Orient-Express). La Cadette avoue son infidélité. Elles sont en fait toutes les deux dans un grand désarroi, une grande confusion, elles rêvent d'ailleurs.
Et puis un absent... Le père. L'Aînée voudrait l'appeler mais s'il ne venait pas...
Il y a du désespoir... Attendre la mort de sa mère, ne pas pouvoir parler avec elle, ne pas dire l'amour qu'on se porte... Le silence... Et une occupation à laquelle se raccrocher : les draps à laver et à pendre, les draps blancs.
Quelle force dans ces dialogues et monologues surprenants !
Lu pour le Tour des genres en 365 jours (2e théâtre), je mets aussi
ce livre dans les challenges Cent pages, Lire sous la contrainte (titre en un seul mot), Petit bac (dans la catégorie couleur) et Ô vieillesse ennemie. |
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