Chapardeuse est un roman de Rebecca Makkai paru aux éditions Gallimard dans la collection Du monde entier le 22 août 2012 (368 pages, 21 €, ISBN 978-2-07-013220-1). The Borrower (2011) est traduit de l'américain par Samuel Todd.
J'ai reçu Chapardeuse dans le cadre de l'opération On vous lit tout ! organisée par Libfly et la librairie Le Furet du Nord. Comme pour La table des autres, de Michael Ondaatje, je suis très en retard puisque ma note de lecture aurait dû être publiée avant le 4 juillet sur le blog et durant la deuxième semaine d'août sur Libfly, honte sur moi...
Rebecca Makkai est auteur de nouvelles et de ce roman. Elle vit à Chicago. Plus d'infos sur http://rebeccamakkai.com/ (en anglais).
Hannibal, une petite ville du Missouri.
Lucy Hull, 26 ans, célibataire, travaille comme bibliothécaire dans la section enfants.
« J'étais sortie de la fac quatre ans plus tôt, j'avais recommencé à me ronger les ongles. Je comptais en tout et pour tout deux amis adultes. Je vivais seule dans un appartement à deux patelins de là. Une demoiselle bibliothécaire dans sa plus simple expression. » (page 19).
Mais pour mieux cerner le personnage de Lucy, il est important de lire :
« Choses héritées de mon père : […] Une profonde culpabilité russe.
Choses héritées de ma mère : La culpabilité juive américaine, éternelle. » (pages 19-20).
Lucy a repéré un enfant de 10 ans qui vient régulièrement et qui lit beaucoup, Ian Drake. Mais ses parents sont des chrétiens fondamentalistes et la mère de Ian fournit à Lucy une liste de livres interdits comme ceux parlant de magie ou de sorcellerie, d'armes, de l'évolution, etc.
« En fait, en tant que bibliothèque publique , nous ne censurons rien. C'est notre boulot de rendre tout accessible. Même si les parents peuvent évidemment choisir pour leur enfant. » (page 22).
Mais il n'y a pas que ça... Les parents de Ian pensent que leur fils est « sur la mauvaise pente », c'est-à-dire « sexuellement désorienté ». Le week-end ils l'envoient donc dans un établissement où un pasteur remet la jeunesse dans le droit chemin. Si Ian est désorienté, c'est plutôt par le comportement de ses parents et ce qu'ils lui font subir.
« J'avais toujours essayé d'être évasive, la bibliothécaire amicale et neutre – une espèce de thérapeute qui écoute en hochant la tête. Dans le cas présent, je ne pus m'empêcher de prendre parti. 'Ian, ça n'est vraiment pas juste, dis-je. Je pense que c'est très injuste.' » (page 92).
Un jour Ian fugue, il passe la nuit dans la bibliothèque et le lendemain matin embarque Lucy dans un road movie (un « road book » en fait !) avec la rencontre des parents Hulkinov (le véritable nom russe de Lucy) et la traversée de plusieurs États jusqu'au Vermont près de la frontière canadienne !
Durant ce périple, Ian et Lucy, toujours dans la crainte d'être arrêtés par la police, vont apprendre à se faire confiance, s'interroger, s'entraider dans la recherche de leur identité profonde et découvrir le discernement dont ils ont besoin pour affronter leurs histoires familiales : les idées de ses parents pour Ian, le passé soviétique de son père pour Lucy.
« Nous vivons dans une nation de fugitifs. Tous ses habitants viennent d'ailleurs. Même les Indiens, ils ont un jour traversé le pont terrestre de l'Alaska. […]. » (page 220).
Vous comprenez mieux maintenant le titre : Chapardeuse quoique le titre original signifie plutôt « emprunteur ». Mais ne soyez pas choqués car cette histoire n'est pas le récit d'un kidnapping ! D'ailleurs vous serez sûrement surpris par les tenants et les aboutissants.
J'ai adoré la blague russe du père de Lucy, je me la note pour ne pas l'oublier ! « Qu'est-ce qu'un Russe ? Un nihiliste. Qu'est-ce que deux Russes ? Une partie d'échecs. Qu'est-ce que trois Russes ? Une révolution. » (page 29). Excellent !
Il y a de nombreuses références à la littérature et d'intéressantes réflexions sur la bibliothécaire. En voici une entre autres. « Comme c'est étrange, cette profession systématiquement associée à la solitude, à la virginité et au désespoir féminin. La bibliothécaire, avec son pull à col roulé, qui n'a jamais quitté sa ville natale. Assise à son bureau, elle rêve du grand amour. » (page 76).
Mais bien sûr Rebecca Makkai ne parle pas que d'enfance et de bibliothèque : elle révèle la société américaine et son conformisme, les mensonges sur lesquels ses habitants (des fugitifs) ont créé leur nouvelle vie, la peur de l'Autre c'est-à-dire de celui qui ne fait pas ce qu'on voudrait qu'il fasse et qui ne vit pas comme on voudrait qu'il vive. Mais peut-on diriger la vie de l'Autre, peut-on décider pour l'Autre ? Je pense que vous connaissez tous la réponse à ces questions !
Chapardeuse est enfin un coup de cœur de cette rentrée littéraire dans laquelle j'ai eu bien du mal à entrer cette année ! En plus, c'est un premier roman alors chapeau, madame Makkai !
Un roman pour les challenges 50 États, 50 billets (je n'avais pas encore le Missouri !), Premier roman, 1 % de la rentrée littéraire 2012, ABC critiques 2012-2013 (lettre M), Le tour du monde en 8 ans (États-Unis) et Le tour des genres en 365 jours (contemporain).
commenter cet article …