éternels instants est le premier roman d'Edgar Kosma, il est paru aux éditions Luc Pire/Grand Miroir le 18 février 2010 (239 pages, 16 €, ISBN 978-2-50700-487-3).
Si j'ai découvert autant d'auteurs belges dernièrement, c'est grâce à Gilles Paris qui me fait parvenir des livres et que je remercie. Après Nicolas Ancion et André-Marcel Adamek, voici donc Edgar Kosma : vais-je l'apprécier autant que ses deux contemporains ? Eh bien oui, et même plus encore !
Edgar Kosma est né à Namur (Belgique) en 1979 et a étudié la philosophie et le journalisme. Il vit à Bruxelles et a co-fondé le collectif littéraire ONLiT.
Trois générations d'Eugen.
« Le début d'une vie, quelque part ; et simultanément, fins d'autres, un peu partout. » (pages 21, 37 et 47).
Armand Eugen, né le 23 octobre 1922, a rencontré Hélène Duval à la fin de l'été 1940 pendant une alerte : ils s'étaient réfugiés tous les deux dans la cave du même immeuble et ont fait l'amour toute la nuit alors qu'ils se rencontraient pour la première fois. Malheureusement, Hélène est morte au printemps 44 laissant un veuf éploré et un orphelin de 3 ans.
Bernard Eugen, né le 15 juin 1941, a perdu ses parents trop jeune pour les connaître. Il a rencontré Jeanne Dumont en janvier 1978 dans un bar où elle prenait un verre avec deux copines. Une semaine après, Cédric était conçu.
Cédric Eugen est né le 4 décembre 1978 tout juste avant minuit. Il n'a pas connu ses parents et a été élevé par sa grand-mère maternelle. Cédric a maintenant bientôt 25 ans, il loue un appartement de cinq pièces, dont le bureau où il « travaille » le matin. « Entre solennité et résignation, il s'adresse à son reflet : « Je suis Cédric Eugen ; C.E. est CE que je suis. ». » (page 67). Son existence est très bien ordonnée. Trop ? Jusqu'à ce jeudi 16 octobre 2003 où il perd son carnet de notes et où Constance Azed le ramasse et le ramène chez elle pour le lire.
J'ai tellement aimé ce roman que je l'ai lu d'une traite ! Une écriture directe et intrigante car l'auteur jongle non seulement avec les mots mais aussi avec le temps. À travers la vie de ces trois hommes qui ne se sont finalement pas connus, il aborde de manière incroyable les thèmes du destin, de la prédestination, du hasard. Et propose en épilogue, deux fins, une pessimiste et une optimiste, ou peut-être bien l'inverse !
Mes passages préférés
« Questions : serait-ce parce que l'on dort sans sa montre que le temps se distord dans les rêves ? Inversement, serait-ce le simple fait de la porter, le jour, qui fluidifie le temps ?
Contre-question : est-il bien sérieux de penser que ces petits objets puissent posséder autant de pouvoir ?
Hypothèse : malgré la confiance que l'espoir nous pousse à placer dans les générations futures, il y a de fortes chances pour que le mystère de l'accélération temporelle reste, à jamais, impénétrable.
Opinion : peut-être est-ce mieux ainsi. » (pages 109-110).
« Simple recette d'un roman : il suffirait de plonger un dictionnaire d'une langue au choix dans une grande casserole, de laisser bouillir un temps suffisant pour que chacun des mots puissent se détacher de l'ordre tyrannique de l'alphabet, ensuite, il faudrait mélanger longuement, en attendant qu'un roman sorte de cette chaude mixture lexicale. Sous cet angle, un bon écrivain ne serait donc rien d'autre qu'un bon mélangeur de mots, une sorte de « chef-mot. » [...] Est-il possible de produire un nombre illimité d'œuvres avec un nombre limité de mots ? » (page 123).
« Les chiffres comptent ;
Les lettres content.
Deux univers pour une même histoire ;
Celle d'un avenir sans exutoire. » (page 172)
« - Le temps s'écoule.
L'étreinte de l'éternité ; l'éternité de l'étreinte : anagrammes nébuleusement métaphoriques et métaphoriquement nébuleuses.
- Le temps est écoulé. » (page 173).
Un gros coup de cœur en ce début d'année ; ce serait vraiment bien que beaucoup de lecteurs le lisent et l'aiment – je l'espère – pour pouvoir en parler !
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