L'enfant de Noé est un court roman d'Éric-Emmanuel Schmitt paru aux éditions Albin Michel en avril 2004 (189 pages, 15 €, ISBN 2-226-15108-7). Il est le 4è volet du Cycle de l'invisible, le premier Milarepa étant consacré au bouddhisme, le deuxième Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, au judaïsme et au soufisme, le troisième Oscar et la dame rose, au catholicisme.
La guerre est finie et Joseph, 10 ans, attend à la Villa Jaune, avec le père Pons le retour de ses parents. Il se souvient de ce qui s'est passé durant ces années de guerre.
Du coup, le lecteur sait tout de suite que Joseph est en vie et va continuer sa lecture pour savoir ce qu'il a vécu pendant 3 ans.
Bruxelles, 1942, Joseph a 7 ans. Ses parents, Juifs, doivent se cacher et le laissent quelque temps chez le comte et la comtesse de Sully qui le font passer pour un neveu. Mais, suite à une dénonciation, il n'y est plus en sécurité et les nobles l'envoient chez le père Pons.
J'aime beaucoup la description du prêtre : « L'homme, long, étroit [...]. Son corps semblait immatériel, [...]. » (page 37). « En revanche, la tête jaillissait, rose, charnue, vivante, neuve, innocente, tel un bébé sortant du bain. » (page 38). Et comme il est chauve, Joseph l'associe à une pierre ponce.
Après une balade de 35 km à vélo, Joseph et le père Pons arrivent à Chemlay où Mademoiselle Marcelle, la pharmacienne, surnommée Sacrebleu, nettoie l'enfant et lui fournit de faux papiers Joseph Bernstein devient alors Joseph Bertin, un vrai petit chrétien de 6 ans, orphelin. Puis le père Pons le conduit à la Villa Jaune où un grand, Rudy lui sert de parrain.
En tout cas, Joseph est déjà très lucide : « Ce n'est pas la chance qui te manque, Rudy, c'est la cervelle. » (page 65) et « Pourquoi étais-je si excité de me rendre à la messe ? Sans doute sentais-je qu'il y avait un fort bénéfice à devenir catholique : cela me protégerait. Mieux : cela me rendrait normal. Être juif, pour l'instant, signifiait avoir des parents incapables de m'élever, posséder un nom qu'il fallait mieux remplacer, contrôler en permanence mes émotions et mentir. Alors quel intérêt ? J'avais très envie de devenir un petit orphelin catholique. » (page 38).
Un soir, Joseph découvre le secret du père Pons dans la vieille chapelle désaffectée. Le prêtre raconte alors à l'enfant l'histoire de Noé, « le premier collectionneur de l'histoire humaine ». (pages 94-95) et tous deux font un pacte : « Toi, Joseph, tu feras semblant d'être chrétien, et moi je ferai semblant d'être juif. Tu iras à la messe, au catéchisme, tu apprendras l'histoire de Jésus dans le Nouveau Testament, tandis que moi, je te raconterai la Torah, la Michna, le Talmud, et nous dessinerons ensemble les lettres de l'hébreu. » (page 98).
Ils deviennent amis, ils apprennent ensemble, ils se soutiennent mais après la fin de la guerre, Joseph retrouvera-t-il ses parents ? Pourra-t-il accepter ce qu'il est, ce que son peuple a vécu et se construire une vie normale ?
Ce roman est très bien écrit et d'une grande profondeur. Il véhicule beaucoup d'émotions et surtout une partie de l'histoire de l'humanité. Un véritable trésor qui m'a arraché quelques larmes (surtout ce qu'il dit à son ami, à la fin).