L'incroyable histoire de la sauce soja est une bande dessinée de Fumio Obata parue aux éditions La Pastèque (Montréal) en février 2012 (118 pages, 21,40 €, ISBN 978-2-922585-93-3).
Je remercie Babelio (opération Masse critique) et Élisabeth des éditions La Pastèque de m'avoir envoyé cette bande dessinée.
Fumio Obata est né en 1975 à Tokyo. Il a étudié le graphisme et le design à Londres (Angleterre) et Glasgow (Écosse). Il travaille pour le cinéma d'animation et L'incroyable histoire de la sauce soja est sa première bande dessinée. Plus d'infos sur http://www.fumioobata.co.uk/ et sur http://fumioworld.blogspot.fr/.
Cet ouvrage, mélange de manga japonais et de bande dessinée européenne, est un recueil de six histoires indépendantes les unes des autres mais qui montrent six tranches de vie, six états différents de la condition humaine.
L'incroyable histoire de la sauce soja (pages 5 à 7), qui donne son titre au recueil, est en couleur. C'est en fait la nouvelle la plus courte. Fumio, 8 ans, vit au Japon et adore lire des mangas. L'enfant va aider des extraterrestres à repartir dans leur vaisseau spatial. « Je n'avais jamais entendu dire que la sauce soja pouvait servir de carburant pour les ovnis, mais pourquoi pas ! J'ai dépensé toutes mes économies pour acheter beaucoup de sauce soja. » (page 7). De l'humour et un cadeau en retour !
La boîte (page 9 à 45) est en faux noir et blanc avec des tons verts. C'est la nouvelle la plus longue du recueil. Elle fait un peu froid dans le dos. Dans un parc, tout est calme : un employé se repose en lisant le journal, une vielle dame tricote sur un banc, un monsieur promène son chien et un groupe d'enfants jouent au ballon. En courant après le ballon, une fillette trouve une boîte. Son contenu ? Peu importe. Jalousie, envie de posséder la boîte et violente bagarre dans l'indifférence générale... Ce qui est incroyable, c'est que cette histoire est sans parole, tout est dans le regard et l'attitude des enfants et des adultes. Très bien fait.
L'embobineur (pages 47 à 56) est en couleur. Tim vit avec son grand-père, responsable du Jim's cinema. Régulièrement Monsieur Fred vient voir un film : celui dans lequel il peut revoir son épouse, Lisa, décédée il y a sept ans. Souvenirs, nostalgie et... tromperie !
Cyclope (page 57 à 64) est en noir et blanc. Que feriez-vous et que ressentiriez-vous si un matin vous vous réveilliez normalement – avec vos deux yeux – et que tous les autres n'avaient plus qu'un œil au milieu du front ? C'est ce qui est arrivé à Fumio il y a trois mois. Il a rencontré une jeune femme comme lui avec qui il se sent bien. Mais peut-on vivre heureux lorsque tous les autres sont différents. « Vous sentez-vous bien dans votre milieu ? Pouvez-vous dire que jamais vous n'avez l'impression d'y être un étranger ? » (page 58). Une histoire sur la différence et l'acceptation de la différence... ou pas !
L'écran (page 65 à 98) est en noir et blanc. C'est la deuxième plus longue nouvelle du recueil. Un homme laisse sa console de jeux pour partir avec son épouse en voiture. Une fillette prend le relai et s'amuse avec un jeu de voitures. Deux histoires en parallèle ou une seule histoire ? |
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Qui conduit, qui contrôle ? Une réflexion angoissante sur la réalité et le virtuel. Encore une histoire sans parole où les regards et les attitudes des trois personnes sont très importantes.
Équation (page 99 à 118) est en couleur. Un professeur de mathématiques essuie les moqueries de ses élèves. « Eh bien, je suis désolé, monsieur mais... je suis en train d'organiser mes vacances d'été. Vous ne pouvez pas demander à quelqu'un d'autre ? » (page 103). Excédé, le professeur entre dans une colère noire. Jusqu'où peut-on aller ? Quelle(s) limite(s) ne peut-on pas dépasser ?
Un nouvel article pour le Dragon 2012.
Une réussite que ce beau recueil (format 20 x 26 cm) dans lequel chaque histoire est dessinée différemment. Un auteur extrêmement doué donc, tant au niveau des scénarios que des dessins. Et on le sent vraiment inspiré à la fois par le manga et par la bande dessinée européenne. Il développe la violence de manière presque détournée, mais je vous rassure : il n'y a pas que de la violence dans ses histoires ! C'est surtout un album pour se poser des questions sur l'individu, la société et le vivre ensemble. Des notions développées aussi dans cette vidéo que Fumio Obata a réalisée en 2006 lorsqu'il était en résidence à la Maison des auteurs d'Angoulême.