L'obscure mémoire des armes est un roman de Ramón Díaz-Eterovic paru aux éditions Métailié Noir en mars 2011 (280 pages, 19 €, ISBN 978-2-86424-768-5). La oscura memoria de las armas (2008) est traduit de l'espagnol (Chili) par Bertille Hausberg.
Ramón Díaz-Eterovic est né le 15 juillet 1956 à Punta Arenas dans le sud du Chili (détroit de Magellan). Il est diplômé de l'université de Santiago en Sciences politiques et administratives. Il est écrivain et poète.
Du même auteur aux éditions Métailié : Les sept fils de Simenon (2001), La mort se lève tôt (2004), Les yeux du cœur (2007) et La couleur de la peau (2008).
Après avoir lu La couleur de la peau, j'ai voulu lire les autres romans de Ramón Díaz-Eterovic. L'obscure mémoire des armes est le dernier paru. Je lirai les précédents plus tard.
« Le pire, c'était de n'avoir rien à faire. Ou presque rien car, de temps en temps, je me donnais la peine d'allumer une cigarette, de mettre une autre cassette dans la chaîne stéréo et d'humecter mon index droit pour tourner les pages du livre que je lisais sans cesser d'être attentif aux coups que quelqu'un pourrait frapper à la porte de mon bureau. Parfois j'essayais aussi de parler avec Simenon, et quand l'ennui me serrait la gorge, je quittais l'appartement et descendait au kiosque d'Anselmo parler des programmes hippiques de la semaine […]. » (page 13, début du roman).
Heredia a maintenant 50 ans et voit régulièrement Griseta qu'il a rencontrée il y a 13 ans. Sa vie n'a pas changé, il a toujours peu de clients donc peu d'argent et en plus il y a prolifération d'agences de détectives donc concurrence.
« Sale temps pour un détective tout juste capable d'offrir à ses clients son flair aléatoire et la certitude de ses doutes. » (page 19).
Il n'a même pas une histoire à raconter au Scribouillard, son ami écrivain... Ce qui ne l'empêche pas de lire (Wilkie Collins, Osvaldo, Soriano, Philip K. Dick, Mankell...).
Mais Griseta arrive avec une amie retrouvée il y a peu, Virginia Reyes, professeur de maths : son unique frère, Germán a été tué à la sortie de son travail alors que depuis une semaine, il se sentait suivi et avait peur.
Germán avait 60 ans ; il avait été torturé à la Villa Grimaldi et avait témoigné pour la commission Valech : « commission gouvernementale chargée de réunir les dépositions de personnes torturées ou de prisonniers politiques » (page 49). Il devait épouser Benilde de Roos, une infirmière plus jeune que lui, et fréquentait le Centre culturel América.
Le Commissaire débarque en pleine nuit chez Heredia : Carvilio, le collègue de Germán à la Casa Léon vient d'être lui aussi assassiné.
Ainsi donc, Heredia doit enquêter sur les victimes de la junte militaire et retrouver les tortionnaires... Il va mettre son ami journaliste et fondateur de La Trace Rouge, Marcos Campbell, sur le coup. Et aussi travailler avec un autre privé, Atilio Montegón, embauché par le patron de la Casa Léon qui soupçonne des voleurs parmi ses employés.
Décidément, ce détective privé, allergique à l'informatique et à Internet, est bien attachant. Mais Simenon commence à se faire vieux (14 ans) et j'espère qu'il y aura de prochaines aventures.
Heredia est confronté dans cette enquête au passé (aux démons) du Chili et j'ai encore appris beaucoup de choses sur ce pays à travers ce roman noir et passionnant.
« Le passé était une blessure qui n'avait jamais été totalement désinfectée et laissait échapper sa pestilence à la moindre inadvertance. » (page 144).
Quelques extraits
« […] les feuilles du calendrier étaient tombées peu à peu avec leur inévitable rigueur. » (page 15).
« La ville impose une vie rapide et impersonnelle, sans laisser beaucoup de chance aux sentiments. Pas de quoi s'inquiéter sauf si on a une vocation de voisine cancanière ou d'écrivain intéressé par les tracas d'autrui. » (page 18).
« Le temps engloutit tout et on les oubliera, comme tant d'autres. Ils ne seront plus que des noms gravés sur une pierre. » (page 95).
« Ça me déplaît de voir les assassins se promener dans les rues. » (page 123).
Mon passage préféré
« – Dans cette pièce, il y a assez de place pour un autre bureau. Vous avez lu tous les livres posés sur les étagères ou ils sont là pour décorer ? a-t-il demandé après s'être levé.
– Je les ai presque tous lus.
– Pourquoi lire autant ?
– Pour vivre mieux et plus.
Montegón s'est dirigé vers la porte :
– Mon père ne m'a jamais permis d'avoir beaucoup de contacts avec les livres. Aujourd'hui encore, il dit que trop de bouquins et de branlettes ramollissent le cerveau. Qu'en pensez-vous ?
– D'autres pensent que d'aussi nobles occupations stimulent l'imagination.
– J'en ferai part à mon père à notre prochaine rencontre. »
(page 136).
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