La dernière bagnarde est un roman historique de Bernadette Pécassou-Camebrac paru aux éditions Flammarion le 13 avril 2011 (312 pages, 20 €, ISBN 978-2-0812-2141-3).
Je remercie Gilles Paris de m'avoir envoyé ce roman, qui raconte en fait une histoire vraie.
Bernadette Pécassou-Camebrac est journaliste, elle réalise pour la télévision. Ses précédents romans sont parus chez Flammarion : La belle chocolatière (2001), Le bel Italien (2003), L'impératrice des roses (2005), La villa Belza (2007) et La passagère du France (2009). Je n'en ai lu aucun et je ne connaissais pas cet auteur.
Mai 1888, La Rochelle, Marie Bartête et d'autres femmes embarquent sur le Ville-Saint-Nazaire en compagnie de sœur Agnès et de la mère supérieure. Pendant six semaines, elles sont enfermées à fond de cale et voyagent dans des conditions innommables. « Elles n'avaient plus de larmes ni de forces. » (page 20).
Arrivées à Saint-Laurent-du-Maroni, à 260 kilomètres au nord de Cayenne, elles déchantent vite. Non seulement rien n'est prévu pour leur arrivée, mais elles sont cloîtrées dans un immonde carbet sale et humide où elles sont décimées par la fièvre bilieuse. « Ici on respirait un air étouffant sur une bande de terre humide et brûlante, boueuse et poussiéreuse, entre une jungle envahissante et un fleuve marron. » (page 125). Il ne restera que 15 femmes sur les 40 embarquées.
Louis Dimez et le Docteur Villeneuve font du mieux qu'ils peuvent, mais le jeune docteur Dimez ne tient pas le coup (en général, les fonctionnaires restent deux ans, et retournent en France, malades ou fous...) et il faudra attendre son remplaçant, Romain Gilot du corps militaire des médecins coloniaux. Mais, malgré sa jeunesse et sa motivation, que pourra-t-il faire de plus ?
Marie Bartête avait 20 ans, elle était originaire du Béarn, employée de maison à Bordeaux. Elle n'avait pas été condamnée au bagne, elle avait été « reléguée » parce qu'elle avait été arrêtée trois fois pour vol avant. Elle avait fait un peu de prison et réglé sa dette à la société, mais une loi de la Troisième République la considérait comme une récidiviste et l'envoyait en Guyane pour se débarrasser d'elle et épouser un bagnard. En fait, les femmes reléguées servaient plutôt de chair fraîche et personne ne disait rien...
« Ce qu'il y a de bien, vois-tu, ajouta alors le surveillant en chef, c'est que la chair fraîche on nous en envoie régulièrement, et qu'elle ne repart jamais pour se plaindre. Alors si comme dit l'autre cinglée le bon Dieu voit tout, pour l'instant il n'a encore rien raconté à personne. Ça ne doit pas être un bavard. » (pages 101-102).
J'ai relevé quelques incohérences de temps. Par exemple, « un an plus tôt » (page 177) alors que les femmes sont déjà là depuis près de deux ans. Ou « Quelques mois plus tôt, […] averti sœur Agnès [...] » (page 206) alors que sœur Agnès est morte avec les nombreuses femmes de fièvre bilieuse la première année.
Les personnages sont intéressants car on découvre des bribes de leur passé, leur parcours, on vit avec eux à Saint-Laurent-du-Maroni et on comprend leur impuissance et leur désespoir. Il y a Marie Bartête, mais aussi Louis Dimez puis Romain Gilot, les fonctionnaires (qui ne pensent qu'à une chose : partir !), sœur Agnès et la mère supérieure : Adrienne de Gerde, jeune fille de bonne famille qui n'avait pas pu épouser l'homme qu'elle aimait et qui avait été reléguée au couvent par sa famille puis reléguée en Guyane par sa hiérarchie, ainsi donc reléguée comme ces femmes dont la société se débarrassait...
L'histoire est tragique, poignante, et le livre se lit assez vite mais dans la douleur... J'ai déjà lu des histoires de miséreux, la pauvreté, l'alcool, la violence, mais là, c'est vraiment sordide. Le sort de ces femmes est ignoble, et il n'y a aucun témoignage d'elles à part celui qu'a recueilli le jeune journaliste Albert Londres en avril 1923 : Marie Bartête était la seule survivante, la dernière bagnarde !
Si vous voulez connaître le sort des bagnards de Cayenne, il y a Au bagne, d'Albert Londres (1923), et celui des deux mille femmes reléguées, il y a maintenant La dernière bagnarde, de Bernadette Pécassou-Camebrac (2011, il était temps !).
Si des lecteurs de Guyane passent par ici, n'hésitez pas à laisser un commentaire, un témoignage sur Saint-Laurent-du-Maroni ou Cayenne, merci !