Le baiser de la pieuvre est un roman de Patrick Grainville paru en poche aux éditions Points en septembre 2011 (249 pages, 7 €, ISBN 978-2-7578-2467-2).
Je l'ai reçu dans le cadre de l'opération Un poche, un(e) mordu(e), une critique et je remercie Libfly pour ce surprenant roman japonisant.
Patrick Grainville est né le 1er juin 1947 à Villers sur Mer dans le Calvados. Il est agrégé de lettres, romancier et critique littéraire. Son quatrième roman, Les flamboyants, a reçu le prix Goncourt en 1976 (depuis il en a écrit une petite vingtaine d'autres).
Japon. Kô, un village de pêcheurs, sur l'île Naoya secouée par le volcan Gû.
Haruo, « le bel adolescent » de 17 ans, est attiré par Tô, la jeune veuve d'un pêcheur.
Une nuit, après un tremblement de terre et un tsunami, les villageois découvrent une pieuvre dans les terres, un peu plus loin de Kô, dans le marais où les cabanes des chasseurs ont été détruites.
Cette pieuvre géante du Pacifique, c'est Oryui, une déesse.
« Coupée de la mer par les deux barrages, échouée dans la vase, elle semblait avoir perdu tout sens de l'orientation, mais rampait, divaguait sur place, à moitié assommée. Les hommes et les femmes du village regardaient le colosse rougeoyant et violacé. Le crâne et le corps s'amalgamaient en une bosse protubérante, obtuse, toute marbrée des sueurs de la mer, constellée de détritus, de sable, de gadoue. De grandes membranes festonnées, tendues en éventails unissaient à la masse centrale et compacte l'arsenal des huit tentacules. Le monstre faisait six à sept mètres de long. Il bougeait, bourgeonnait dans un pullulement d'organes hypertrophiés. […]. » (page 11).
La pieuvre retourne ensuite à la mer et tout le monde pense qu'on ne la reverra plus. Mais Haruo qui espionne toutes les nuits Tô en cachette voit la pieuvre lui rendre visite et il observe leurs ébats.
Chaque année, Allan passe cinq mois dans la forêt d'Oru pour étudier les dernières panthères. Haruo va se rapprocher du naturaliste. « Allan avait beaucoup voyagé, beaucoup lu, ce qui le rendait si impressionnant. » (page 32). « Il faut aimer toute la matière des choses. Tout est bon à prendre dans le monde. Il n'y a pas de monstres. » (page 59).
Mais Allan n'est pas seulement là pour ses recherches...
Et le volcan va entrer en éruption.
Patrick Grainville s'est inspiré pour ce roman d'une estampe du célèbre Hokusai (*) : Le rêve de la femme du pêcheur. Cette œuvre est-elle issue de l'imagination du peintre ou Hokusai a-t-il transféré sur la toile une scène qu'il a observée ? Cette imagerie est bien déroutante... Et sur la couverture on n'en voit qu'une partie.
Haruo est jeune et inexpérimenté. Il est fasciné par Tô et aussi par la pieuvre et par Allan. Il va découvrir la sexualité mais pas vraiment de la façon dont on pourrait le penser.
Il est aussi fasciné par le bateau-usine et la chasse à la baleine mais il sait que « des navires comparables pouvaient ratisser tous les fonds et vider la mer de Mâ des ressources qui avaient nourri des générations d'insulaires. » (page 75).
Le lecteur a l'impression de vivre lui aussi sur l'île, de connaître les villages de pêcheurs et de chasseurs, le marais, la forêt, les sources chaudes, le volcan, et c'est comme ça qu'est le roman : luxuriant et sulfureux et à vrai dire bien agréable à lire.
« Tu vois, Haruo, cette île est trop belle. Tu l'entends respirer dans les ténèbres. Elle est pleine de créatures inconnues, toutes lancées dans le concours d'amour et de mort. Nous ne voyons qu'une proportion infime des espèces en question, la canopée en fourmille comme la mer ! Imagine ses profondeurs ! » (page 158).
(*) Hokusai Katsushika (北斎 葛飾) 1760-1849 : peintre japonais (estampes) surnommé le Fou de peinture ou le Fou de dessin. Autres œuvres célèbres : la grande vague de Kanagawa et les vues du Mont Fuji.
Avec la pieuvre, j'en profite pour mettre ce roman dans le challenge Animaux du monde de Sharon.
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