1900 L'aube (1) est le premier tome de Le roman de Bergen de Gunnar Staalesen paru aux
éditions Gaïa en mars 2007 (365 pages, 21 €, ISBN 978-2-84720-084-3) mais je l'ai reçu en poche : Points (Grands romans, mai 2011, 436 pages, 8 €, ISBN 978-2-75782-370-5). 1900.
Morgenrød (1997) est traduit du norvégien par Alexis Fouillet.
Je remercie Bibliofolie de m'avoir envoyé ce roman (en fait j'ai aussi reçu le tome 2 mais je le lirai plus tard, et ne croyez pas que c'est parce que je n'ai pas aimé, au contraire !).
Gunnar Staalesen est né le 16 octobre 1947 à Bergen (Norvège). Il a étudié la philologie et a commencé à écrire en 1969. Il est surtout connu pour sa série de polars avec le détective privé Varg Veum créé en 1975. Le roman de Bergen est une grande fresque historique et sociale mais aussi policière consacrée à sa ville natale.
Plus d'infos sur le site officiel de l'auteur, euh... en norvégien !
La fresque Le roman de Bergen
En Norvège
1900. Morgenrød (1997) ; 1950. High Noon (1998) ; 1999. Aftensang (2000).
En France
1900 L'aube tome 1 ; 1900 L'aube tome 2 ; 1950 Le zénith tome 1 ; 1950 Le zénith tome 2 ; 1999 Le crépuscule tome 1 ; 1999 Le crépuscule tome 2 (entre mars et novembre 2007).
Bergen, 31 décembre 1899. Plus de quarante invités s'amusent au bal masqué du Nouvel An organisé chez l'armateur Dünner. Mais le consul du Royaume de Belgique, Carl August Frimann, 45 ans, venu avec une inconnue déguisée en chat au lieu de son épouse, ne rentrera pas chez lui après la fête... Il a le crâne fracassé en bas de son immeuble et c'est la jeune servante de 18 ans, Cathrine Larsdotter Tufte surnommée Trine, qui le trouve en sortant pour balayer la neige. Le notable laisse une veuve, Helene Margrethe, un fils de 21 ans, Calle, et deux filles : Sofie Helene, 17 ans, et Henricke Cecilie surnommée Rikkemor, 1 an et demi.
« Le consul Frimann était étendu sur le sol devant elles, en habits du dimanche, des habits pour l'heure imbibés d'un sang noir séché et d'une masse indéterminée gris-vert qui s'était échappée par l'arrière de son crâne démoli. Le ridicule masque de loup s'était tourné sur le côté, de sorte que ses orbites vides levaient sur elles un regard torve et bancal. » (page 14).
1er janvier 1900, entre 1 heure et 7 h 30 du matin, premier crime jamais répertorié à Bergen !
Moins de deux heures après, l'agent Igelkjøn réveille l'inspecteur Christian Moland de la Brigade d'Investigation. Avec une épouse, Agnes, deux fils : Per Christian, 4 ans, Svend Atle, 2 ans, et un enfant à naître (Ingeborg Louise), Moland est bien sûr en congé mais... Le devoir l'appelle.
Alors qu'en ce matin froid les Berguénois se rendent à la première messe du XXe siècle (*), le commissaire Wilhelm Krohn-Hansen et ses inspecteurs principaux, Christian Moland et Ole Berstad, vont interroger l'armateur Ludvig Alfred Dünner et son épouse puis la famille du consul Frimann.
« La vie pouvait prendre fin de manière tellement brutale en aussi peu de temps qu'il n'en faut pour basculer d'un siècle dans le suivant, aussi impitoyablement que le jour devient nuit ou qu'une météorite tombe du ciel. » (page 60).
(*) L'auteur est bien conscient que selon les calculs, le nouveau siècle commence en fait en 1901 et non en 1900 mais – alors qu'il n'y avait eu aucun problème pour célébrer les changements de siècles précédents comme en 1701 et en 1801 – les contemporains de nos personnages étaient divisés, ainsi certains ont fêté le nouveau siècle en 1900 et d'autres en 1901 (explications page 27).
Bergen en 1907
Cliquez sur l'image pour la taille réelle. Image issue de : Illustreret Norsk Konversationsleksikon Kristiania
(Aschehoug, 1907, page 872) |
Quel extraordinaire roman ! Je ne regrette pas de m'être inscrite à ce partenariat ! J'avais lu que c'était une fresque sociale de la Norvège du XXe siècle (Norvège récemment dans l'actualité et dont je ne connais pas grand chose finalement, d'où l'intérêt), je pensais donc historique aussi, mais je ne pensais pas que ce serait aussi policier et ce fut une agréable surprise. Mais ce roman n'est pas que policier, même si on continue de suivre les inspecteurs (et leurs proches) après la « résolution » de l'enquête sur le meurtre du consul Frimann. Je n'ai eu aucun mal à entrer dans ce roman malgré les noms scandinaves un peu compliqués (rires). Les prénoms, ça va, mais les noms de famille et surtout les noms de lieux comme Skansemyren, Lille Lungegårdsvann, Nygårdshøyden, Tystekirken, Tyskebryggen, Sukkerhusbryggen, Bjørsvik, Eikangervåg, avec tous ces g, ces k, ces y et ces voyelles bizarres : pas évident pour les néophytes, n'est-ce pas ? Il faut bien se repérer avec les personnages, car au fur et à mesure, d'autres arrivent ! Par exemple Borghild, la sœur aînée de Moland, mariée à Haakon Emil Brekke, couturier et négociant en tissu, et leurs quatre enfants. Et Sverre, le frère cadet de Moland, marié à Laura Nilsen. Ou Maren Kristin Pedersen, couturière et vendeuse chez Brekke, qui est la mystérieuse femme qui accompagnait le consul Frimann et qui fait craquer tous les hommes de la ville, surtout s'ils sont riches et influents, mais aussi l'inspecteur Moland. Ou encore Torleif Nesbø, 17 ans en 1904, lorsqu'il décide de quitter la ferme familiale pour la ville car il est fasciné par les trains ; Karl Karoliussen, enfant expulsé avec ses parents, son frère et sa sœur en 1905 ; Ole Paulus Bruvik, 17 ans en 1913, lorsqu'il quitte sa famille et son village de pêcheurs pour travailler en ville, ou Tordis Berentine Sylte, 15 ans la même année, qui va travailler comme bonne chez Hegelsen, le concurrent plus moderne de Brekke. |
On rencontre ainsi tous les personnages possibles dans une ville comme Bergen, qui était (et qui est restée) la deuxième ville du pays derrière la capitale, Christiania (ou Kristiania, devenue Oslo en 1925) : campagnards et citadins, jeunes gens plein d'espoir et notables bien établis, femmes rangées et femmes libérées, jeunes héritiers qui font parfois le désespoir de leur famille et jeunes filles pures à marier, pauvres et riches, artisan-commerçant à l'ancienne et commerçant moderne, garçons et filles qui viennent travailler en ville, etc. En plus des personnages, il y a les événements historiques (par exemple en juin 1905, la Norvège redevient une nation libre et indépendante du Danemark et de la Suède) et l'urbanisation de la ville grâce aux nouveaux progrès : centrales électriques, creusement de la montagne et construction des lignes de chemin de fer, nouveau théâtre, extension du tramway ouvert en 1897, arrivée de l'automobile, du cinématographe, de l'électricité, du téléphone... Ce qui fait du Roman de Bergen une immense fresque humaine, sociale et historique très riche, presque un équivalent norvégien de la Comédie Humaine de Balzac ou des romans de Zola.
« Le fort accroissement de la population s'était manifesté par des rues grouillant de vie, non seulement sur l'ancien marché aux poissons, mais aussi dans les quartiers plus urbains. Bon nombre de nouvelles entreprises y avaient vu le jour à la suite des dernières innovations technologiques : […]. » (pages 317-318).
Christian Moland aime les chats ! « Un chat tigré gris et noir vint se frotter amoureusement contre sa jambe lorsqu'il s'arrêta devant la bonne adresse, et il se pencha légèrement en avant pour pouvoir lui caresser la nuque. » (page 85).
J'ai appris un mot ! Noroît (page 236). Je me doutais que c'était un vent vu le contexte. En fait c'est le nom d'un vent nord-ouest (noroît étant une altération de nord-ouest).
Un petit défaut : il manque un bout de phrase au début du chapitre 34 (page 291).
L'inquiétude face au meurtre du consul, face à la violence donc.
Le commissaire Krohn-Hansen : « Choquant ! Quand un homme ayant le statut du consul Frimann est assassiné pour ainsi dire en pleine rue, je m'inquiète sérieusement sur le siècle dans lequel nous entrons. » (page 24).
L'armateur Dünner : « […] quand les meilleurs bourgeois ne peuvent plus rentrer tranquillement chez eux après une soirée, on peut dire que quelque chose ne va pas. Je vous tiens pour responsable, vous et vos hommes, monsieur le commissaire ! » (page 116).
Eh bien, le commissaire et les bons citoyens peuvent s'inquiéter car il y aura bien pire dans ce XXe siècle et dans le suivant qui commence pour nous !
Mais, et toutes ces jeunes employées de maison violées – et souvent engrossées – par le bon père de famille ou par le fils ? Car c'est ce qui se fait partout, mes petites demoiselles, alors tenez-vous tranquilles et fermez-la sinon d'autres innocentes venues de leur campagne prendront vos places et vous n'aurez plus qu'à retourner chez vous humiliées et rejetées par vos familles !
On quitte Bergen et ses habitants en janvier 1916 et là, on a deux solutions : soit on embraye immédiatement sur le tome 2 parce qu'on est très impatient soit on prend un peu son temps pour réfléchir à tout ce qu'on a déjà lu parce que c'est déjà bien conséquent. Alors ? J'ai attendu, mais... Si peu ! Attendez-vous donc à découvrir le tome 2 très bientôt !
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