Lennon est un roman biographique de David Foenkinos paru le 21 octobre 2010 aux éditions Plon (236 pages, 18 €, ISBN 978-2-259-21232-8).
Je remercie Gilles Paris de m'avoir envoyé ce livre passionnant.
David Foenkinos est né en 1974 à Paris et il a étudié à la Sorbonne. Il est passionné de jazz et a été professeur de guitare.
Du même auteur : Inversion de l'idiotie : de l'influence de deux Polonais (2001, prix François Mauriac), Entre les oreilles (2002), Le potentiel érotique de ma femme (2004, prix Roger Nimier), En cas de bonheur (2005), Les cœurs autonomes (2006), Qui se souvient de David Foenkinos ? (2007, prix Giono), Nos séparations (2008), La délicatesse (2009, prix des Dunes).
Le blog de David Foenkinos sur Livres Hebdo (plus trop mis à jour).
Voici une biographie de Lennon un peu différente d'une biographie classique (chronologique). David Foenkinos est sûrement passionné par les Beatles et Lennon. Il utilise les cinq années où John Lennon a vécu aux États-Unis avec Yoko Ono et leur fils, Sean, pour raconter des séances d'analyse. Les séances ne sont pas régulières : parfois le couple est au Japon, ou bien Lennon ne ressent pas le besoin de s'épancher.
Une biographie qui tombe bien en cet automne 2010 puisque Lennon aurait eu 60 ans le 9 octobre et que cela fera 30 ans qu'il a été assassiné (8 décembre 1980 à New York).
L'auteur écrit donc comme si Lennon parlait à un psy et le lecteur apprend énormément de choses, parfois surprenantes : son enfance, ses parents un peu barrés, leur abandon, son éducation par sa tante Mimi (la sœur de sa mère), son premier groupe The Quarry Men : « J'ai compris très vite qu'être dans un groupe, c'était avoir une carapace. » (pages 78-79), ses rencontres avec ceux qui formeront The Beatles (Paul McCartney, George Harrison, Ringo Starr) et ceux qui graviteront autour du groupe comme Pete Best, Stuart Sutcliffe : « Il y a des morts qui paraissent plus scandaleuses que d'autres. Il y a des morts qui sont insoutenables. » (page 112) ou Brian Epstein, Hambourg où Lennon a peut-être tué un homme, ses conquêtes jetables, son épouse Cynthia et leur fils Julian dont il s'est très peu occupé : « On aime ses enfants d'une manière différente car on est différent au moment de les avoir. […] Il est mal tombé. » (page 20), son mal-être et sa violence, l'alcool et les drogues, l'écriture et la composition des chansons, la Beatlemania : « […] : nous étions comme une folie maîtrisée. Une révolution douce. Nous étions à la fois subversifs et respectueux. » (page 141), les voyages, le cri primal, les rencontres avec Elvis Presley : « Si je suis ce que je suis, c'est parce que Elvis a été ce qu'il a été. Il a dynamité ma vie. Je n'oublierai jamais la première fois que je l'ai entendu. […]. » (page 68), Bob Dylan : « […] je l'admirais profondément. […] Il m'a beaucoup influencé, surtout dans l'écriture des paroles. Il m'a poussé à être plus personnel, plus poétique, à élargir mon champ de vision. » (page 145), le Maharashi et le voyage initiatique en Inde : « J'évacuais enfin les cris et la folie des dernières années. » (page 174), etc., et bien sûr sa rencontre avec Yôko Ono à la galerie d'art L'Indica où elle exposait (quatorzième séance).
Je connaissais les chansons des Beatles (et celles de Lennon après les Beatles), mais je ne connaissais pas l'homme. Je ne me rendais pas compte de la vie que Lennon avait pu avoir (en dehors du fait que je savais que les membres du groupe venaient de Liverpool, une ville prolétaire touchée par la crise) et de son caractère, de son comportement.
Lennon, l'homme qui se disait « plus populaire que Jésus », était un enfant, puis un adulte, timide, sensible, émotif, fragile, introverti, impressionnable qui se sentait minable et qui souffrait énormément : « Il n'y a pas de vacances à la douleur. La souffrance est une éternité. » (page 17). C'est vrai qu'il a été salaud, surtout avec les femmes, mais pas que : « […] : une partie de moi-même est persuadée que je suis un pauvre type, et une autre pense que je suis Dieu » (page 12), « J'étais un salopard, comme tous ceux qui réussissent. » (page 20). Passionné par l'œuvre de Lewis Carroll, il a ensuite cherché dans les drogues ce qu'il ne trouvait plus dans les livres : « Enfant, je me suis défoncé à l'imagination, et c'était quand même moins nocif. » (page 36) mais « Oh oui, j'étais différent. J'ai tout de suite su que j'étais un génie. J'avais en moi la part de souffrance nécessaire à la formation du génie. » (page 61). Lennon a retrouvé sa mère puis son père plus tard, il a également retrouvé son fils Julian plus tard, certainement qu'il s'est retrouvé lui aussi plus tard...
J'ai été émue lorsque Lennon apprend la mort d'Elvis (sixième séance).
Ce qui m'a surprise : « Quand je pense qu'à ce moment-là, tout le monde cherchait à nous opposer aux Stones. Comme quoi on était les gentils et eux les méchants. Quelle connerie. D'abord on était potes, on leur avait même écrit des chansons. Et puis j'étais cent fois plus violent que Mick. […]. Mais ils ont passé leur temps à nous copier. […]. Les seuls avec qui on a vraiment rivalisé, ce sont les Beach Boys. […]. » (pages 131-132).
Ma phrase préférée : « J'ai l'impression que le génie se paye parfois. Et que la sauvagerie dont on est victime soulage les minables. » (page 192).
En fait John Lennon a été un homme, tout simplement, avec ses qualités et ses défauts, et cela le rend vraiment attachant. Un homme de son époque, un homme qui a fait bouger son époque, un homme violent devenu pacifiste, un génie, un immortel.
Lisez Lennon, vous verrez !