Les rouges portes de Lorraine est le premier tome de la trilogie Le roman fauve, d'André-Marcel Adamek paru aux éditions Luc Pire/Le grand miroir le 27 août 2009 (313 pages, 20 €, ISBN 978-2-50700-263-3).
Je remercie Gilles Paris de m'avoir envoyé ce roman (je l'ai même reçu en double, désolée, mais j'en ai donné un pour qu'il soit lu par d'autres lecteurs).
André-Marcel Adamek (son vrai nom est Dammekens) est né le 3 mai 1946 à Gourdinne (dans la province de Namur) d'une mère normande et d'un père flamand. Cet auteur belge a commencé a écrire jeune, un recueil de poèmes dès 1965, plusieurs romans dont Le fusil à pétales qui a reçu le prix Rossel en 1974 et Un imbécile au soleil le prix Jean Macé en 1984, un recueil de nouvelles.
Juillet 1631, Pierre Palurme, peintre lorrain « accrédité auprès des Trois Évêchés et de la cour de Nancy » parti deux ans à Florence étudier les peintres toscans, mais ayant subitement perdu la vue, revient à Lunéville « monté sur un mulet famélique » et se fait agresser par deux brigands, Lazare Bouterolle et Nicéphore Branlemoine. Le second ayant tiré sur le premier pour lui sauver la vie, Palurme lui offre un carnet de croquis de la Vierge à l'enfant. Puis il retrouve sa maison rue de la Commanderie, son apprenti Thomas Lescaut, et entreprend malgré sa cécité d'aller au bout de l'apprentissage de l'orphelin qu'il considère comme son fils. Pour cela, il faut gagner quelque argent auprès de l'évêque et en travaillant pour Georges de La Tour un autre peintre ou pour Renaud Millebuis « maître imagier à Épinal », ce qui permet d'employer une soubrette, Manou surnommée La Merlette, une orpheline élevée dans un couvent, attentive et économe dont Thomas tombera vite amoureux.
La suite, c'est de l'Art, de l'Histoire, de la vie quotidienne en ce début de XVIIè siècle en Lorraine (après une épidémie de peste, et avec des bruits de guerre entre Papistes et Huguenots), des trahisons, mais surtout des rencontres et des amitiés, avec le peintre Georges de La Tour et son valet turc Selim Ali Sinan qui joue aux échecs, le brigand Nicéphore Branlemoine renommé Antoine Heurtefeuille, le lieutenant-criminel Michel Sarpenjade et le jeune avocat Jean-Paulhain Goffinoles.
Un roman palpitant et coloré, dans un style original (recours au vieux français), qui se termine après quelques (més)aventures à Tournai, chez Boniface Lescaut le vieil oncle de Thomas, avec une fin en partie inattendue (n'ayez crainte, je ne révèle rien) et qui amène une seule question : à quand le tome 2 ?
Quelques extraits
Pierre Palurme à Thomas : « [...] Crois-tu que pareil cheminement te conduira à la maîtrise ? Aussi, ma volonté est que tu commences ton chef-d'œuvre à l'automne de l'an à venir afin que de le soumettre à la gilde de Saint-Luc sans trop languir. » (page 77).
Georges de La Tour à Thomas : « Il te faudra apprendre à pourtraiturer dépourvu d'émotion et sans oublier qu'avant toute chose, nous sommes des témoins. » (page 98).
Les deux maîtres devant le chef-d'œuvre de Thomas : « Mais, dit Palurme avec inquiétude, est-ce bien raisonnable, si jeune encore de renier les écoles ? Comment réagira la corporation de Tournai à ce défi ? – Ceci est une autre affaire, répondit La Tour d'un ton moins enjoué. Je ne me fais guère de souci à ce propos. Une école balayant l'autre, il se trouvera bien un prince ou un riche bourgeois pour cautionner la manière de Thomas et lui passer commande. » (page 123).
« L'âge d'or de la Lorraine s'achevait sur cet épisode sanglant qui allait emporter près de deux tiers de la population. Et plus aucun chemin vers les quatre points cardinaux n'était bon à prendre si l'on tenait à sa peau. » (page 244).
« Boniface comprit que son gentil neveu était affligé d'une très grande naïveté. En plus d'escompter la reconnaissance de la gilde en présentant un tableau à la limite du blasphème, il espérait de surcroît une cérémonie de mariage en la nef de la cathédrale où ne s'unissaient que des gens de haute lignée. » (page 308).
Le prénom Nicéphore serait-il à la mode en ce moment ? En effet, le héros du roman Si les abeilles disparaissaient... que j'ai lu récemment s'appelle également Nicéphore ! C'est un prénom qui me touche car il était porté par Niépce (1765-1833), l'inventeur de la photographie. Son origine est grecque (Νικηφορος), avec Nicéphore 1er surnommé Le Logothèque (760-811), empereur byzantin de 802 à 811.
PS du 31 août 2011 : André-Marcel Adamek est décédé ce jour, paix à son âme.
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