Où irons-nous cet été ? est un roman d'Anita Desai paru aux éditions Denoël dans la collection Empreinte en janvier 1997 (200 pages, 18,55 €, ISBN 2-20724-430-X, parution en Folio en mai 1998.). Where shall we go this summer (1975) est traduit de l'anglais (Inde) par Anne-Cécile Padoux.
Anita Mazumdar Desai est née le 24 juin 1937 à Mussoorie (dans l'État de l'Uttarakhand au pied de l'Himalaya) d'un père bengali (D. N. Mazumdar, un homme d'affaire) et d'une mère allemande (Toni Nime). Elle a grandi à New Delhi où elle réside, mais elle partage aussi sa vie entre l'Angleterre et les États-Unis. Elle est auteur de romans, nouvelles et livres pour la jeunesse. Elle écrit en anglais mais parle le bengali, l'ourdou et l'hindi. Sa fille, Kiran Desai, Indienne qui réside aux États-Unis, est romancière.
Mousson 1967. Sita mariée à Raman, un riche industriel de Bombay, est mère de quatre enfants. Alors que son époux lui demande comme chaque année « où irons-nous cet été ? », elle décide de retourner sur l'île de Manori qu'elle a quittée 20 ans auparavant à la mort de son père. Elle garde le souvenir d'une « île des miracles ». Elle s'y rend avec Karan, son jeune fils, et Menaka, sa fille adolescente, pas vraiment enchantés... À 40 ans, Sita est enceinte de son cinquième enfant et refuse de le mettre au monde : elle ne veut pas avorter, non, elle veut le garder en elle car elle refuse qu'il naisse dans un tel monde. Élevée dans la simplicité et le respect de la vie, Sita est accablée par les incessantes disputes des enfants et des employés, par le plaisir de destruction et l'agressivité qu'elle observe de sa fenêtre. Elle fuit donc, son mari, ses voisins, ses amis, ses responsabilités et surtout sa vie ennuyeuse. Et entraîne ses enfants sur une île sans eau potable, sans électricité, sans rien à manger que les poissons ramenés chaque jour par les pêcheurs et les noix de coco pendant aux arbres... Une île isolée et habitée par des villageois qui sont dans le souvenir du Babaji, le surnom qu'ils avaient donné au père de Sita.
« Moses, apaisé, s'affala un peu plus sur le banc. Il dodelinait de la tête, souriait, grimaçait grotesquement, se laissant bercer et doucement pénétrer par ses incantations. Il avait servi cet homme, veillé sur sa maison, sur le puits et les arbres, il avait attendu vingt années. Comme cette attente avait été douce, fructueuse, satisfaisante ! » (page 18).
« Vois comme l'île paraît sombre contre le blanc lumineux du ciel ! Vois comme c'est extraordinaire... » (page 24).
« Puis tout s'embrouilla dans son esprit. En donnant naissance à cet enfant, pour le moment bien abrité, accomplirait-elle une action créative, ou bien en s'en libérant dans un écoulement sanglant violent et douloureux ne ferait-elle que détruire ce qui était encore protégé et parfait ? » (page 70).
Hiver 1947. Le père, disciple de Gandhi, débarque sur l'île de Manori avec Reka, sa fille aînée, Sita, la benjamine et Jivan, le cadet. Pour le remercier de sa carrière politique et de tout ce qu'il a fait pour l'Indépendance de l'Inde, le riche Monsieur Dalwala lui a offert une maison et les deux employés, Moses et son épouse Miriam. La maison appelée Fiona (Monsieur Dalwala a étudié en Écosse) devient Jeevan Ashram, le foyer de l'âme.
« Regardez, Père, on voit la mer d'ici ! – Bien sûr, dit-il en souriant, nous sommes sur une île. » (page 80).
Le Père, abandonné par son épouse, a quitté Bombay après l'Indépendance : il a besoin de repos et veut mettre en pratique ses théories sociales mais les habitants commencent à être guéris et la mission se transforme en magie ! En fait, un mélange de religieux, de politique et de social, et Babaji devient un personnage légendaire.
« les réalisations matérielles et les mystifications suspectes s'entremêlaient inextricablement et formaient un tout. » (page 93).
Sita va-t-elle se rendre compte que l'île de son enfance est en fait une île inhospitalière et que les souvenirs qui remontent à la surface ne sont pas si agréables qu'elle le pensait ?
Ce roman paru en 1975 – et réédité en Inde en 1982 – n'avait jamais été traduit car l'auteur ne l'avait pas autorisé jusqu'alors. L'édition en français est donc la première à paraître hors de l'Inde et je découvre seulement maintenant ce roman ! Un roman considéré comme féministe, sombre comme l'île, presque pessimiste mais connu – à juste titre – comme un chef-d'œuvre. Je n'ai pas l'impression que les personnages principaux de Où irons-nous cet été ? soient les humains, ni ceux du passé, ni ceux du présent, ni l'enfant à venir, mais l'île de Manori, dans toute sa splendeur et son horreur à la fois, dans toute son inhospitalité surtout, aussi bien au niveau d'elle-même qu'au niveau de ses habitants. En tout cas le Père, « Babaji », a failli à sa mission politique et sociale !
Un roman que j'ai choisi pour le challenge Lire sous la contrainte car en septembre, la contrainte était « Le titre du livre doit être une question, une phrase interrogative ». J'en profite pour le présenter aussi dans les challenges Le riz et la mousson, ABC critiques 2012-2013 (lettre D), Le tour du monde en 8 ans (Inde), Le tour des genres en 365 jours (contemporain) et pour annoncer ma participation au challenge Des livres et des îles de Géraldine (je ferai un article de présentation plus tard).
|
||