Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants est un roman de Mathias Énard paru aux éditions Actes Sud en août 2010 (154 pages, 17 €, ISBN 978-2-7427-9362-4). Ce roman a reçu le Prix Goncourt des lycéens 2010.
Mathias Énard est né à Niort (Deux-Sèvres) le 11 janvier 1972. Il a étudié l'arabe, le persan et a voyagé au Moyen-Orient. Il vit actuellement à Barcelone (Espagne) où il enseigne l'arabe. Il est écrivain et participe aussi à la revue Inculte.
Du même auteur : La perfection du tir (2003), Remonter l'Orénoque (2005), Bréviaire des artificiers (2007), Zone (2008).
En ce printemps, paraît L'alcool et la nostalgie, sélectionné pour le prix Nomad's.
Le 13 mai 1506, Michelangelo Buonarroti a 31 ans et il est déjà considéré comme un grand génie. Il débarque en secret dans le port de Constantinople, accompagné d'un commerçant florentin, Giovanni di Francesco Maringhi qui vit là depuis cinq ans et qui va l'héberger.
Humilié par le pape Jules II, Michel-Ange a accepté l'invitation du sultan Bajazet (Bayazid).
« Il a lu et relu la lettre du sultan, en espérant qu'un signe du pape mette entre temps fin à ses incertitudes. Jules II devait être trop occupé avec sa basilique et les préparatifs d'une nouvelle guerre. » (page 18).
Le sultan Bajazet et le grand vizir Ali Pacha (surnommé le Grand Turc) souhaitent qu'en un mois, Michel-Ange projette, dessine et débute « le chantier d'un pont entre Constantinople et Péra, faubourg septentrional. » (page 18).
Les projets de Léonard de Vinci et de plusieurs architectes ont déjà été refusés.
« D'instinct, Michel-Ange sait qu'il ira bien plus loin, qu'il réussira, parce qu'il a vu Constantinople, parce qu'il a compris que l'ouvrage qu'on lui demande n'est pas une passerelle vertigineuse, mais le ciment d'une cité, de la cité des empereurs et des sultans. Un pont militaire, un pont commercial, un pont religieux. Un pont politique. Un morceau d'urbanité. » (page 35, un de mes passages préférés).
À Constantinople, le sage – et ambitieux – Michel-Ange découvre la bibliothèque du sultan, la musique, la danse, l'androgynie, l'ivresse, l'amour et ses tourments ! C'est une sacrée expérience pour lui !
« La curiosité de Michel-Ange est sans limites. Tout l'intéresse. » (page 58).
Il y restera trois mois pour mener à bien le projet. Mais il n'y a pas que ça : il s'est pris d'affection pour Mesihi, son guide, poète, qui lui a offert un petit singe provenant d'Inde, et surtout pour une belle danseuse dont la famille a fui l'Espagne.
Mais « pour l'heure, il n'a qu'un pont en tête, un pont dont il souhaite achever le dessin au plus tôt afin de toucher ses gages et de quitter cette ville troublante, […], dans laquelle il ne se lasse pas pourtant de se promener et d'engranger des images, des visages et des couleurs. » (page 78, un autre de mes passages préférés).
Trois mois, ça passe vite, le roman est magnifique, mais si court ! Quand je pense que je n'ai pas eu le courage de lire Zone avec ses 500 et quelques pages, alors que j'aurais voulu que ce Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants soit plus long, comme quoi on aime vraiment qu'on nous raconte des histoires, surtout avec une écriture si élégante !
Je dirais que Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants est un conte, oui un conte reliant l'Occident et l'Orient, à l'image de ce pont qui doit être construit.
Il y a aussi des références à l'Art, en particulier aux œuvres que Michel-Ange réalisera après son retour en Italie comme la chapelle Sixtine.
Encore un coup de cœur donc pour un roman de la rentrée littéraire de l'automne 2010.
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