Point de non-retour est un roman d'Andre Vltchek paru le 26 août 2010 aux éditions Yago dans la collection Ciel ouvert (374 pages, 20 €, ISBN 978-2-916209-81-4).
Point of no return (2005) est traduit de l'américain par Maryse Leynaud.
Andre Vltchek est né en 1962 à Stalingrad (père tchèque, physicien nucléaire et mère russe, artiste peintre). Naturalisé Américain, il est photographe, journaliste (correspondant de guerre), écrivain et cinéaste. Il a photographié de nombreuses guerres sur les cinq continents. Il a écrit son premier roman Nalezeny en tchèque et Point de non-retour est le premier roman rédigé en américain. Il a aussi écrit des essais (Wester terror, from Potosi to Bagdad ou Oceania), du théâtre (Ghost of Valparaiso), un livre d'entretiens avec l'auteur indonésien Pramoedya Ananta Toer (Exile)...
Plus d'infos sur son site officiel, Vltchek's world in words and images.
Je remercie Gilles Paris de m'avoir envoyé ce roman qui m'a attirée pour différentes raisons : c'est un premier roman (j'aime beaucoup les premiers romans !), c'est l'histoire d'un journaliste-photographe qui voyage dans le monde entier (qu'est-ce que j'aurais aimé être globe-trotter !), dans ce roman la fiction et la réalité s'entremêlent, et puis j'aime bien la politique éditoriale des éditions Yago.
Bien tranquilles chez nous, avec notre vie, notre quotidien, notre famille et nos amis, notre travail, bref notre univers personnel, nous intéressons-nous vraiment à ce qui se passe à l'autre bout du monde, ou même à côté de chez nous ? Pour réveiller nos consciences endormies voire paresseuses, il y a des hommes comme Karel, journaliste, photographe, correspondant de guerre, qui a bourlingué sur les 5 continents pour immortaliser avec ses photos et ses articles au Weekly Globe (New York) les guerres et les atrocités commises dans ce monde (à peu près entre 1985 et 2000) : Indonésie, Cambodge, Amérique du Sud, Proche et Moyen Orient, Afrique, Balkans...
Karel – alter-ego de l'auteur – a 35 ans, il est orphelin (ses parents sont morts en fuyant la Tchécoslovaquie), il a été naturalisé Américain. Il est cultivé, aime son travail, rencontre de nombreuses femmes mais celle qu'il a aimée, Ana la Péruvienne, est morte il y a des années, et celle dont il est amoureux maintenant, Reiko la Japonaise, est déjà mariée et a une fille de 8 ans, Keiko. C'est pourquoi il se donne à fond pour son métier, conscient aussi de sa qualité de privilégié, il prend des risques, il veut témoigner de ce qu'il voit et ouvrir les yeux des nantis sur ce qui se passe dans le monde, les incessants conflits, la pauvreté galopante, les maladies, l'économie malsaine, l'emprise des fondamentalistes religieux sur les populations indigentes et incultes.
« Dernièrement, toutes les grandes villes pauvres du monde s'étaient mises à se ressembler […]. » (page 50).
« Je me sentais coupable, responsable de ce que j'avais vu et n'avais pu empêcher à Ambon, au Timor oriental, au Sri Lanka, au Cambodge, […]. Mais je savais aussi que je ne pourrais cesser de mener cette vie tant que je serais en vie. J'étais libre. Et effrayé. Et très seul, parfois. Mais il n'y avait pas de retour possible. » (page 107).
« Le peuple américain n'aime pas les snobs, ni les intellos, putain ! » (page 175).
« Je sais que la situation est déroutante. On n'a plus tellement d'ennemis, maintenant. On a surtout des amis, des amis qui ne nous aiment pas beaucoup. Des amis à qui on ne peut pas se fier. » (page 176).
« J'avais perdu toutes mes illusions après avoir vu le monde. […]. » (page 263).
Finalement ce roman n'est pas une fiction puisque tout ce qu'il décrit est vrai ! Et c'est passionnant ! Au début, je croyais que je mettrais longtemps à lire ce livre car il est assez épais et il est imprimé en caractères de petite taille, mais pas du tout, il se lit très bien, les chapitres sont courts, on veut en lire plus, comme dans un roman, mais tout est réel !
Et ses histoires d'amour alors, celle du passé avec Ana, et celle actuelle avec Reiko : fiction ou réalité ? Il me plaît d'imaginer que l'histoire entre Karel et Reiko existe vraiment, d'autant plus que l'auteur vit en partie au Japon !
« Je préfère les filles des villes, japonaises, coréennes, mexicaines, espagnoles, raffinées et difficiles à séduire, capricieuses, ironiques et compliquées. La simplicité ne parvient pas à exciter mon désir. » (page 47).
Ce livre est un extraordinaire témoignage de la fin du XXe siècle et de la vie d'un homme, humble et somme toute exceptionnel (dans sa démarche intellectuelle, ses prises de positions et la vie qu'il mène) et de ses contemporains.
J'admire Karel / l'auteur ! Il raconte de belles histoires, comme celle du vieil homme sur son âne, le bar où on discute de la couleur de Dieu, la jeune Jordanienne de 25 ans encore vierge qui le contacte par e-mail et aimerait connaître la sexualité, et puis d'autres plus tragiques comme la jeune chrétienne indonésienne qui a vu son village détruit et qui a dû épouser son violeur – « J'espère qu'il y a un monde au dehors. Et j'espère que je le verrai un jour. » (page 307) – ou ce prophète sur Broadway qui avait annoncé des années auparavant les événements du 11 septembre 2001.
Le livre ne se termine pas à cette date, il continue, encore un peu, pour le plus grand plaisir des lecteurs, et je pense que depuis ce tragique événement, les gens sont plus attentifs à ce qui se passe dans le monde (malheureusement, il se passe de plus en plus de choses horribles...).
Encore un gros coup de cœur pour cette rentrée littéraire automnale !
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