Purge est un roman de Sofi Oksanen paru aux éditions Stock dans la collection Cosmopolite en août 2010 (400 pages, 21,50 €, ISBN 978-2-234-06240-5). Puhditus (2008) est traduit du finnois par Sébastien Cagnoli.
Sofi Oksanen est née le 7 janvier 1977 à Jyväskylä (dans le sud de la Finlande) d'une mère estonienne et d'un père finlandais. Elle a étudié dans les université de Jyväskylä et de Helsinki puis s'est tournée vers la dramaturgie à l'Académie de théâtre de Helsinki.
2003 : Stalinin lehmät (Les vaches de Staline), premier roman.
2005 : Baby Jane, deuxième roman.
2007 : Puhditus (Purge), première pièce de théâtre (qui inspirera le roman).
2008 : High heels society, deuxième pièce de théâtre.
2008 : Puhdistus (Purge), troisième roman qui est classé premier sur les listes de vente en Finlande et reçoit le Prix Finlandia, le Prix Waltari, le Prix de l'Union des écrivains finlandais, le Prix du Grand club du livre finlandais en 2008 puis le Prix Runeberg, le Prix Kalevi Jäntti en 2009 et le Grand Prix de littérature du Conseil nordique en 2010.
2009 : Kaiken takana oli pelko (Derrière tout cela était la peur), avec Imbi Paju, recueil d'articles sur l'histoire de l'Estonie pendant l'occupation soviétique.
2010 : Purge paraît en français et reçoit le Prix Fnac en août puis le Prix Fémina étranger en novembre.
Plus d'infos sur le site officiel de Sofi Oksanen.
Purge est le premier roman de la rentrée littéraire que je lis non pas parce que je l'ai reçu mais parce que je l'avais repéré avec son Prix Fnac. Vu les prix qu'il a reçus et ce que j'ai lu, j'en attends quand même beaucoup et j'espère ne pas être déçue.
1992, Estonie occidentale.
Un matin, la vieille Aliide Truu trouve devant sa maison Zara, une jeune femme loqueteuse. Pressée par le temps, Zara raconte : elle vient de Vladivostok (elle est donc Russe mais parle estonien), elle a fui mais elle est poursuivie par Pacha, un mari auquel elle veut absolument échapper. Elle a été élevée par sa mère et sa grand-mère, toutes deux Estoniennes. « Zara, rappelle-toi. Tu n'es pas une Russe, tu es une Estonienne. » (la grand-mère, page 116). Mais Zara ne raconte pas tout à Aliide...
De son côté, veuve de Martin Truu, Aliide vit seule puisque leur fille unique, Talvi, a épousé un Finlandais et vit en Finlande, et elle cache un lourd secret.
1939, l'Estonie est occupée par les Allemands. Aliide a repéré un beau soldat mais elle est trop jeune et il n'a d'yeux que pour sa sœur aînée, Inge. Hans Pekk épouse donc Inge et Linda naît peu après.
1940, « Un éclat de rire incrédule se répandit de ville en ville, de village en village. Les slogans […] déclenchèrent une immense hilarité, personne ne pouvait nous crier des choses pareilles sans plaisanter ! C'étaient de véritables blagues, […], et puis les soldats de l'armée rouge, qui épluchaient les pommes de terre bouillies avec les ongles, comme s'ils ne savaient pas servir d'un couteau ! Qui prendrait au sérieux des gens pareils ? Mais ensuite, des gens commencèrent à disparaître, et le rire se fit amer. Des anecdotes commencèrent à circuler comme des prières, lorsque les massacres et les déportations de femmes, d'hommes et d'enfants furent mis en pratique. […]. » (page 139). C'est mon passage préféré.
Des Russes arrivent donc en Estonie et le communisme s'installe pour près de cinquante ans... « Les trains en vomissaient sans cesse, et les nouvelles usines les avalaient. » (page 183).
Pourtant quelques-uns gardent espoir... Comme Hans qui se cache depuis la disparition de son épouse et de sa fille, déportées en Sibérie. 1949, « L'Ouest ne nous oubliera pas ! – Ils nous ont déjà oubliés. Ils ont gagné et oublié. » (page 215).
Zara et Aliide sont liées mais Aliide ne le sait pas.
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C'est un livre fort mais l'écriture est si douce, si calme que je n'ai pas été choquée. Si Aliide dégage la force du passé, le fait d'avoir survécu à tout, Zara dégage la force du présent, de l'Estonie libérée du joug communiste, et finalement de l'avenir, un avenir fait de la nouvelle génération qui n'a quand même pas été épargnée... Et si Sofi Oksanen dénonce la violence faite aux femmes et aux enfants, elle montre que cette violence peut aussi venir d'une autre femme, car la jalousie pousse à commettre des choses horribles. Et puis, il y a le huis-clos entre Aliide et Zara : de très belles pages où se mêlent les souvenirs et toutes sortes de sentiments. |
Photo de Toni Härkönen sur le site de Sofi Oksanen |
Un roman d'une grande intensité donc, qui ne jettent la pierre ni aux uns ni aux autres, mais qui dit tout avec les vies de ces deux femmes.
Mine de rien, c'est l'histoire de l'Estonie qu'on voit défiler, de 1939 à 1992, et si j'ai lu plusieurs livres sur la Russie et l'Union Soviétique, j'ai lu très peu de choses sur l'Estonie et je connais très peu sa littérature. Du coup, j'ai cherché « littérature estonienne » et j'ai trouvé http://www.litterature-estonienne.com/ et http://www.kalevipoeg.info/ sur lesquels il est possible de lire des auteurs estoniens des XIXe et XXe siècles traduits en français.
Encore un gros coup de cœur de cette rentrée littéraire : après Celles qui attendent, Le faux ami, Au nord du monde, Point de non-retour, Le Délégué et Lennon, Purge est mon septième coup de cœur de cette rentrée littéraire d'automne ! Y en aura-t-il d'autres ?
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