Quand on choisit la liberté est l'autobiographie de Richard Anthony parue le 19 octobre 2010 aux éditions Florent Massot (366 pages, 19,90 €, ISBN 978-2-916-54669-8).
En milieu de livre, 8 pages de photos en noir et blanc ou couleur et à la fin, une vingtaine de pages de la discographie de Richard Anthony avec une introduction d'Olivier Delavault.
J'avoue que Richard Anthony n'est pas dans ma discographie, bien que je connaisse quelques titres. Mais lorsque Gilles Paris m'a proposé ce livre, j'ai immédiatement accepté lorsque j'ai su que Richard Anthony était le premier, en 1958, à avoir chanté du rock'n'roll en France et donc à avoir fait découvrir aux Français ce nouveau style musical.
Dès la première page, je suis surprise en apprenant que Richard Anthony est né en Égypte – le 13 janvier 1938 – d'un père égyptien et d'une mère anglaise. Sa mère lui fait découvrir le jazz et son père la musique arabe. Je découvre qu'il est apatride : comment cela peut-il se faire alors qu'il se sent totalement Français ?
Après une enfance dorée au Caire durant laquelle il n'a entendu que les bruits de la guerre, sa famille s'installe à Paris en 1947, en Argentine en 1949 et de nouveau en France en 1951. Naît une sœur, Manuela (Btesh). Le petit Richard, surnommé Dicky par sa mère, a donc connu le pensionnat en Angleterre, le collège américain en Argentine, et enfin Janson de Sailly et la fac de Droit en France. C'est un homme instruit, éclectique, parlant plusieurs langues (français, anglais, italien, espagnol et arabe) et curieux, pas seulement en ce qui concerne la musique. Il est par exemple passionné de mécanique et de beaux modèles (voitures, bateaux, avions).
Dans les années 50, le jazz a déjà fait son apparition en France et de grands artistes émergent. Mais le rock'n'roll est encore inconnu et Richard a vraiment envie de devenir chanteur. « J'en parle partout, c'est devenu une obsession. » (page 48). Plusieurs rencontres ainsi que sa ténacité et son talent font que son rêve se concrétise et il est effectivement en 1958, avec les adaptations de Peggy Sue (Buddy Holly) et de You are my destiny (Paul Anka), le premier chanteur français à chanter du rock'n'roll. Ses musiciens sont issus du jazz mais il veut absolument un son rock, il sait que c'est la musique qu'attend la nouvelle génération. Et dès le début de sa carrière, il veut tout suivre (paroles, musique, enregistrement, arrangements, production). C'est un artiste complet et accompli.
Après 1960 arrivent Johnny Hallyday, Dick Rivers et ses chats sauvages, Eddy Mitchell et ses chaussettes noires, Franck Alamo, les Surfs, Hugues Aufray, Claude François, Sylvie Vartan, Sheila, France Gall, Petula Clark, Françoise Hardy... Tous les artistes avec qui Richard Anthony va être ami et va faire des tournées et des émissions de télévision.
À noter Europe 1 (la première radio à avoir passé sa chanson Peggy Sue), sa première scène en première partie de Dalida, le Palais des Sports en 1961 (premier festival rock en France), la création de Salut les copains, ses tournées avec France Gall puis Françoise Hardy, l'Olympia, et le concert gratuit Place de la Nation avec 200 000 personnes : « Les jeunes viennent en masse et depuis avant-guerre, en France en tout cas, aucun événement de quelque nature que ce soit n'a rassemblé autant de monde. » (page 108), et le Zénith en 1998 pour ses 40 ans de carrière.
L'histoire de Richard Anthony, c'est aussi les femmes qu'il a aimées, Michèle, Josiane, Sabine, Caroline, Élisabeth, et leurs enfants, ses maisons, ses voyages, ses spectacles et ses tournées, ses rencontres (Jacques Poisson, Pierre Rey, Maurice Chevalier, Daniel Filipacchi, Michel Bourdais...), ses amis (dont les Beatles et les Rolling Stones car il a enregistré pendant une dizaine d'années à Abbey Road), et aussi le contexte historique et social des années 60 (guéguerre des idoles lancée par les journalistes, violences après les concerts de rock, Mai 68, Général de Gaulle) et le changement de cap des années 70.
J'ai découvert un homme sensible, généreux et passionné. Un homme qui a connu la richesse, la précarité, un redressement fiscal, qui a vécu dans plusieurs pays (Égypte, Italie, France, Angleterre, Argentine, Espagne, États-Unis). Un homme dont la carrière dure depuis plus de 50 ans (avec des hauts et des bas, il est vrai). Un homme surnommé le père tranquille du rock, avec ce que ça implique : on peut le considérer comme un ringard ou un has-been, mais ce sont des faits qu'il est le précurseur du rock – ainsi que de la vague yé-yé et du twist – en France (en Europe ?) et qu'il est toujours là ! Mais il le dit lui-même : « Rien n'est acquis d'avance et tout peut arriver. C'est le public qui décide. » (page 61).
Cette biographie m'a appris – ou rappelé – de nombreuses choses sur les années 60 et 70 (une autre époque...), et je remercie Gilles Paris de me l'avoir envoyée.
Plus de Richard Anthony sur http://richard-anthony.fr.gd/ et sur http://richardanthony.com/.