Thure est un roman de Thierry Leuzy paru aux éditions de la Bagnole en juillet 2011 (164 pages, 24,60 €, ISBN 978-2-923342542).
Thierry Leuzy est un auteur né à Montréal qui vit à Rimouski (Québec). Thure est son premier roman.
Thure ? Voici les premières phrases du récit.
« Je me prénomme Thure. Voici une histoire inspirée des nombreux dessins de mon père, des récits de ma mère et de la mémoire de mon sang. Je tiens à souligner que les émotions qui tissent ce récit sont véridiques, peu importe que les événements racontés soient inventés ou réels.
Le 24 mai 1975 à sept heures du matin, Mijeanne, l'amoureuse de mon père, s'est
déchirée... Je suis né. Ce même 24 mai, à dix-neuf heures trente, ma mère a débranché mon père... Il est mort.
Ma toute première journée d'existence, je l'ai passée étendu sur l'abdomen de mon père, Arthur. » (page 2).
Thure est donc l'histoire d'une « fusion » entre un père et son fils qu'il ne connaîtra jamais.
Après les funérailles de sa mère auxquelles il assiste avec sa fille (Fay), Thure découvre un carnet de dessins et croquis faits par son père. Dans ce carnet, une lettre de sa mère à son père
datée du 24 mai 1975.
« Ton fils. Il arrive et tu pars. Vous vous croisez sur le palier de l'éternité. [...] Sens-tu comme il est calme, couché sur ta peau ? Vous êtes semblables. » (page
4).
Et Thure apprend qu'en fait son père n'a jamais su qu'il allait avoir un fils et qu'il n'est pas mort de façon naturelle mais que sa mère l'a débranché le jour de sa naissance !
La vie poursuit son cours.
« Fay et moi vivons au-dessus de l'Académie de Ballet Michoustine qui est située dans un ancien entrepôt. Le bâtiment m'a été légué par ma mère et j'y administre l'école de danse fondée par mon arrière-grand-père, Youri Michoustine. Nous vivons au second étage dans l'appartement où j'ai grandi. Mon atelier de sculpture est installé dans celui où mon père faisait jadis les décors pour les spectacles de l'Académie. » (page 8).
Mais Thure entend en lui la « voix » de son père, Arthur, qui lui raconte ses racines : son arrière-grand-père Youri Michoustine, né en 1791 à Saint-Pétersbourg, et son
arrière-grand-mère Kay, né en Irlande. Leur fille, sa grand-mère, Mika née à Paris.
Voici quelques beaux extraits.
« – Arthur, tu ne le sais pas, mais cette cause plus grande que soi à laquelle
tu cherches à te joindre, ce n'est pas la paix dans le monde, c'est la paix en toi. Toi par rapport à toi. Toi en vertu des autres. » (page 30).
« – Pour qu'une chose qui ne sert à rien ait de la valeur, il faut l'avoir bien faite. » (page 41).
Après la guerre et l'exil à la campagne, Papi Youri et Arthur embarquent sur un rafiot russe pour le Canada.
« – Tu es prêt, Arthur ?
– Oui, mon capitaine !
– C'est bien... J'aime les gens toujours prêts.
– Prêt à quoi, mon capitaine ?
– Prêt ! Prêt à tout. La question n'est pas de savoir à quoi tu es prêt... C'est simplement de vivre sachant que tu es prêt, prêt à tout... » (page 54).
« – Youri, un jour, je vous ai écouté me dire que pour vous, c'était contre nature de ne pas savoir danser... Qu'à votre avis on vient au monde en gesticulant, on grandit en incarnant tout ce qui nous anime et dès la petite école tout cela se gâte quand devant un instituteur ou une institutrice, devant une personne qui parle sans arrêt et qui n'en finit plus de barbouiller sur un grand pan de mur, on apprend à se soumettre à l'inertie, à la retenue et à la contradiction... » (page 67).
Par la « voix » de son père en lui, Thure apprend la vie de Youri et Kay (ses arrières-grands-parents), l'horreur qu'a subi Mika (sa grand-mère) à cause d'un officier nazi et comment son père est né, puis la rencontre entre son père et Mijeanne, leur amour, sa prochaine venue et l'accident... Mais ce roman n'est pas seulement l'histoire d'une famille (sur cinq générations quand même, des arrières-grands-parents de Thure à sa fille, Fay), c'est aussi la Russie, la danse, la seconde guerre mondiale, l'exil (en France d'abord puis au Canada), les relations humaines, les souffrances et aussi les moments de bonheur heureusement.
« Est-ce possible d'être à ce point lié à sa fibre paternelle que même le vécu que l'on croit intime n'est en fait qu'une récurrence ? » (page 78).
Le récit de Thierry Leuzy est beau, fluide, très agréable à lire. Il a une âme.
Il est tourné vers l'avenir, les jours meilleurs. « Fay ne sait pas qu'à l'origine il y a eu tant de violence et de détresse. Comme une fleur libre de s'épanouir, elle grandit à l'abri des intempéries. » (page 81).
Thure est un roman (en partie autobiographique ?) à la fois triste et drôle, avec des événements beaux ou atroces. C'est en tout cas un texte organique, puissant et à lire absolument !
Ma phrase préférée
« Le culot des femmes les rend souvent inaccessibles. On dirait qu'à se dévoiler elles disparaissent. » (page 134).
Une lecture qui entre dans les challenges Paris je t'aime (une grande partie du roman se déroule à Paris où vivent Youri, Kay et leur fille Mika, avant et pendant la seconde guerre mondiale), Premier roman, Cent pages (en espérant que 164, ce n'est pas de trop), Ô vieillesse ennemie (pour le grand-père, Youri, qui est très présent tout au long du roman et qui élève Arthur. Sa mort est un des moments tristes et magiques du roman) et Mon Québec en septembre. Je remercie Alphalire car j'ai lu ce roman en numérique sur leur site.
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