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30 septembre 2013 1 30 /09 /septembre /2013 02:45

Caligula est une pièce en 4 actes d'Albert Camus : ébauchée en 1937 et écrite à partir de 1938, elle est parue en mai 1944 aux éditions Gallimard (mais une version de 1941 est parue dans les Cahiers Albert Camus en 1984).

 

Elle a été représentée pour la première fois au Théâtre Hébertot en 1945 dans une mise en scène de Paul Œttly (comme pour Les Justes). Gérard Philippe, un tout jeune acteur de 23 ans, joua le rôle de Caligula.

 

Il existe actuellement plusieurs éditions : Cahiers Albert Camus n° 4 (1984), Folio (1972), Folio Plus Classiques (1993), Folio Théâtre (1993), Gallimard collection Blanche (1944 ; 1947 ; 1958) ou en intégrale comme celle de La Pléiade (1962).

 

Pour découvrir l'auteur, je vous renvoie vers Les lundis philo – 9 : Albert Camus. Après avoir redécouvert cet auteur et avoir eu un coup de cœur pour Les Justes, j'ai vraiment eu envie de lire d'autres titres d'Albert Camus.

 

Des patriciens et des sénateurs attendent dans une salle du palais ; ils sont inquiets car ils n'ont pas de nouvelles de l'Empereur depuis trois jours et il ne se passe rien (ce mot est très important, il est répété plusieurs fois ; il ne se passe rien mais ça cause quand même !).

« Premier patricien : Êtes-vous capable de souffrir plus d'un an ?

Deuxième patricien : Moi, non.

Premier patricien : Personne n'a ce pouvoir.

Vieux patricien : La vie serait impossible. » (pages 17-18).

« Hélicon : Du calme, Messieurs, du calme. Sauvons les apparences. L'Empire romain, c'est nous. Si nous perdons la figure, l'Empire perd la tête. Ce n'est pas le moment, oh non ! Et pour commencer, allons déjeuner, l'Empire se portera mieux. » (page 18).

Caligula aimait Drusilla, sa sœur, et comme elle est morte, il est inconsolable.

« Premier patricien : En tout cas, la raison d'État ne peut admettre un inceste qui prend l'allure des tragédies. L'inceste, soit, mais discret. » (page 19).

Depuis l'époque des Romains, et même avant, jusqu'à nos jours, l'hypocrisie de ceux qui nous gouvernent et de leurs conseillers n'a pas changé !

« Cherea : Ce garçon aimait trop la littérature.

Deuxième patricien : C'est de son âge.

Cherea : Mais ce n'est pas de son rang. Un empereur artiste, cela n'est pas convenable. Nous en avons eu un ou deux, bien entendu. Il y a des brebis galeuses partout. Mais les autres ont eu le bon goût de rester des fonctionnaires.

Premier patricien : C'était plus reposant.

Vieux patricien : À chacun son métier. » (page 21).

Enfin, Caligula revient, sale et fatigué ; il veut la lune parce que c'est une des choses qu'il ne possède pas.

« Caligula : Tu penses que je suis fou.

Hélicon : Tu sais bien que je ne pense jamais. Je suis bien trop intelligent pour ça. » (page 25).

« Scipion : Il me disait que la vie n'est pas facile, mais qu'il y avait la religion, l'art, l'amour qu'on nous porte. Il répétait souvent que faire souffrir était la seule façon de se tromper. Il voulait être un homme juste. » (page 31).

Mais Caligula, dans une nouvelle logique inspirée par un intendant sous-entendant que le plus important de tout est le Trésor public, décide que toutes les personnes de l'Empire doivent déshériter leurs enfants pour en faire bénéficier l'État.

« Caligula : Écoute-moi bien, imbécile. Si le Trésor a de l'importance, alors la vie humaine n'en a pas. Cela est clair. Tous ceux qui pensent comme toi doivent admettre ce raisonnement et compter leur vie pour rien puisqu'ils tiennent l'argent pour tout. Au demeurant, moi, j'ai décidé d'être logique et puisque j'ai le pouvoir, vous allez voir ce que la logique va vous coûter. J'exterminerai les contradicteurs et les contradictions. S'il le faut, je commencerai par toi. » (page 35). (Il parle à l'intendant).

« Scipion : Mais c'est un jeu qui n'a pas de limites. C'est la récréation d'un fou.

Caligula : Non, Scipion, c'est la vertu d'un empereur. (Il se renverse avec une expression de fatigue.) Je viens de comprendre enfin l'utilité du pouvoir. Il donne ses chances à l'impossible. Aujourd'hui, et pour tout le temps qui va venir, ma liberté n'a plus de frontières. » (pages 36-37).

Et voilà, comment un jeune homme aimant la religion, l'art, l'amour et considéré comme fragile devient un tyran sanguinaire ! Il suffit de peu de choses...

 

Ces phrases m'ont fait réfléchir, m'ont surprise ou gênée. À méditer donc...

« Caligula : Ce monde est sans importance et qui le reconnaît conquiert sa liberté. » (page 38).

« Caligula : Qu'il est dur, qu'il est amer de devenir un homme ! » (page 40).

« Caligula : Je ferai à ce siècle le don de l'égalité. Et lorsque tout sera aplani, l'impossible enfin sur terre, la lune dans mes mains, alors, peut-être, moi-même je serai transformé et le monde avec moi, alors enfin les hommes ne mourront pas et ils seront heureux. » (page 42). Alors, envie d'un peu d'égalité ?

« Cherea : Sans doute, ce n'est pas la première fois que, chez nous, un homme dispose d'un pouvoir sans limites, mais c'est la première fois qu'il s'en sert sans limites, jusqu'à nier l'homme et le monde. » (page 53). C'est arrivé plusieurs autres fois depuis...

« Hélicon : Allons, Messieurs, un peu de bonne volonté. Vous verrez, d'ailleurs, qu'il est plus facile de descendre l'échelle sociale que de la remonter. » (page 59). (Il s'adresse aux sénateurs à qui Caligula a ordonné de préparer la table et de la servir à la place des esclaves).

« Caligula : Je veux, vous entendez, je veux vous voir rire. » (page 62).

« Caligula : On est toujours libre aux dépens de quelqu'un. C'est ennuyeux, mais c'est normal. » (page 68).

« Caligula : Il n'y a que la haine pour rendre les gens intelligents. » (page 81).

« Caligula : La logique, Caligula, il faut poursuivre la logique. Le pouvoir jusqu'au bout, l'abandon jusqu'au bout. Non, on ne revient pas en arrière et il faut aller jusqu'à la consommation. » (page 110). (Il se parle à lui-même). Caligula est bien conscient qu'il va au bout de l'absurde.

« Caligula : La vie, mon ami, si tu l'avais assez aimée, tu ne l'aurais pas jouée avec tant d'imprudence. » (page 135).

« Caligula : C'est drôle. Quand je ne tue pas, je me sens seul. Les vivants ne suffisent pas à peupler l'univers et à chasser l'ennui. » (page 147).

 

Quel drame ! Tous – Caligula en quête de l'absolu et de l'impossible, les protagonistes impuissants qu'ils soient serviles ou comploteurs et le lecteur – s'y enfoncent inexorablement. Et il n'y a pas de solution à cette logique absurde qui peut même se contredire et à ces actes arbitraires et méprisables. À part la mort... Et même de la mort, Caligula en rit !

Il y a cependant des passages cocasses comme celui où Caligula décide de renflouer le Trésor public (qui d'ailleurs n'en a pas besoin) avec la création d'une maison publique et l'octroi d'une distinction mensuelle de Héros civique !

Caligula ne veut plus vivre d'illusions et de malentendus et, comme il a le pouvoir, il va vivre autrement, il le peut, mais il va créer d'autres illusions et d'autres malentendus, en écrasant, humiliant, tuant. Est-ce cela la liberté ? La liberté peut-elle être au détriment des autres ?

J'ai beaucoup aimé cette lecture mais je ne vais pas embrayer sur Le malentendu tout de suite car il faut que je me remette de toute cette logique et de toute cette cruauté.

À noter que Camus a désigné Caligula et Le malentendu (théâtre), Le mythe de Sisyphe (récit) et L'étranger (roman) comme étant le Cycle de l'absurde. Il a ensuite fait de même avec Les Justes et L'état de siège (théâtre), L'homme révolté (essai) et La peste (roman) comme le Cycle de la révolte.

Camus s'est inspiré de Vies des douze Césars, l'œuvre de Suétone (historien latin né en 69 après JC et mort aux environ de 130) : après six mois de règne juste, Caligula serait devenu subitement lunatique et tyrannique, sûrement après avoir été empoisonné (il ne serait donc pas responsable de ses actes !).

Mais tout ça ne sert pas de leçon car d'autres humains après Caligula (et peut-être d'autres avant lui) en détruisant tout autour d'eux se sont détruits eux-mêmes...

Si vous souhaitez en savoir plus sur cette œuvre de Camus, vous pouvez lire l'étude de Caligula sur Magister. Il y a aussi de nombreuses infos sur le site de l'UQAC (Université de Québec à Chicoutimi) et sur le Web Camus (site consacré à Albert Camus).

 

Une lecture commune avec Heide que je mets dans les challenges Petit Bac 2013 (catégorie Prénom) et Un classique par mois.

 

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commentaires

H
Mille pardons ! Je suis débordée, je n'ai pas eu le temps. Je publie mon billet ce week-end. Et je prendrai aussi le temps de lire ton article. Bises !
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C
Pas grave, je rajouterai ton lien à la parution de ton article !
G
Une sacrée pièce qu'il faut lire et relire pour bien la comprendre ! j'aurais adoré la voir jouée par Gérard Philippe !
Répondre
C
Peut-être a-t-elle été enregistrée ?
N
C'est une pièce que j'aime beaucoup, et que j'aimerais étudier avec des élèves bientôt !
Répondre
C
C'est super, Neph, il y a tant de choses à en dire (tout comme Les Justes). Quel âge ont tes élèves ?

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