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25 juillet 2013 4 25 /07 /juillet /2013 04:32

La vengeance de Baudelaire est un roman de Bob van Laerhoven paru aux éditions Ma dans la collection Pôle Noir en juin 2013 (291 pages, 17,90 €, ISBN 978-2-822-40228-6). De wraak van Baudelaire (2007) est traduit du néerlandais par Marie Hooghe.

 

Je remercie Gilles Paris de m'avoir envoyé cet incroyable roman à suspense.

 

Bob van Laerhoven est né le 8 août 1953 près d'Anvers (Belgique). Il a commencé sa carrière littéraire avec des nouvelles de social-fiction (il déteste le terme de science-fiction) et son premier roman, Nachtspel (Jeu nocturne), est paru en 1985. Dans les années 90 et jusqu'en 2005, il a voyagé en tant que freelance dans de nombreux pays en guerre. Il a écrit des récits de voyage et des documents. La vengeance de Baudelaire est son deuxième roman et a remporté en 2007 le 10e Prix Hercule Poirot du meilleur roman flamand à suspense. Plus d'infos sur http://www.bobvanlaerhoven.be/fr.

 

« La vie et la mort avait appris au commissaire à aimer la poésie et les femmes légères. Pourtant, à cinquante trois ans, Paul Lefèvre aurait été bien en peine de dire s'il prisait plus la poésie, cette émotion abstraite dont les racines se perdent dans l'origine des temps, avant la naissance du langage, ou l'accouplement qui, tel un lézard préhistorique, s'insinue dans le cerveau et mord quand bon lui semble. » (premières phrases du roman, page 5).

Paris, fin août 1870. La France est en guerre et les Prussiens sont aux portes de Paris.

Alors qu'il arrive à la maison close pour y passer une belle soirée, le commissaire Paul Lefèvre entend un cri et découvre dans la chambre d'une prostituée un cadavre. Sur un morceau de papier sont écrits quelques vers de Charles Baudelaire et l'écriture rudement bien imitée ressemble à celle du poète mort trois ans plus tôt et adulé depuis.

« C'était là un trait vraiment typique de la bourgeoisie française que de réchauffer aujourd'hui dans son sein un poète qu'elle avait vomi et persécuté tout au long de sa vie. » (page 6).

La victime est Albert Dacaret, un jeune artiste qui refusait d'être comparé à Baudelaire qu'il méprisait.

Le commissaire Paul Lefèvre va enquêter avec l'inspecteur Bernard Bouveroux, un brave veuf de 50 ans qui aurait voulu être historien et assimile toutes les connaissances encyclopédiques possibles.

Rapidement, il y a une deuxième victime, Granier de Cassagne, un jeune auteur qui revient de Nouméa et veut écrire tout ce qu'il a vu en Nouvelle-Calédonie. Il y a également un papier avec quelques vers de Baudelaire.

Le commissaire pense avoir « affaire à une âme à la dérive, qui ne peut plus communiquer par la parole et doit dès lors remplacer les mots par de la chair humaine. » (page 35) et rend visite à Honfleur (le train entre Paris et Honfleur est tout neuf) à Caroline Archenbaut-Defayis, veuve Aupick, la mère de Charles Baudelaire mais, bien qu'elle soit persuadée de vivre avec une malédiction, elle ne dit rien au policier.

Puis, il y a un troisième meurtre, celui du juge Pinard qui avait condamné Baudelaire il y a treize ans : le cadavre du substitut est au cimetière du Montparnasse... sur la tombe du poète.

« Ah, quelle misérable époque que la nôtre ! » (page 71).

Après avoir lu le journal de Simone Bourbier, une orpheline devenue prostituée, le commissaire Lefèvre commence à comprendre le terrible secret de la famille Baudelaire et ces crimes de vengeance même s'il lui manque la fin du carnet.

 

Paul Lefèvre et Bernard Bouveroux, sont particulièrement intéressants : ils se connaissent depuis une trentaine d'années car ils ont fait leur service militaire ensemble en Algérie, ils sont amis et de bons coéquipiers même si l'un est le supérieur de l'autre. Ils ont chacun leur vécu, leur mode de pensée et sont complémentaires en toute intelligence. Ils entendent la guerre aux portes de la capitale alors que la grande majorité de la population s'en fiche : les pauvres crèvent de faim (ils mangent des rats ou des cadavres humains), les bourgeois industrieux travaillent et les riches s'amusent et participent à des séances satanistes.

« Regardez-moi ça , commissaire, dit Castellani. Quel spectacle vous terrifie le plus ? Un ramassis de pauvres diables mendiant de la viande fraîche sous une pluie battante ou cette noblesse en folie ? » (page 181).

Le Paris de la fin du XIXe siècle est parfaitement décrit et véridique ! Les deux policiers observent le monde des arts et des lettres, les débuts de la photographie, des gazettes et des journaux, l'engouement pour l'exotisme et le spiritisme, l'installation du gaz, les nouvelles idéologies politiques (socialisme, communisme) et religieuses (hindouisme, spiritisme) et, sans être pessimistes quant à l'avenir, ils ne sont pas dupes de l'âme humaine.

 

Voici quelques extraits qui m'ont marquée :

« […] les changements fébriles caractéristiques de leur époque. Paris était un grand chantier. L'antagonisme entre riches et pauvres avaient atteint son point d'ébullition. La moralité publique était un cloaque. L'empereur, une andouille à l'ego démesuré qui préparait une guerre que la France ne pouvait gagner. Pas étonnant dès lors si des gens prêtaient l'oreille aux pédanteries savantes ou s'ils se mettaient à croire au diable . » (page 14).

« L'empire des Lumières ? Bien au contraire : les Français étaient stupides, peureux ou malheureux, généralement les trois à la fois. » (page 25).

« La photographie est un enfant de ce siècle. Elle rend visible l'invisible. » (page 48).

« Paris était au point d'ébullition. Des rébellions risquaient à tout moment d'éclater et la meute se mettrait à piller. » (page 76).

« Depuis quelques années, le commissaire avait l'impression que le progrès technique s'emballait et allait de pair avec le déclin de la civilisation. Les prodiges qui s'étaient banalisés en un court laps de temps déboussolaient les gens qui s'estimaient dès lors au-dessus du bien et du mal. » (page 92).

« Le commissaire soupira : une France qui tirait vanité des cabrioles et des coucheries infantiles de son empereur ne méritait pas d'être la première nation d'Europe. » (page 132).

Je ne sais pas si c'est voulu par l'auteur mais ces choses peuvent se dire encore à notre époque. Malheureusement... (sauf pour la photographie bien sûr !).

 

J'ai tellement été scotchée par ce roman que je l'ai lu d'une traite, la nuit, pourtant je ne suis pas en vacances ! Ce roman policier est ce que j'appelle un roman érudit : ils sont bons, que dis-je ? Ils sont excellents (au niveau policier, historique, social, humain, approche littéraire et artistique) mais peu nombreux. Dernièrement, j'ai lu Les poètes morts n'écrivent pas de romans policiers, de Björn Larsson mais il y a eu aussi Poisson mouillé, de Volker Kutscher, Le faux ami, de Henrik B. Nelsson, Le roman de Bergen - 1900 L'aube, de Gunnar Staalasen et pourquoi pas le plus léger La commissaire n'aime point les vers, de Georges Flipo. Remarquez la relation avec la poésie ou le monde littéraire et l'ancrage dans l'Histoire (plutôt XIXe siècle ou début du XXe).

 

Si vous lisez ce roman, apprêtez-vous à plonger dans les fleurs du mal.

 

J'ai une petite question : à la fin, personne ne se demande ce qui est arrivé à l'inspecteur Bernard Bouveroux ? Alors une deuxième question en fait : Y aura-t-il une suite ?

 

Une lecture pour les challenges Thrillers et polars, Voisins Voisines et Tour du monde en 8 ans (Belgique).

 

Ci-dessous la vidéo officielle de ce roman. Une autre vidéo, celle de l'émission belge Cinquante degrés Nord du 17 juin 2013, disponible sur le site de la RTBF. L'émission entière dure 48'18 mais Bob van Laerhoven qui parle très bien le français est interviewé par Éric Russon en français et parle de La vengeance de Baudelaire, de sa passion pour Flaubert et la littérature française du XIXe siècle. C'est court (moins de 7 minutes) mais c'est intéressant et en plus c'est au début de l'émission !

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commentaires

P
En effet, ça donne envie, ça a l'air très intéressant! Et prenant :)
Répondre
C
Il est excellent ! Peu de coups de cœur pour moi depuis le début de l'année... Bonne journée.
U
Eh bien ça fait drôlement envie :))
Répondre
C
Tant mieux, Une Comète, et bonnes vacances !

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