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25 juin 2013 2 25 /06 /juin /2013 00:05

Le faste des morts est un recueil de nouvelles de Kenzaburô Ôé paru aux éditions Gallimard dans la collection Du monde entier en novembre 2005 (175 pages, 15 €, ISBN 2-07-077619-0). Ces nouvelles sont traduites du japonais par Ryôji Nakamura et René de Ceccatty.

 

Plutôt que de récrire une biographie de Kenzaburô Ôé, je préfère vous renvoyer vers l'article qui je lui ai consacré suite au Salon du livre de Paris 2012.

 

Quoi de mieux pour découvrir un auteur que de plonger dans ses premières œuvres et de suivre son évolution ? Les trois nouvelles de ce recueil font en effet partie de la première période littéraire de Kenzaburô Ôé.

 

Le faste des morts (死者の奢り Shisha no ogori), nouvelle parue en août 1957 a lancé la carrière de l'auteur.

Le narrateur, un étudiant en littérature française, et une étudiante en littérature anglaise, descendent pour la première fois à la morgue de l'université de médecine. « Une fois la porte ouverte, une lumière semblable aux lueurs de l'aurore et un air chargé d'épais relents d'alcool nous envahirent. Au fond de ce remugle, gisait une odeur encore plus âcre, une odeur tenace et pénétrante. » (page 12). Ils ont tous deux répondu à une petite annonce pour un « travail de manutention de cadavres destinés à la dissection » (pages 16-17). Effectivement des corps flottent dans une solution alcoolisée laiteuse et servent aux étudiants en médecine mais certains sont là depuis des années et sont inutilisables... « Le travail était d'une extrême simplicité, mais il fallut beaucoup de temps pour traiter un cadavre. Il n'était toutefois pas nécessaire de nous concentrer constamment, ce à quoi je m'habituai peu à peu. » (page 23). Que veut dire l'auteur avec ce récit ? Que l'on est prêt à faire n'importe quel travail pour un peu d'argent ? Que l'on s'habitue à tout même au pire ? Que le travail est une violence ? « J'avais pénétré le monde des morts. Puis quand j'étais retourné chez les vivants, tout était devenu compliqué » (page 31). J'ai lu cette nouvelle de façon distraite... L'auteur écrit très bien, oui, ou du moins c'est bien traduit, mais je n'ai pas ressenti la petite étincelle qui m'aurait permis d'accrocher. Pourtant, en fin de livre, les traducteurs parlent, au sujet de cette nouvelle, de « maîtrise surprenante » et de « véritable vision du monde »...

 

Le ramier ( Hato), nouvelle parue en mars 1958.

Le narrateur a 14 ans et il vit dans une maison de redressement. Il ne donne pas son nom et ne dit pas pourquoi il est là. Il raconte les éducateurs brutaux et les ados plus âgés, comme le Marin, qui abusent sexuellement des garçons plus jeunes. Le directeur de l'établissement a un fils adoptif métis, blanc aux yeux bleus, et les ados l'épient jouant avec sa chienne grâce à un trou dans le mur. Un soir, ils surprennent la chienne avec un chien. « À travers les nuées pâles, le soleil couchant envoyait des rayons vifs qui formaient des ombres violacées : dans cette profusion de lumière, la chienne en haletant entretenait le plaisir du mâle en ne s'appuyant que sur ses fines pattes avant. Nous regardions les mouvements énergiques du mâle en riant. » (page 69). Lorsqu'un éducateur tue le chien et le balance dans la décharge polluée de l'autre côté, les jeunes délinquants se mettent à tuer et à pendre au mur tous les animaux qu'ils attrapent, la chienne, des rats, des taupes, des oiseaux, des lézards, des insectes, etc. Mais le fils du directeur, inconsolable après la mort de sa chienne, fait de même et tue le ramier du gardien. Toute cette cruauté envers les animaux m'a estomaquée ! Et le directeur et les éducateurs, si prompts à la punition, laissent faire ça ! La violence entre ces jeunes et les tueries d'animaux. Ils sont enfermés, mais ne sont pas éduqués ; ils sont surveillés et punis mais en fait livrés à eux mêmes et à leurs pires pulsions. Quelle vie pour l'enfant constamment violé par le Marin et que devient-il lorsqu'il est évincé au profit d'un autre : comment, après une telle humiliation physique et psychologique, peut-il se construire et avoir une vie adulte épanouie ? Le ramier est difficile à lire, j'ai du m'accrocher.

 

Seventeen (セヴンティーン), nouvelle parue en janvier 1961.

Aujourd'hui le narrateur a 17 ans, seventeen (on voit la place de l'anglais dans le quotidien japonais des années 50 et 60), mais sa famille a oublié son anniversaire et il en est frustré. Pour se consoler, il se masturbe : il le fait de plus en plus souvent depuis qu'il a compris que ce n'était pas mauvais pour la santé. Le soir, lors d'une discussion politique, l'adolescent (qui se dit de gauche) se dispute avec sa sœur qui travaille comme infirmière dans un hôpital des Forces de défense américaines. « Moi, je lui dis merde à la prospérité actuelle du Japon. Je dis merde aux Japonais qui élisent le parti des conservateurs. Tout ça, c'est dégoûtant ! » (page 113). Puis dans un accès de colère, il la frappe et la blesse gravement à un œil mais il n'est pas fier de lui. « Je suis dégueulasse et obsédé du sexe. » (page 133). Personne ne dit rien, ni le père qui lit son journal, ni la mère qui reste à la cuisine, ni le grand frère trop occupé par son travail à la banque. Le lendemain, après une épreuve de sport, un copain de classe surnommé Shin-Tôhô lui demande de travailler à ses côtés pour un meeting de la droite. Seventeen accepte parce que « La compagnie d'un ami pour lequel on n'a que du mépris est plus rassurante que la solitude, dans la mesure où l'orgueil n'est pas blessé. » (page 147). Et il se lance à fond dans l'aventure car il ne se sent plus « misérable », « ce seventeen solitaire, pitoyable, maladroit », il a « pris conscience de cette nouvelle nature », celle qui fait de lui un adulte indépendant... Un homme respectable ? J'ai mis gauche et droite en italique comme dans la nouvelle : je crois que ces termes ne sont pas utilisés au Japon, les partis principaux sont les démocrates (considérés comme la gauche) et les conservateurs (considérés comme la droite) mais il y a de nombreux autres partis comme ceux considérés plus à gauche (socialistes, populistes), au centre (progressistes, néo-libéraux) ou plus à droite (nationalistes). Pour en revenir au seventeen de la nouvelle, l'adolescent n'a pas les idées bien en place, il ne réfléchit pas vraiment, il est amer, complexé, frustré et saute d'un extrême à l'autre car il est malléable, influençable. Dans la notice en fin de livre, les traducteurs expliquent que l'auteur a écrit cette nouvelle en écho aux manifestations du printemps 1960 durant lesquelles le chef du parti socialiste a été assassiné par un militant d'extrême droite de 17 ans.

 

Avec ces trois nouvelles, Kenzaburô Ôé montre que la jeunesse est importante : dans Le ramier, les adolescents ont l'âge d'être collégiens, dans Seventeen, le personnage principal est lycéen, et dans Le faste des morts, les deux « travailleurs » d'une journée sont étudiants. Or ils sont tous confrontés à des situations extrêmes voire très violentes. Cette jeunesse doit être correctement formée, pas seulement l'enseignement et la discipline, mais quelque chose dans leur pensée, leur âme, (Quoi ? Comment ?) sans pour cela qu'elle doive subir un endoctrinement quel qu'il soit. Pas facile donc de former cette jeunesse et d'en faire des adultes sereins, heureux et responsables.

Je vais lire d'autres livres de Kenzaburô Ôé, mais pas tout de suite !

 

Une lecture pour le challenge Écrivains japonais que je mets aussi dans le Cercle de lecture de Tête de Litote (la ronde de juin concerne les nouvelles), Des livres et des îles (Shikoku, Japon), Je lis des nouvelles et des novellas et Un classique par mois (deux des trois nouvelles sont parues avant 1960).

 

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commentaires

A
Merci pour cette contribution. Un auteur par évident a lire mais intéressant je pense !
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C
Pas évident du tout mais comme je l'avais vu au Salon du livre de Paris en mars 2012, j'ai voulu m'accrocher. Bonne journée.
S
Bravo d'avoir lu ce recueil jusqu'au bout car la lecture, certainement très intéressante, me parait éprouvante.
Répondre
C
Mais il était intéressant quand même !
V
hum... non, je passe mon chemin!
Répondre
C
Je te comprends...

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