Le projet Abraxa est un roman uchronique de Frédéric Delmeulle paru aux éditions Flammarion le 3 avril 2013 (313 pages, 15 €, ISBN 978-2-0812-7186-9).
Je remercie Brigitte et les éditions Flammarion pour ce roman au thème original.
Frédéric Delmeulle est né à Lille en 1966. Il est professeur d'histoire dans un lycée en Normandie. Il a rédigé une thèse de doctorat sur le cinéma documentaire et a participé à des livres sur l'histoire du cinéma. Le projet Abraxa n'est pas son premier roman : en 2007 est déjà paru Nec deleatur, et en 2010 sont parus La parallèle Vertov, et Les manuscrits de Kinnereth, sur le même thème.
Quatre lycéens, Emma, la tête pensante et ses amis, Thiméo alias Tim ou Tim Services, Nohra alias Mademoiselle No ou tout simplement No, et Zackarie alias Zack ou Mr Z, s'introduisent de nuit dans un hangar où est conservé un immense sous-marin, le Vertov, « un ancien bâtiment de la marine soviétique. […] un sous-marin d'attaque de la classe « Victor » construit au début des années 1980. » (page 26). Le grand-oncle du père d'Emma, le professeur José-Luis de Almédia, l'a acheté pour trente millions de dollars en 1993.
Emma écrit dans son journal : « Cette aventure a désormais un nom : Abraxa. Elle a commencé avec ce dossier sur l'uchronie qu'on avait proposé à Mme Bengharbi, notre prof d'histoire. Ce dossier qui prétendait réécrire toute l'histoire de l'humanité en imaginant la modification d'un seul événement... […] le choix de ce nom pour notre sujet était un peu abraxadabrant. […] Abraxa est le nom donné par Érasme à la capitale des fous dans son essai Éloge de la folie, en 1509. Ce nom a ensuite été repris par Thomas More (un pote d'Érasme, humaniste comme lui), quand il a écrit son célèbre ouvrage Utopia, en 1516. […] Abraxa n'est pas qu'un sujet. Abraxa est un projet. » (pages 23-24).
Les aventures des adolescents sont entrecoupées par le journal d'Alvaro Nino Gonçalves d'Alemquer, cadet d'une riche famille d'Algarve devenu page et secrétaire du capitaine Dom Henrique de Santarem sur la Vitória, une caravelle investie d'une « mission secrète et urgente ordonnée par le Roi » (page 39) au XVe siècle.
Le Vertov est un sous-marin spécial : « le professeur a consacré sa vie et l'ensemble de sa fortune à mettre au point une machine à voyager dans le temps » (page 43).
L'objectif d'Emma, ce pourquoi elle a embarqué ses amis : « Abraxa disparaîtra. La barbarie reculera. Et peut-être Utopia pourra-t-elle enfin éclore. » (page 65).
Mais jusqu'où faut-il remonter pour éviter « les inégalités Nord-Sud, la famine, les pandémies, l'exploitation de l'homme par l'homme, etc. » (page 105) et peut-on éradiquer l'injustice ?
L'auteur n'est pas tendre avec les humains, en particulier les conquérants du Nord. Il dénonce les mafias, la vente d'armes et de matériels militaires et nucléaires au plus offrant dans les années 1990. Il dénonce aussi les inégalités entre pays riches au Nord et pays pauvres au Sud (en fait, il y a aussi des pauvres au Nord et des riches au Sud, hein !), et tout ce qui engendre malnutrition, maladies, exil et pauvreté. « la fin est proche : des armées de robots travailleront bientôt à gaver de conneries plusieurs milliards de chômeurs déprimés. Quoi ? Des clichés, des poncifs ? Mais moi, j'y peux rien, si la réalité est banale, même quand elle est atroce. » (pages 63-64). Oui, ces inégalités existent mais c'est un peu cliché quand même car si on change l'Histoire, je suis sûre que les colonisateurs, les esclaves, les privilégiés et les pauvres existeront quand même, simplement ils vivront en d'autres lieux.
Avec Alvaro qui tient aussi un journal, on apprend la vie à bord d'un bateau à voile (une caravelle) et on fait le pari fou que la Terre n'est pas plate mais ronde : cap sur l'Ouest ! Mais « écrire est tout ce qui me reste pour ne pas sombrer à mon tour dans la folie. » (page 173).
Bref, Le projet Abraxa est un roman de science-fiction intelligent, qui fait réfléchir le lecteur, et s'il ne faut pas tout prendre pour argent comptant, on passe un très bon moment de lecture et on vit une super aventure.
Ma phrase préférée
« l'imagination du fol n'est jamais en reste quand il s'agit de terroriser les sots ! » (page 123).
Une lecture pour les challenges Des livres et des îles (on fait escale aux îles Fortunées, à Ténérife, aux Canaries et surtout naufrage aux Bermudes), Geek (SF), Petit Bac 2013 (catégorie Lieu – imaginaire – avec Abraxa).
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