Cocteau – Marais : un si joli mensonge est une biographie de Jean Cocteau et de Jean Marais par Bernard Spindler parue aux éditions du Rocher en avril 2011 (248 pages, 12 pages de photos couleur ou noir et blanc, 20 €, ISBN 978-2-268-07077-3).
Je remercie les éditions du Rocher de m'avoir envoyé ce livre (et je suis désolée de n'avoir pas pu le lire peu de temps après sa réception).
1937. Jean Marais, 24 ans, auditionne devant Jean Cocteau pour Œdipe roi. C'est le début d'une grande aventure cinématographique, théâtrale et personnelle (26 ans) entre les deux hommes, celui qui est né en même temps que le cinématographe et celui qui se métamorphosera pour le cinéma (La Belle et la Bête, Fantomas...).
Flashback. Enfance de Jean Cocteau ; enfance de Jean Marais. Ambition et œuvre de Jean Cocteau : dramaturge, poète, peintre et cinéaste ; ambition et rôles de Jean Marais : acteur de théâtre et de cinéma mais aussi auteur, peintre.
Leurs points communs sont nombreux : élevés par leur mère, mauvais élèves, une guerre (la première pour Cocteau ambulancier, la deuxième pour Marais), passionnés de théâtre, peintres, narcissiques et surtout ambitieux !
Par contre Marais n'a jamais touché à l'opium alors que Cocteau a du suivre plusieurs désintoxications, en vain...
On croise du beau monde dans cette double biographie : les Noailles, Lucien Daudet, Madeleine Carlier, Maurice Rostand, Marcel Proust, Serge Diaghilev, Picasso, Satie, Roland Garros, Guillaume Apollinaire, Raymont Radiguet surnommé Radigo, Darius Milhaud, Joseph Kessel, Coco Chanel, Maurice Sachs, Suzy Solidor, Bunuel, Natalie Romanov-Paley, Yvonne de Bray, Luchino Visconti, Serge Reggiani, Michèle Morgan, Jean-Pierre Melville, et tant d'autres !
Jean Cocteau
« Faute de beauté grecque, Jean Cocteau cultive un charme troublant, un rien de préciosité dans la voix, une brillance de bonté et d'amusement dans le regard qui n'appartient qu'aux êtres différents. » (page 10).
« Je ne crois pas à la mort, parce que la mort est une forme de vie. » (page 18).
« […] il vise désormais un projet ambitieux, à haut risque, « l'art total ». L'intelligence rapide de Cocteau a parfaitement saisi : un tel projet ne peux exister qu'en rupture avec le classicisme figé. » (page 68).
Jean Marais
« Moulouk n'est pas un chien, c'est un ami. » (page 19)
« Ce que le public te reproche, cultive-le, c'est toi... » (page 219).
Les points forts
- les extraits et les poèmes (en italique) tout au long du livre ;
- l'évolution du théâtre et du cinéma au XXe siècle ;
- les incursions artistiques : musique (Groupe des Six, arrivée du jazz), danse (Charleston, chorégraphes russes), peinture, littérature (Nouvelle Revue Française) et la première campagne de promotion pour le n° 5 de Coco Chanel ;
- le contexte historique (début du XXe siècle, première guerre mondiale, entre-deux-guerres, années folles, vie mondaine, Montparnasse, Krach boursier de 1929, arrivée au pouvoir de Mussolini, deuxième guerre mondiale, occupation, censure).
Quelques extraits
« La France a changé d'allure, il suffit de regarder les femmes dans la rue. Les privations de la guerre ont aminci les silhouettes, peau blanche, peau brune, les chevilles se dénudent. Le jazz-band et la tango mania ont poussé les valses de Vienne sur le reculoir. Pour un temps. Les femmes, en l'absence des fils et des maris parti au front, ont pris l'habitude, nouvelle, de décider, seules. L'après-guerre s'inscrit dans la recherche et la découverte. […] Le progrès, c'est la liberté […], le Train bleu [...]. » (page 90).
« Pour la première fois dans l'histoire de la littérature, on va vendre des livres comme des savonnettes, des fruits ou des bibelots. L'auteur et son livre sont des produits commerciaux. Il convient donc de battre tambour pour les faire connaître […]. Nous sommes dans les années vingt, cette manière de penser est révolutionnaire. » (page 99).
« En ces années quarante, les beaux salons ne désemplissent pas. Il est de bon ton de s'y montrer en intéressante compagnie [...]. Fréquenter les soirées de l'ambassade d'Allemagne, où l'on croise l'essentiel des gens de théâtre et de cinéma, ce n'est tout de même pas collaborer […]. » (page 181).
Un si joli mensonge est une biographie très intéressante (plus que je ne le pensais) de deux grands noms du monde artistique français du XXe siècle : Cocteau (1889-1963) et Marais (1913-1998), et aussi de tous ceux qui les entouraient. Je me suis rappelée qu'enfant, j'aimais beaucoup Jean Marais (Quel charme ! Quel regard !) dans les films de cape et d'épée : La tour prends garde !, Le comte de Monte-Cristo, Le bossu, Le Capitan, et les films fantastiques : les Fantomas, Joseph Balsamo (feuilleton)... Mais que plus tard, il m'avait impressionnée aussi dans La Belle et la Bête, L'aigle à deux têtes, Les parents terribles, Orphée qui sont des films de Jean Cocteau ! Des films à revoir assurément...