Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
25 juillet 2013 4 25 /07 /juillet /2013 04:32

La vengeance de Baudelaire est un roman de Bob van Laerhoven paru aux éditions Ma dans la collection Pôle Noir en juin 2013 (291 pages, 17,90 €, ISBN 978-2-822-40228-6). De wraak van Baudelaire (2007) est traduit du néerlandais par Marie Hooghe.

 

Je remercie Gilles Paris de m'avoir envoyé cet incroyable roman à suspense.

 

Bob van Laerhoven est né le 8 août 1953 près d'Anvers (Belgique). Il a commencé sa carrière littéraire avec des nouvelles de social-fiction (il déteste le terme de science-fiction) et son premier roman, Nachtspel (Jeu nocturne), est paru en 1985. Dans les années 90 et jusqu'en 2005, il a voyagé en tant que freelance dans de nombreux pays en guerre. Il a écrit des récits de voyage et des documents. La vengeance de Baudelaire est son deuxième roman et a remporté en 2007 le 10e Prix Hercule Poirot du meilleur roman flamand à suspense. Plus d'infos sur http://www.bobvanlaerhoven.be/fr.

 

« La vie et la mort avait appris au commissaire à aimer la poésie et les femmes légères. Pourtant, à cinquante trois ans, Paul Lefèvre aurait été bien en peine de dire s'il prisait plus la poésie, cette émotion abstraite dont les racines se perdent dans l'origine des temps, avant la naissance du langage, ou l'accouplement qui, tel un lézard préhistorique, s'insinue dans le cerveau et mord quand bon lui semble. » (premières phrases du roman, page 5).

Paris, fin août 1870. La France est en guerre et les Prussiens sont aux portes de Paris.

Alors qu'il arrive à la maison close pour y passer une belle soirée, le commissaire Paul Lefèvre entend un cri et découvre dans la chambre d'une prostituée un cadavre. Sur un morceau de papier sont écrits quelques vers de Charles Baudelaire et l'écriture rudement bien imitée ressemble à celle du poète mort trois ans plus tôt et adulé depuis.

« C'était là un trait vraiment typique de la bourgeoisie française que de réchauffer aujourd'hui dans son sein un poète qu'elle avait vomi et persécuté tout au long de sa vie. » (page 6).

La victime est Albert Dacaret, un jeune artiste qui refusait d'être comparé à Baudelaire qu'il méprisait.

Le commissaire Paul Lefèvre va enquêter avec l'inspecteur Bernard Bouveroux, un brave veuf de 50 ans qui aurait voulu être historien et assimile toutes les connaissances encyclopédiques possibles.

Rapidement, il y a une deuxième victime, Granier de Cassagne, un jeune auteur qui revient de Nouméa et veut écrire tout ce qu'il a vu en Nouvelle-Calédonie. Il y a également un papier avec quelques vers de Baudelaire.

Le commissaire pense avoir « affaire à une âme à la dérive, qui ne peut plus communiquer par la parole et doit dès lors remplacer les mots par de la chair humaine. » (page 35) et rend visite à Honfleur (le train entre Paris et Honfleur est tout neuf) à Caroline Archenbaut-Defayis, veuve Aupick, la mère de Charles Baudelaire mais, bien qu'elle soit persuadée de vivre avec une malédiction, elle ne dit rien au policier.

Puis, il y a un troisième meurtre, celui du juge Pinard qui avait condamné Baudelaire il y a treize ans : le cadavre du substitut est au cimetière du Montparnasse... sur la tombe du poète.

« Ah, quelle misérable époque que la nôtre ! » (page 71).

Après avoir lu le journal de Simone Bourbier, une orpheline devenue prostituée, le commissaire Lefèvre commence à comprendre le terrible secret de la famille Baudelaire et ces crimes de vengeance même s'il lui manque la fin du carnet.

 

Paul Lefèvre et Bernard Bouveroux, sont particulièrement intéressants : ils se connaissent depuis une trentaine d'années car ils ont fait leur service militaire ensemble en Algérie, ils sont amis et de bons coéquipiers même si l'un est le supérieur de l'autre. Ils ont chacun leur vécu, leur mode de pensée et sont complémentaires en toute intelligence. Ils entendent la guerre aux portes de la capitale alors que la grande majorité de la population s'en fiche : les pauvres crèvent de faim (ils mangent des rats ou des cadavres humains), les bourgeois industrieux travaillent et les riches s'amusent et participent à des séances satanistes.

« Regardez-moi ça , commissaire, dit Castellani. Quel spectacle vous terrifie le plus ? Un ramassis de pauvres diables mendiant de la viande fraîche sous une pluie battante ou cette noblesse en folie ? » (page 181).

Le Paris de la fin du XIXe siècle est parfaitement décrit et véridique ! Les deux policiers observent le monde des arts et des lettres, les débuts de la photographie, des gazettes et des journaux, l'engouement pour l'exotisme et le spiritisme, l'installation du gaz, les nouvelles idéologies politiques (socialisme, communisme) et religieuses (hindouisme, spiritisme) et, sans être pessimistes quant à l'avenir, ils ne sont pas dupes de l'âme humaine.

 

Voici quelques extraits qui m'ont marquée :

« […] les changements fébriles caractéristiques de leur époque. Paris était un grand chantier. L'antagonisme entre riches et pauvres avaient atteint son point d'ébullition. La moralité publique était un cloaque. L'empereur, une andouille à l'ego démesuré qui préparait une guerre que la France ne pouvait gagner. Pas étonnant dès lors si des gens prêtaient l'oreille aux pédanteries savantes ou s'ils se mettaient à croire au diable . » (page 14).

« L'empire des Lumières ? Bien au contraire : les Français étaient stupides, peureux ou malheureux, généralement les trois à la fois. » (page 25).

« La photographie est un enfant de ce siècle. Elle rend visible l'invisible. » (page 48).

« Paris était au point d'ébullition. Des rébellions risquaient à tout moment d'éclater et la meute se mettrait à piller. » (page 76).

« Depuis quelques années, le commissaire avait l'impression que le progrès technique s'emballait et allait de pair avec le déclin de la civilisation. Les prodiges qui s'étaient banalisés en un court laps de temps déboussolaient les gens qui s'estimaient dès lors au-dessus du bien et du mal. » (page 92).

« Le commissaire soupira : une France qui tirait vanité des cabrioles et des coucheries infantiles de son empereur ne méritait pas d'être la première nation d'Europe. » (page 132).

Je ne sais pas si c'est voulu par l'auteur mais ces choses peuvent se dire encore à notre époque. Malheureusement... (sauf pour la photographie bien sûr !).

 

J'ai tellement été scotchée par ce roman que je l'ai lu d'une traite, la nuit, pourtant je ne suis pas en vacances ! Ce roman policier est ce que j'appelle un roman érudit : ils sont bons, que dis-je ? Ils sont excellents (au niveau policier, historique, social, humain, approche littéraire et artistique) mais peu nombreux. Dernièrement, j'ai lu Les poètes morts n'écrivent pas de romans policiers, de Björn Larsson mais il y a eu aussi Poisson mouillé, de Volker Kutscher, Le faux ami, de Henrik B. Nelsson, Le roman de Bergen - 1900 L'aube, de Gunnar Staalasen et pourquoi pas le plus léger La commissaire n'aime point les vers, de Georges Flipo. Remarquez la relation avec la poésie ou le monde littéraire et l'ancrage dans l'Histoire (plutôt XIXe siècle ou début du XXe).

 

Si vous lisez ce roman, apprêtez-vous à plonger dans les fleurs du mal.

 

J'ai une petite question : à la fin, personne ne se demande ce qui est arrivé à l'inspecteur Bernard Bouveroux ? Alors une deuxième question en fait : Y aura-t-il une suite ?

 

Une lecture pour les challenges Thrillers et polars, Voisins Voisines et Tour du monde en 8 ans (Belgique).

 

Ci-dessous la vidéo officielle de ce roman. Une autre vidéo, celle de l'émission belge Cinquante degrés Nord du 17 juin 2013, disponible sur le site de la RTBF. L'émission entière dure 48'18 mais Bob van Laerhoven qui parle très bien le français est interviewé par Éric Russon en français et parle de La vengeance de Baudelaire, de sa passion pour Flaubert et la littérature française du XIXe siècle. C'est court (moins de 7 minutes) mais c'est intéressant et en plus c'est au début de l'émission !

Partager cet article

Repost0
18 juin 2013 2 18 /06 /juin /2013 04:19

Yellow birds est un roman de Kevin Powers paru aux éditions Stock dans la collection La Cosmopolite en février 2013 (250 pages, 19 €, ISBN 978-2-234-07398-2). The Yellow Birds (2012) est traduit de l'américain par Emmanuelle et Philippe Aronson.

 

Kevin Powers est né le 11 juillet 1980 à Richmond en Virginie (États-Unis). Il s'est engagé à l'âge de 17 ans et a combattu en Irak en 2004-2005.

Le retour au pays a été difficile et Yellow birds, son premier roman, est largement autobiographique.

Yellow birds a reçu plusieurs prix. En 2012, il a été finaliste du National Book Award et il a reçu le Guardian First Book Award et le Flaherty-Dunnan First Novel Prize. En 2013, il a reçu le Hemingway Foundation/PEN Award et le Prix littéraire Le Monde.

 

Un livre sur la guerre ? J'en ai lu, oui, en particulier sur la deuxième guerre mondiale, mais maintenant, c'est rare que j'en lise. Et puis, j'ai vu et entendu Kevin Powers à la Fête du livre de Bron (la présentation et une photo ici + une autre photo et plusieurs vidéos ici) et j'ai su qu'il me fallait lire ce livre ! Je n'ai qu'un regret : l'auteur est parti tôt et je n'ai pas pu avoir de livre dédicacé...

 

« La guerre essaya de nous tuer durant le printemps. L'herbe verdissait les plaines de Ninawa, le temps s'adoucissait, et nous patrouillions à travers les collines qui s'étendaient autour des villes. Nous parcourions les herbes hautes avec une confiance fabriquée de toutes pièces, nous frayant, tels des pionniers, un chemin dans la végétation balayée par le vent. Pendant notre sommeil, la guerre frottait ses milliers de côtes par terre en prière. Lorsque nous poursuivions notre route, malgré l'épuisement, elle gardait ses yeux blancs ouverts dans l'obscurité. Nous mangions, et la guerre jeûnait, se nourrissant de ses propres privations. » (page 13, premières phrases du premier chapitre).

 

Printemps 2004. L'unité de John Bartle, surnommé Bart (21 ans), et de Daniel Murphy, surnommé Murph (18 ans), est à Al Tafar en Irak.

Al Tafar, c'est près du Tigre, ça devrait être beau, mais tout est en ruines, les survivants se sont enfuis dans les montagnes et la guerre a fait des milliers de morts, soldats, hommes, femmes, enfants, et même animaux (je le précise parce que l'auteur observe bien ce qui l'entoure, végétation, oiseaux, animaux domestiques).

« Tu n'es rien, voilà le secret : un uniforme dans une mer de nombres, un nombre dans une mer de poussière. » (pages 22-23).

Beaucoup d'hommes tombent mais la mort n'est pas inhabituelle.

« Murph aura toujours dix-huit ans, et il sera toujours mort. Et je vivrai avec une promesse que je n'ai pas pu tenir ? » (page 42).

L'unité de Bart et de Murph est sous les ordres du Sergent Sterling, un homme sévère mais juste, qui, malgré son jeune âge, a déjà une expérience de l'Irak et qui est respecté et admiré car il a reçu une médaille.

 

Le roman est composé de chapitres se déroulant en Irak, entrecoupés d'autres chapitres racontant des souvenirs puis de la vie après la guerre.

Les souvenirs : les classes militaires, la rencontre avec Murph, l'adieu aux familles avant le départ, la promesse faite malgré lui à LaDonna Murphy, la mère de Daniel alors qu'il n'avait rien promis à sa propre mère.

« John, promets-moi que tu prendras soin de lui. – Bien sûr. […] – Il ne lui arrivera rien, n'est-ce pas ? Promets-moi que tu me le ramèneras à la maison. – Je vous le promets, dis-je. Je vous promets que je vous le ramènerai. » (pages 58-59).

 « J'eus le sentiment de contempler un mensonge. Mais je m'en fichais. Le monde fait de nous tous des menteurs. » (page 60).

Après la guerre, en mars 2005 : le debriefing à Kaiserslautern en Allemagne et le retour en à Richmond en Virginie. Avec la culpabilité. La culpabilité d'avoir tué. Et la culpabilité de ne pas avoir tenu sa promesse.

À Kaiserslautern, le père Bernard dit à Bart : « Les secrets que l'on garde pour soi sont les plus lourds à porter. » (page 70). Et le sergent Sterling, ivre : « Oh, bougonna-t-il, tout le monde s'en fout de Murph. […] Personne ne veut en entendre parler, de tout ça. » (page 81), ce qui ne l'empêchera pas de se mettre une balle dans la tête...

 

Tout au long du récit, l'auteur montre une profonde tendresse, pour ses personnages, les compagnons d'armes, la population d'Al Tafar, et pour ses propres souvenirs. Mais il y a aussi de la lucidité et une grande tristesse.

« Je songeai à la guerre de mon grand-père. Au fait qu'ils avaient des destinations et des buts à l'époque. Nous, le lendemain, nous marcherions sous un soleil qui se lèverait à peine à l'est au-dessus des plaines pour retourner dans cette ville qui avait déjà livré bataille : une lente et sanglante parade automnale qui marquerait le changement de saison. Nous les chasserions. Comme nous l'avions toujours fait. Nous les tuerions. Ils nous tireraient dessus, certains d'entre nous perdraient leurs membres, ils fuiraient en courant à travers les collines et les oueds pour se réfugier dans les ruelles poussiéreuses de leurs villages. Et ils reviendraient, et nous recommencerions depuis le début en les saluant tandis qu'ils s'adosseraient aux lampadaires, se tiendraient sous des auvents verts en buvant du thé devant la devanture de leurs boutiques. Nous patrouillerions dans les rues et lancerions des bonbons aux enfants qu'il nous faudrait combattre quelques années plus tard. » (pages 105-106).

Voici un de mes passages préférés. Il est intense et montre bien la stupidité de la guerre.

 

Une seule année passée là-bas, en Irak, et le retour est si difficile... Beuveries en Allemagne pour oublier, médecins qui ne peuvent pas combler le néant que laisse la guerre. Les rêves et les fantômes qui les habitent, la main qui agit mécaniquement car elle croit encore tenir une arme, le besoin de rentrer chez soi mais de ne pas savoir quoi faire de sa vie et du poids de la guerre... Et puis la culpabilité, encore, parce qu'en tant que soldat, on s'est senti soulagé lorsque le mort était un autre, parce qu'on a porté le poids de promesses impossibles à tenir, parce que ce n'était pas possible de veiller sur quelqu'un d'autre que soi, surtout parce qu'on a tué et qu'on réfléchit au pourquoi de son engagement (on voulait être un homme), parce que tout le monde est fier au pays mais qu'on se sent lâche et assassin. Parce qu'en tant que vétéran, les souvenirs et la tristesse ne partiront pas. Et qu'on ne pense qu'à une chose : avoir une « existence ordinaire » ! Mais « on ne sait jamais si ce que l'on voit ne va pas disparaître pour toujours. » (page 183).

 

Une lecture éprouvante mais agréable (vraiment, c'est très « beau », je pense que vous l'avez vu avec les extraits), salutaire même : bravo à l'auteur qui dit non à la guerre après l'avoir vécue. Il s'en est sorti, il a étudié la littérature, la poésie, et ce premier roman, tout en étant d'une grande sobriété, est puissant et impressionnant. Lisez-le !

 

Une lecture pour les challenges Petit bac 2013 (catégorie Couleur), Premier roman et Tour du monde en 8 ans (États-Unis).

Pas convaincu à 100 % ? Allez lire la note de lecture de Noukette !

« 

Partager cet article

Repost0
13 mai 2013 1 13 /05 /mai /2013 03:23

Les poètes morts n'écrivent pas de romans policiers est un roman policier de Björn Larsson paru aux éditions Grasset en octobre 2012 (491 pages, 22 €, ISBN 978-2-246-78452-4). Döda poeter skriver inte kriminalromaner (2010) est traduit du suédois par Philippe Bouquet en collaboration avec l'auteur.

 

Björn Larsson est né en 1953 à Jönköping en Suède. Il est Maître de conférences en français à l'université de Lund, traducteur (danois, anglais, français), philologue, critique, romancier et navigateur chevronné. En 1995, Le cercle celtique a reçu le prix Corail du meilleur livre maritime et en 1999, Le capitaine et les rêves a reçu le prix Médicis étranger.

 

Karl Petersén, « directeur littéraire de la vénérable maison d'édition Arnefors et Fils », annonce à ses collaborateurs, « les fidèles Sund et Berg », qu'il a réussi à convaincre le célèbre poète, Jan Y Nilsson, à écrire un roman policier. Il a déjà un manuscrit, auquel il ne manque que la fin, « une cinquantaine de pages, tout au plus » et l'engagement définitif. Le contrat doit être signé le lendemain soir sur le bateau de pêche, le Mademoiselle Ti, à Helsingborg, et les droits ont déjà été vendus à une dizaine de confrères étrangers de confiance. « Mais, attention, rien ne doit filtrer avant la publication, qui aura lieu dans plusieurs pays européens simultanément. » (page 13).

En fait, Petersén n'est pas sûr et certain que Jan Y signera le contrat... Il a écrit un excellent roman policier mêlant politique et finances, L'homme qui n'aimait pas les riches, mais il hésite encore... Il a des scrupules, il pense aux critiques, à ses lecteurs... Il faut dire qu'il a décidé de se consacrer à la poésie à l'âge de 16 ans, qu'il a galéré, qu'il a été renié par son père, que sa mère en est morte de chagrin... Mais il reste intransigeant car la poésie est un art qui consiste à « rendre le monde visible » (page 19). Alors « Jan Y Nilsson, auteur de polar ! Cette simple pensée lui donnait des frissons dans le dos. Comment avait-il pu céder aux instances de Petersén ? » (page 23) cependant « Malgré ses réticences envers le roman policier, il avait trouvé son sujet dès le départ, et son cerveau s'était mis bientôt au travail malgré lui. » (page 27). Mais lorsque Petersén arrive le soir du mardi 6 février à bord du bateau, avec une bonne bouteille de Champagne, Jan Y est pendu dans le bureau aménagé, une bouteille de Champagne est entamée sur la table et un verre est brisé sous le corps...

Martin Barck, ancien de la Criminelle, maintenant commissaire de la Police maritime – poète à ses heures perdues : « On ne devenait pas poète parce qu'on avait du succès auprès du public, on l'était de corps, d'esprit et d'âme. » (page 62) – est appelé sur le lieu du crime. Oui, parce qu'il s'agit bien d'un meurtre, et pas d'un suicide comme il l'a pensé au début. « Je ne comprends pas qui a pu avoir l'idée de le tuer. On n'assassine pas les poètes. Ils se suicident. » (page 112).

Les premiers suspectés par le commissaire sont Karl Petersén, Anders Bergsten, le meilleur ami du poète, auteur de romans policiers, Tina Sandell, infirmière de nuit, et « compagne » du poète, et Axel Johnson, docker à la retraite que Jan Y voyait tous les jours près de son bateau.

 

Quelques phrases sur l'édition, la littérature, les écrivains et l'amour

« De toute façon, l'éditeur veillera à ce qu'il rentre dans ses frais. Le danger n'est pas là : c'est plutôt de décevoir les lecteurs ! Publier à grand renfort de publicité des livres qui ne sont pas à la hauteur, c'est saper la confiance du public et, au bout du compte, creuser notre propre tombe. » (Karl Petersén, page 9).

« Le polar ou le fantastique sont aussi respectables que la poésie ou le roman. » (Karl Petersén, page 9).

« […] presque tous les criminels de la littérature policière suédoise avaient connu une enfance difficile, été victimes de mauvais traitement et d'abus sexuels, eu des parents divorcés qui en plus étaient alcooliques ou toxicomanes. Ce n'était sans doute pas un hasard : parfois il semblait que l'écrivain suédois, pour être pris au sérieux, se devait de raconter sa jeunesse malheureuse. Meurtres, traumatismes infantiles, alcoolisme et cuites sous toutes ses formes, le tout pimenté d'une bonne dose d'angoisse, telle était la spécialité de la littérature suédoise. » (Anders Bergsten, pages 39-40).

« La littérature était devenue un produit de consommation, avec date de péremption, comme la viande et les légumes des supermarchés. Même les bibliothèques avaient commencé à faire le ménage sur leurs rayonnages pour privilégier les nouveautés que tout le monde lisait. » (Karl Petersén, page 118).

« Il y avait toujours quelqu'un qui ne faisait pas comme les autres, qui était l'exception à la règle et allait à contre-courant. […] Il fallait entretenir un contact direct avec la réalité, sous un angle nouveau, sans avoir tout rangé selon les clichés habituels. C'était la fidélité absolue à l'expérience personnelle qui était en jeu. » (Jan Y Nilsson, page 157).

« L'amour, se dit-il avant de s'endormir, était un port où on savait qu'on pouvait s'amarrer en toute sécurité, tandis que les déferlantes se ruaient à l'assaut des jetées et que les rafales secouaient le gréement. Ou un alizé, un souffle constant, puissant. Ou un somnifère... sans effets secondaires. » (Martin Barck, page 253).

« […] une maison d'édition sans bons écrivains n'était qu'une coquille vide. » (Karl Petersén, page 385).

 

J'ai craqué sur le titre et la quatrième de couverture m'a convaincue : il me fallait lire ce livre ! Et je n'ai pas été déçue, je l'ai dévoré !

Il y a dans ce roman de nombreuses références sur la littérature, la poésie, la peinture (surtout suédoises et françaises) et même des événements politiques ou historiques mais toutes ces références n'alourdissent pas le récit : je n'ai pas pu lâcher ce roman ! Je l'ai lu d'une traite (une bonne partie de la nuit) et j'ai passé un très agréable – et enrichissant – moment de lecture.

Ce roman, en plus d'être un excellent roman policier un peu atypique, se révèle être une méditation sur la place du poète et du romancier dans la société, une critique du journaliste et une réflexion sur l'utilité du critique littéraire.

J'ai repéré, page 214, un hommage au « commissaire Wallander, de la police d'Ystad » que tous les fans de romans policiers (pas seulement suédois) connaissent.

J'ai aussi repéré, page 364, un clin d'œil à « un manuscrit d'un débutant qu'ils avaient reçu quelques jours plus tôt et qui n'était pas sans qualités, même assez bon. Ce roman, travail de fin d'études à l'école d'écriture de l'université de Lund, se présentait lui aussi comme une sorte de roman policier, mais à caractère historique, et mettait en scène un employé de maison d'édition acceptant à contrecœur, après son départ à la retraite, de corriger un roman d'un écrivain avec lequel il avait collaboré auparavant. Or, le contenu controversé du livre l'entraînait dans toutes sortes de complications et l'exposait à certains dangers. » (page 364). Je l'ai lu ce roman ! Il est excellent ! C'est Le faux ami, de Henrik B. Nilsson (remarquez le nom de l'auteur), un gros coup de cœur de 2010.

Et lorsque le commissaire Barck lit le manuscrit dont il a exigé une photocopie, le lecteur profite du début du roman de Jan Y (pages 225 et suivantes), pas mal le coup du roman dans le roman.

Il y a de très bonnes choses partout dans ce livre et j'aurais pu relever encore d'autres extraits, par exemple le dialogue entre Anders Bergsten (l'auteur de romans policiers) et Martin Barck (le commissaire) page 161. Mais je voudrais que vous connaissiez un peu la poésie qui peuple ce roman.

 

Un poème de Jan Y Nilsson

« Je t'aime

voilà c'est dit.

Mais qu'ai-je dit

en te disant je t'aime ?

J'ai dit je

J'ai dit tu

J'ai dit aime.

Mais le chemin entre les deux

l'ai-je parcouru

avec toi ?

Je t'aime

mais qu'ai-je fait pour ce verbe

trop grand pour moi

comme des habits de fête

qui ne sortent pas le dimanche

des chants

qui raclent au fond de la gorge

des pas qui trébuchent

aux frontières de la danse ?

Je t'aime

et je suis là

le verbe ballant au bout de mes bras

ne sachant plus que faire de mes mains

ni où les mener. »

(pages 176-177).

 

Un autre poème de Jan Y Nilsson (lu à son enterrement)

« Donne-moi des livres

qui finissent bien

à défaut de romans

peut-être des poèmes

à défaut de poèmes

peut-être un quatrain

à défaut d'un quatrain

peut-être un seul vers.

Donne-moi un amour

qui finisse bien

le vôtre s'est échappé

le vôtre a laissé la porte ouverte

à ses fantômes

Tristan et Iseult

Roméo et Juliette

Henri et Yvonne

papa et maman

à jamais réunis

à jamais séparés. »

(pages 268-269, le poème continue sur encore 3 pages).

 

Et je voudrais finir avec « La poésie est capable de tout bouleverser. » (Niklas Schiöler, universitaire à Lund, page 408).

 

Une lecture que je prends un grand plaisir à mettre dans les challenges 1 % de la rentrée littéraire 2012, Thrillers et polars, et surtout Défi scandinave, Tour du monde en 8 ans et Voisins voisines 2013 tous les trois pour la Suède.

 

Partager cet article

Repost0
13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 04:27

TaisToiMeurs.jpgCoupCoeur2012Tais-toi et meurs est un roman d'Alain Mabanckou paru aux éditions La Branche dans la collection Vendredi 13 en septembre 2012 (221 pages, 15 €, ISBN 978-2-35306-055-9).

 

Je remercie Gilles Paris de m'avoir envoyé ce roman et je tiens à m'excuser pour le retard car je l'ai lu à l'automne mais j'ai pris du retard dans la rédaction de mes notes de lecture.

 

Alain Mabanckou est né le 24 février 1966 à Pointe Noire en République du Congo. Auteur de romans, poèmes et essais, il a reçu de nombreux prix et son œuvre a été récompensée par l'Académie française en 2012. Pour la collection Vendredi 13, il se lance ici dans le polar. Plus d'infos sur http://www.alainmabanckou.net/.

 

Julien Makambo est Congolais.

« Dans notre langue du Congo-Brazzaville, le lingala, Makambo signifie « les ennuis ». J'ignore ce qui avait piqué mes parents pour m'attribuer un tel nom […]. » (page 13).

Il est en France depuis 4 ans sous le nom de José Montfort. En fait, il est à Fresnes depuis un an et demi et écrit son histoire dans son journal.

« Ma vie n'est pas une fiction, et mon histoire relève bien de la réalité. » (page 15).

Ce fameux vendredi 13, le jour où il a été arrêté, Julien/José a été le témoin de la défenestration d'une jeune femme.

« Maître, je vous l'ai dit mille fois : moi j'étais en bas, dans la rue, et paf, cette fille est tombée du cinquième étage à quelques mètres de moi ! Je vous jure que je n'étais pas entré dans l'immeuble, et c'est la première fois que je mettais les pieds dans cette rue ! » (page 19).

S'il était dans la rue du Canada, à ce moment-là, c'est parce que Pedro le lui avait demandé... Pedro qui l'avait accueilli à son arrivée en France et qui l'avait pris sous son aile.

« Pedro est pour moi un grand frère. Cela a son poids, en Afrique, où le grand frère a toujours raison. » (page 48).

Sauf, qu'en France, le grand frère a piégé Julien/José...

 

Mes passages préférés

« Comment oublier le premier jour de mon arrivée en France ? L'Europe était là, devant moi. Cet espace qui nous obsédait depuis le pays était enfin une réalité. » (page 52).

« Dans quel monde nous sommes si les Martiniquais commencent à frauder dans le métro comme les Africains, hein ? » (pages 73-74).

« Pour se rendre compte de la généralisation de la crise il n'y avait qu'à voir comment certains bars congolais […] étaient à moitié vides. » (page 151).

 

Génial, Alain Mabanckou ! C'était la première fois que je le lisais ! Eh oui ! Et je peux vous dire que ce n'est pas la dernière ! Bien sûr, je connaissais l'auteur, je l'avais vu dans des émissions (peut-être La grande librairie), j'avais lu des articles et je voyais ses livres en librairie mais je n'avais jamais eu l'occasion d'en lire un seul avant Tais-toi et meurs.

Déjà le titre est attirant, il explique bien la mentalité de Pedro qui a piégé le candide Julien : tu m'as obéi, heureusement, maintenant tu es en prison, alors tais-toi et meurs, et si tu parles quand tu sors, t'es mort. Alors Julien ne parle pas, ou très peu, il écrit ; de toute façon personne ne le croit, il est le coupable idéal.

Tais-toi et meurs est un roman noir, un indicateur de la communauté noire à Paris, les nouveaux arrivants doivent entrer dans le rang et obéir aux règles fixées par ceux qui sont là depuis plus longtemps et qui gèrent tout, de leur arrivée à leur mort. Fringues et pompes en croco, boîtes de nuit, combines, vols... Pas d'échappatoire !

Une pointe de cynisme et une bonne dose de malchance, voici donc l'histoire de Julien Makambo de la tribu des Bembés ! Une histoire que j'ai dévorée avec un immense plaisir car je n'ai pas pu lâcher ce roman pourtant il n'y a pas un suspense insoutenable, juste un homme qui raconte... Mais quelle histoire !

 

 

Une lecture dans les challenges

1 % de la rentrée littéraire 2012,

Le crime n'a pas de frontière,

Thrillers et polars, sans oublier

le Cercle de lecture de Tête de Litote

(histoire du peuple noir en mars)

et Littérature francophone.

ChallengeCrime ThrillersPolars
Rentreelitt2012-1 CercleLecture2013 LittFrancophone

Partager cet article

Repost0
19 février 2013 2 19 /02 /février /2013 05:22

UneEtoile.jpgCoupCoeur2011Une étoile aux cheveux noirs est un roman d'Ahmed Kalouaz paru aux éditions du Rouergue dans la collection La Brune en novembre 2011 (108 pages, 12,80 €, ISBN 978-2-8126-0263-4).

 

Ahmed Kalouaz est né en 1952 à Arzew, près d'Oran, en Algérie. Il est romancier, nouvelliste, poète, dramaturge et auteur pour la jeunesse. Il vit à Villeneuve lès Avignon, dans le Gard.

 

Yamina, née en Algérie en 1927, a débarqué à Marseille en 1952 avec un enfant pour rejoindre son mari. En France, elle a eu d'autres enfants. Ils ont grandi et l'ont quittée, et son mari est mort depuis une vingtaine d'années. Elle habite donc seule au 8e étage dans un appartement à La Mure, près de Grenoble, en Isère.

« L'immeuble où tu as passé plus de 40 ans de ta vie va être rasé, grignoté, haché, par une machine qui mange le béton, le digère, le transforme en poussière. » (page 14).

Subir ça à 84 ans, c'est comme un nouveau déracinement pour elle.

Le narrateur décide donc de rendre visite à sa mère qu'il n'a pas vue depuis plusieurs semaines. Mais il va faire les 1 000 km qui séparent Brignogan, en Bretagne, de La Mure en mobylette !

« J'ai choisi la Motobécane bleue que pilotait mon père pour se rendre à son travail. » (page 9).

C'est la dernière semaine de septembre et il a prévu un voyage de dix jours.

 

Ce roman est remarquable sur plusieurs points. Voici ceux qui m'ont le plus touchée :

Éloge de la lenteur, de la volonté de prendre son temps. « […] il est impossible de suspendre le temps mais je vais tenter de le ralentir, prenant la route à vitesse lente, pour mieux te retrouver, traverser tout un pays, pour rejoindre le tien, là où tes rides sont devenues une certitude, comme un viatique pour la contrée des craintes […]. » (page 8). « À allure douce, je vais y revenir, rentrer chez nous en quelque sorte. » (page 9). « La poésie va lentement aussi, les phrases précieuses se construisent sans s'occuper du temps. » (page 9).

Originalité. Le narrateur s'adresse à sa mère (qui est restée illettrée) comme s'il lui écrivait une longue lettre, en plus très poétique, dans laquelle il raconte à la fois son voyage et les souvenirs de la famille (difficultés d'adaptation à ce nouveau pays, racisme, travail du père, jalousie à la naissance des autres enfants, éducation des enfants pour qu'ils ne tombent pas dans la délinquance, absence de dialogue entre le père et ses enfants...). « Quand tu m'invites à prendre place dans la cuisine près de toi, ces images-là reviennent, avec un peu de buée sur les vitres, un banc de brouillard dans ma mémoire. » (page 76).

Souvenirs et temps présent : les souvenirs qui se bousculent dans la tête du narrateur pendant qu'il roule alternent avec les rencontres du voyage (les gens dans les villages traversés, des pêcheurs, des routiers, un cycliste, des chevaux et un palefrenier, le propriétaire d'un gîte...) et les problèmes mécaniques de la mobylette. J'ai noté qu'à aucun moment, il n'y avait du racisme envers lui, de la surprise au vu de son moyen de transport, de l'intérêt et de la gentillesse, mais pas de racisme et c'est tant mieux.

Tendresse. Bien sûr, le narrateur aime sa mère et lui « parle » avec une grande douceur mais il dit aussi les incompréhensions face à son comportement (refus de déménager dans un appartement neuf et plus confortable) et ses idées (fuite dans la religion). L'auteur écrit avec une grande sensibilité, avec simplicité et humilité aussi, et le récit est vraiment touchant.

Amour du pays. Durant le voyage, le narrateur chante des chansons françaises à tue-tête, il aime son pays, la France, ce pays qui lui a permis d'aller à l'école, de tout apprendre, de pouvoir vivre bien. Il est conscient que ses parents ont souffert de l'exil et qu'ils ont souhaité retourner là-bas mais là-bas, ce n'est plus leur pays et ce n'est pas son pays.

VieillesseChallengeVieillesse. Le narrateur parle aussi très bien de la vieillesse et de la condition de femme seule à cet âge. « La vieillesse est un dépouillement, une dépossession, l'hiver de la vie emporte les dernières illusions, les pommiers en fleurs, les amandiers de ton enfance. » (page 26). « Je ne me doutais pas qu'un jour viendrait le spectacle de la vieillesse à l'œuvre, la démarche qui se fait plus lente, moins assurée, une plus grande fatigue encore sur ton visage, des mots avec moi d'avenir et sans rime. » (page 49). « Ta jeunesse s'en est allée ainsi, de jour en jour, de mois en mois, de paroles tues sous le poids des nuits. » (page 98). Et je vais mettre ce roman dans le challenge Ô vieillesse ennemie.

 

Ma phrase préférée

« Aux arrogants, les pauvres doivent expliquer encore et toujours pourquoi ils sont pauvres, pourquoi il leur manque de l'argent, un soupçon de dignité. » (page 48).

 

J'ai essayé de reconstituer le trajet de l'auteur (merci à Google Maps itinéraire !). Je ne suis pas sûre à 100 % du trajet mais en gros, ça doit être ça. (Cliquez sur la carte).

UneEtoiteItineraire.jpg

 

 DefiCentPages LireContrainte5 LittFrancophone
 PetitBac2013 Je mets ce roman dans les challenges Cent pages, Lire sous la contrainte (couleur), Petit Bac 2013 (catégorie partie du corps humain pour les cheveux, j'aurais aussi pu le mettre dans la catégorie couleur), Littérature francophone, Vivent nos régions (l'auteur décrit très bien l'Isère, la région de Chambaran, le Vercors, tels qu'il s'en rappelle et tels qu'ils sont maintenant). RegionsChallenge2

Partager cet article

Repost0
28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 05:16

Arsene.jpgCoupCoeur2012Arsène est un roman de Juliette Arnaud paru aux éditions Casterman en septembre 2012 (190 pages, 13,50 €, ISBN 978-2-203029941).

 

Je remercie Brigitte et les éditions Casterman de m'avoir envoyé ce premier roman qui est un de mes coups de cœur de cette rentrée littéraire.

 

Juliette Arnaud est née en 1973. Elle est connue dans les mondes du théâtre et du cinéma.

 

« Pour fêter mon entrée en sixième, mes parents m'ont offert des jumelles dans un gros paquet » (page 7, première phrase du roman).

Georges est le narrateur, il a 11 ans et vient d'entrer au collège Jacques Prévert. C'est un événement important mais, étant le plus petit garçon de l'établissement, il est rapidement devenu la risée de tous et n'arrive pas à se faire d'amis.

« Heureusement que je suis le premier de la classe facilement sinon le temps passé au collège aurait vraiment été affreux. » (page 23).

Son point faible, c'est le sport.

Sa seule amie, c'est Lita, la fille de la concierge, qui ne fréquente plus l'école car elle est gravement asthmatique, mais elle est très au courant de tout ce qui est médical.

Son héros, c'est Arsène Wenger, un commentateur de matches de football, fan de Arsenal, alors il aurait préféré un micro « quasi professionnel » pour pouvoir l'imiter.

Avec la paire de jumelles qu'il vient de recevoir, Georges observe les pigeons depuis la fenêtre de sa chambre qui donne sur une cour intérieure. En fait, il n'aime pas vraiment les oiseaux... Mais il a repéré une jeune femme, qui habite en face. Il la surnomme Arsène ! Il va tout faire pour la rencontrer et lui proposer d'être son dog-sitter mais Nadja est énorme (c'est un mâtin de Naples).

« […] ça a été un véritable rodéo : Nadja a fait la promenade qu'elle a voulu, j'ai rien décidé du tout, ni le chemin ni la vitesse ni les arrêts et lorsque je lui ai montré qu'il fallait faire demi-tour, elle a trotté méga vite […] jusqu'à la librairie. » (page 29).

L'adolescent dont les parents rentrent tard le soir et qui est bien seul, se trouve une raison de vivre.

« […] j'ai pensé l'emmener au collège mais un surveillant m'a dit que y avait pas de raison vu que j'étais ni aveugle ni handicapé dans un fauteuil. Et être le plus petit et le premier de sa classe n'est pas compté comme handicap. » (page 33).

 

J'aime beaucoup le décor, ce petit bout de Paris. Le monde de Georges, c'est son immeuble, quelques rues, son collège et la librairie de Monsieur Ali. « J'ai traîné parmi les étagères de livres, ceux des adultes, vu que ceux des enfants je les ai tous lus. […] j'ai avancé en faisant des tout petits pas, mes yeux glissaient sur toutes les couvertures, parfois je m'arrêtais si le dessin était joli ou si le titre était rigolo, en fait c'est ma méthode pour choisir un livre. » (page 51).

Le naturel et la naïveté de Georges m'ont énormément touchée, même si je n'aime pas le foot. Son deuxième héros, c'est sa mamie de Pornic : elle est veuve depuis peu et comme il passe l'été chez elle, le reste de l'année il lui parle au téléphone. Il y a de la tendresse et de la complicité entre eux, c'est émouvant.

Le récit se déroule sur une année scolaire de « septembre, rentrée des classes » aux vacances d'été « fin août-début septembre » et les chapitres sont intitulés selon les vacances (Toussaint, Noël, hiver, printemps, été), le lecteur est donc mis au niveau de l'enfant, à son rythme, à ses préoccupations et c'est très plaisant.

De plus, le récit de Georges est entrecoupé par d'autres récits intitulés « Pendant ce temps-là, dans la tête de Mme Cognet », « Pendant ce temps-là, dans la tête de M. Guédon » et « Pendant ce temps-là, dans la tête de Monsieur Ali ». Madame Cognet est professeur de français et elle aime bien Georges. Monsieur Guédon est professeur de sport et il ne supporte pas que l'adolescent ne soit pas sportif. Monsieur Ali est un vieux monsieur (plus de 60 ans), divorcé, souffrant de solitude (il doit faire un effort pour parler avec les clients) et triste de ne pas voir ses enfants. Trois comportements d'adultes, différents, mais chez tous les trois, il y a de la tendresse, de la compassion. J'ai grandement apprécié leurs petits récits qui apportent du relief à celui de Georges. Madame Cognet m'a émue : « Quel genre d'adulte suis-je avec ma peur du chef, avec mes vieux disques de rock et mes polars pour me donner des frissons ? » (page 71).

Georges va grandir, il va mûrir, en étant confronté aux adultes et à leurs problèmes, pas à ses parents : ils sont là mais tard le soir et ne le comprennent pas vraiment, j'ai l'impression qu'il est trop intelligent pour eux. Georges va comprendre que dans le mal, il y a toujours un bien, et inversement.

 

« Dis-moi, Georges, finalement c'était bien cette année de sixième ?, elle a dit ma mamie. » (page 170).

Cette phrase m'a fait penser à celle de Madame Souza dans Les Triplettes de Belleville qui dit à Champion, son petit-fils : « Il est fini le film ? ».

 

Il est possible de lire une dizaine de pages sur Calaméo.

 

Ce très beau roman entre dans plusieurs challenges : 1 % de la rentrée littéraire 2012, Premier roman, Paris je t'aime (Quartier Saint Germain des Prés il me semble), Animaux du monde (pour Nadja, le Mâtin de Naples), Ô vieillesse ennemie (pour la mamie de Pornic veuve depuis peu), Cartable et tableau noir (pour l'entrée au collège et toute l'année scolaire), Jeunesse & young adults # 2 et ABC critiques 2012-2013 (lettre A).

Rentreelitt2012-1 PremierRoman1 ParisJet'aime ChallengeAnimaux
VieillesseChallenge Cartable-et-tableau-noir Jeunesse2012-13 ABC2012-2013

 

Partager cet article

Repost0
12 novembre 2012 1 12 /11 /novembre /2012 15:06
LC.png Tadam, roulements de tambour, voici ma première LC ! Je me suis d'ailleurs fait un petit logo à partir d'une image amusante. Lecture commune organisée par Sandrine. En même temps, ce n'était pas trop difficile car, avec le partenariat Price Minister (merci à Oliver et à Price Minister !), nous étions plusieurs à avoir reçu ce gros roman et à le lire ensemble ! Price Minister demande une note, ce sera 18/20. PriceMinister2012-1

 

UnePlaceCoupCoeur2012Une place à prendre est un roman de J.K. Rowling  paru en septembre 2012 aux éditions Grasset dans la collection Littérature étrangère (680 pages, 24 €, ISBN 978-2-246-80263-1). The casual vacancy (2012) est traduit de l'anglais par Pierre Demarty.

C'est tellement une « grosse » parution que l'éditeur a créé un site dédié : http://une-place-a-prendre.fr/.

 

J.K. Rowling est née le 31 juillet 1965 à Yate (Gloucestershire, Angleterre). Pas besoin d'en dire plus, tout le monde connaît la « maman » de Harry Potter !

 

Une fois n'est pas coutume, que nous dit l'éditeur sur la 4e de couverture ?

« Bienvenue à Pagford, petite bourgade en apparence idyllique. Un notable meurt. Sa place est à prendre...

Comédie de mœurs, tragédie teintée d'humour noir, satire féroce de nos hypocrisies sociales et intimes, ce premier roman pour adultes révèle sous un jour inattendu un écrivain prodige. »

Et c'est tout ! Et c'est tant mieux !

Et je suis bien embêtée de vous en dire plus car mieux vaut ne pas dévoiler des détails ou des choses importantes que le lecteur apprend durant sa lecture !

 

Pagford, quelle charmante bourgade au sud-ouest de l'Angleterre ! Profitez-en pour lire la description sur Le mardi sur son 31 # 32.

 

Pour leurs 19 ans de mariage, Barry Fairbrother invite son épouse, Mary, à dîner au restaurant du golf. Mais Mary est en colère car son époux à passer la journée à écrire un article pour la Gazette de Yarvil sur Krystal Weedon, une adolescente de 16 ans qui vit avec sa mère dans le quartier pauvre des Champs. À peine sorti de voiture, Barry tombe terrassé sur le parking. Samantha et Miles Mollison, des amis attablés au restaurant, accompagnent Mary à l'hôpital et y retrouvent une autre amie, Ruth Price, infirmière. Mais c'est trop tard. Anévrisme.

Le lendemain, tout le monde connaît la nouvelle, Barry étant au Conseil paroissial de Pagford, et tous ceux qui ont vu quelque chose, ou pas, racontent l'événement avec force détails.

« Bah merde alors […]. Il avait quoi, quarante ans ? » (page 23).

Certains qui haïssaient le notable savourent la nouvelle, d'autres sont sidérés. Mais en tout cas, une chose est sûre : il y a une place à prendre !

« Une vacance fortuite […]. C'est comme ça qu'on dit quand un siège se libère au Conseil suite à un décès. C'est le terme légal. » (page 54).

« […] tous deux se représentaient cette place à prendre non pas comme un espace vide, mais plutôt comme un chapeau de magicien, regorgeant de possibilités. » (page 59). Je précise que c'est la seule fois où le mois magicien apparaît et qu'il n'y a pas de magie dans ce roman !

 

De nombreuses personnes vivent à Pagford et l'auteur va présenter peu à peu les familles, adultes et enfants, notables, professeurs, commerçants... Tout cela m'a un peu fait penser à Twin Peaks. Je ne dis pas qu'Une place à prendre ressemble à Twin Peaks, non, il y a ni enquête policière  ni fantastique. C'est dans la façon dont les personnages arrivent les uns après les autres, comment ils sont présentés au niveau social et ce qu'ils sont réellement, leurs relations bonnes ou mauvaises, sincères ou hypocrites, et l'implication des uns et des autres dans la vie de leur ville et... dans les commérages !

J.K. Rowling réussit l'exploit de caser presque tous les faits de société dans un seul roman, et tout est plausible et fluide : les relations parents-enfants, les conflits entre les adultes, les problèmes de couple, la sexualité, les hommes violents (*) tant au niveau physique que psychologique, la richesse et la pauvreté, l'amour et l'amitié, les adolescents, la délinquance, l'alcool, la drogue, les cas sociaux et l'argent dépensé (inutilement pensent certains) pour les aider, le racisme (la famille Jawanda, originaire de l'Inde, des Sikhs non pratiquants), l'homosexualité (Patricia qui a fui à Londres) et la haine générée par certains (la famille même parfois),  la réussite qui rend si fière la famille, etc. En plus, le récit est vraiment ancré dans le monde moderne, messages sur le forum du Conseil, Facebook...

 

(*) Le pompon revient à Simon Price  avec son « air brutal et dément » (page 194) qui est vraiment horrible avec son épouse, Ruth, et leurs deux fils, Andrew et Paul ! Le suivent de près Gavin Hugues odieux avec Kay Bawden (elle est un peu stupide et naïve aussi...) et Obbo qui pourvoit Terry Weedon en drogue même quand elle veut décrocher.

 

Il y a encore plusieurs personnes mais je ne peux parler de tous, à vous de les découvrir. Voici quand même quelques extraits pour vous faire une idée plus précise du ton du roman.

« Ouais, dit Fats. Baiser et mourir. C'est ça, non ? Baiser et mourir. C'est ça, la vie. » (page 247).

« Aucune considération pour sa veuve, sa famille. Tout ce qui compte pour eux, c'est de gagner, et ils sont prêts à sacrifier tout le reste ! » (page 384).

« Aucun d'entre eux n'était Barry. Il était l'incarnation vivante de ce qu'ils proposaient en théorie : l'arrachement à la pauvreté et l'accès à la richesse par le biais de l'éducation ; le rejet d'une vie placée sous le signe de l'impuissance et de la dépendance au profit d'une existence tout entière vouée au bien-être de la société. » (page 510).

 

J'ai appris deux mots ! Immarcescible page 404 (qui ne peut se flétrir) et volapük page 537 (langue construite comme l'espéranto).

 

Un petit détail : page 541 à la 2e ligne du chapitre 10, que signifie « Parminder quitta le Vieux Presbytère etonta Church Row pour aller [...] » ? Peut-être « et remonta » ?

 

Une place à prendre est une excellente comédie de mœurs qui m'a scotchée du début à la fin, et malheureusement le drame n'est jamais loin... J.K. Rowling garde son écriture ample et fluide, mais elle a su la rendre plus mature, plus aboutie, et j'applaudis. Vivement le prochain roman !

 

 

Ce roman entre dans les challenges 1 % de la rentrée littéraire 2012, ABC critiques 2012-2013 (lettre R) et God save the livre, Voisins voisines 2012 et Tour du monde en 8 ans, tous les trois pour l'Angleterre. Rentreelitt2012-1 ABC2012-2013
GodSaveLivre VoisinsVoisines2012 TourMonde8ans

 

Partager cet article

Repost0
11 octobre 2012 4 11 /10 /octobre /2012 04:21

Chapardeuse.jpgCoupCoeur2012Chapardeuse  est un roman de Rebecca Makkai  paru aux éditions Gallimard dans la collection Du monde entier le 22 août 2012 (368 pages, 21 €, ISBN 978-2-07-013220-1). The Borrower (2011) est traduit de l'américain par Samuel Todd.

 

J'ai reçu Chapardeuse dans le cadre de l'opération On vous lit tout ! organisée par Libfly et la librairie Le Furet du Nord. Comme pour La table des autres, de Michael Ondaatje, je suis très en retard puisque ma note de lecture aurait dû être publiée avant le 4 juillet sur le blog et durant la deuxième semaine d'août sur Libfly, honte sur moi...

 

Rebecca Makkai est auteur de nouvelles et de ce roman. Elle vit à Chicago. Plus d'infos sur http://rebeccamakkai.com/ (en anglais).

 

Hannibal, une petite ville du Missouri.

Lucy Hull, 26 ans, célibataire, travaille comme bibliothécaire dans la section enfants.

« J'étais sortie de la fac quatre ans plus tôt, j'avais recommencé à me ronger les ongles. Je comptais en tout et pour tout deux amis adultes. Je vivais seule dans un appartement à deux patelins de là. Une demoiselle bibliothécaire dans sa plus simple expression. » (page 19).

Mais pour mieux cerner le personnage de Lucy, il est important de lire :

« Choses héritées de mon père : […] Une profonde culpabilité russe.

Choses héritées de ma mère : La culpabilité juive américaine, éternelle. » (pages 19-20).

 

Lucy a repéré un enfant de 10 ans qui vient régulièrement et qui lit beaucoup, Ian Drake. Mais ses parents sont des chrétiens fondamentalistes et la mère de Ian fournit à Lucy une liste de livres interdits comme ceux parlant de magie ou de sorcellerie, d'armes, de l'évolution, etc.

« En fait, en tant que bibliothèque publique , nous ne censurons rien. C'est notre boulot de rendre tout accessible. Même si les parents peuvent évidemment choisir pour leur enfant. » (page 22).

 

OnVousLit.jpegMais il n'y a pas que ça... Les parents de Ian pensent que leur fils est « sur la mauvaise pente », c'est-à-dire « sexuellement désorienté ». Le week-end ils l'envoient donc dans un établissement où un pasteur remet la jeunesse dans le droit chemin. Si Ian est désorienté, c'est plutôt par le comportement de ses parents et ce qu'ils lui font subir.

« J'avais toujours essayé d'être évasive, la bibliothécaire amicale et neutre – une espèce de thérapeute qui écoute en hochant la tête. Dans le cas présent, je ne pus m'empêcher de prendre parti. 'Ian, ça n'est vraiment pas juste, dis-je. Je pense que c'est très injuste.' » (page 92).

 

Un jour Ian fugue, il passe la nuit dans la bibliothèque et le lendemain matin embarque Lucy dans un road movie (un « road book » en fait !) avec la rencontre des parents Hulkinov (le véritable nom russe de Lucy) et la traversée de plusieurs États jusqu'au Vermont près de la frontière canadienne !

Durant ce périple, Ian et Lucy, toujours dans la crainte d'être arrêtés par la police, vont apprendre à se faire confiance, s'interroger, s'entraider dans la recherche de leur identité profonde et découvrir le discernement dont ils ont besoin pour affronter leurs histoires familiales : les idées de ses parents pour Ian, le passé soviétique de son père pour Lucy.

« Nous vivons dans une nation de fugitifs. Tous ses habitants viennent d'ailleurs. Même les Indiens, ils ont un jour traversé le pont terrestre de l'Alaska. […]. » (page 220).

 

Vous comprenez mieux maintenant le titre : Chapardeuse quoique le titre original signifie plutôt « emprunteur ». Mais ne soyez pas choqués car cette histoire n'est pas le récit d'un kidnapping ! D'ailleurs vous serez sûrement surpris par les tenants et les aboutissants.

 

J'ai adoré la blague russe du père de Lucy, je me la note pour ne pas l'oublier ! « Qu'est-ce qu'un Russe ? Un nihiliste. Qu'est-ce que deux Russes ? Une partie d'échecs. Qu'est-ce que trois Russes ? Une révolution. » (page 29). Excellent !

 

Il y a de nombreuses références à la littérature et d'intéressantes réflexions sur la bibliothécaire. En voici une entre autres. « Comme c'est étrange, cette profession systématiquement associée à la solitude, à la virginité et au désespoir féminin. La bibliothécaire, avec son pull à col roulé, qui n'a jamais quitté sa ville natale. Assise à son bureau, elle rêve du grand amour. » (page 76).

 

Mais bien sûr Rebecca Makkai ne parle pas que d'enfance et de bibliothèque : elle révèle la société américaine et son conformisme, les mensonges sur lesquels ses habitants (des fugitifs) ont créé leur nouvelle vie, la peur de l'Autre c'est-à-dire de celui qui ne fait pas ce qu'on voudrait qu'il fasse et qui ne vit pas comme on voudrait qu'il vive. Mais peut-on diriger la vie de l'Autre, peut-on décider pour l'Autre ? Je pense que vous connaissez tous la réponse à ces questions !

 

Chapardeuse est enfin un coup de cœur de cette rentrée littéraire dans laquelle j'ai eu bien du mal à entrer cette année ! En plus, c'est un premier roman alors chapeau, madame Makkai !

 

Un roman pour les challenges 50 États, 50 billets (je n'avais pas encore le Missouri !), Premier roman, 1 % de la rentrée littéraire 2012, ABC critiques 2012-2013 (lettre M), Le tour du monde en 8 ans (États-Unis) et Le tour des genres en 365 jours (contemporain).

50etats50billets PremierRoman1 Rentreelitt2012-1
ABC2012-2013 TourMonde8ans TourGenres

Partager cet article

Repost0
3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 04:32

PenelopeGreen3.jpgL'éventail de Madame Li est le tome 3 de Penelope Green, de Béatrice Bottet. Il est paru aux éditions Casterman en septembre 2012 (307 pages, 15 €, ISBN 978-2-203-04846-1).

 

Je remercie Brigitte et les éditions Casterman qui m'ont envoyé ce tome 3 : il se déroule en Chine, j'adore !

 

Plus d'infos sur Béatrice Bottet sur mes précédentes notes de lecture : La belle qui porte malheur (Rose-Aimée, 1) et Le marin perdu dans la brume (Rose-Aimée, 2), Le grimoire maléfique, La chanson des enfants perdus (Penelope Green, 1) et L'affaire Bluewaters (Penelope Green, 2).

 

Après avoir passé l'été en Amérique (voir tome 2), Penelope Green s'ennuie à Londres malgré la présence de Mrs Black (elle n'aime plus sa cuisine anglaise) et de son nouveau chat noir, Mystère. Son patron au Early Morning News, Mr Grayson, ne l'a pas contactée dernièrement et Cyprien Bonaventure a repris la mer depuis des semaines... En ce début de décembre, ça va faire un an que son père est mort (voir tome 1) et Penelope est au 36e dessous. C'est alors qu'elle reçoit un paquet de Cyprien : dans une boîte laquée, un magnifique éventail chinois qui paraît ancien, et une lettre dans laquelle le jeune homme lui demande de le rejoindre à bord de l'Oiseau de paradis. Parfait !

Selon le professeur Egerton, sinologue, l'éventail daterait du XVIe ou XVIIe siècle et appartenait à Madame Wei Li, une dame riche.

« Je pensais que les Chinois étaient à la fois redoutés et méprisés. – Oui, ils le sont, énonça Egerton. Et c'est bien dommage, car leur civilisation est bien plus ancienne et plus raffinée que la nôtre. Nous n'avons pas de quoi, nous ici en Europe, nous hausser du col. » (page 25).

Penelope déjoue les plans de son patron qui veut l'envoyer en Écosse pour la protéger d'un malfrat et traverse la France jusqu'à Marseille. Mais ayant raté l'Oiseau de paradis, elle embarque sur le Carcassonne, et y étudie les bases du chinois grâce au Révérend Oxam qui se rend à Shanghai. Le voyage est long... Enfin à Bombay, elle embarque sur l'Oiseau de paradis et retrouve Cyprien qui lui raconte tout ce qu'il sait sur le négociant anglais, Howell, et les huit hommes qu'il a embauchés pour son trafic de... Bibles ?

À Shanghai, Penelope et Cyprien se font conduire à l'hôtel Althéa, dans la concession anglaise.

« Il était, comme tous les coolies du port, vêtu de pauvres haillons de coton, pieds nus. Il avait une silhouette maigre, les yeux creux, des marques rouges sur les mollets, infligées par les Européens impatients. Sa natte dansait sur son dos tandis qu'il courait par les rues comme s'il avait le diable aux trousses. » (page 109).

Penelope est contactée par Monsieur Wang Fei pour faire la conversation en anglais à ses filles et nièces car leur préceptrice est rentrée en Angleterre. « Le printemps commence, les arbres vont fleurir, la jeune végétation se déployer, Suzhou est magnifique aux jours rallongeants. Je suis sûre que vous serez enlevée. » (Monsieur Wang, page 115). Penelope et Cyprien se rendent donc à Suzhou. « Cette proposition... Ces jeunes filles qui apprenaient l'anglais... Ce riche monsieur qui la sollicitait sans la connaître le moins du monde... Cela avait-il la moindre signification ? Était-ce un piège ? Mais pourquoi ? Qui la connaissait ici ? Qui l'aurait piégée ? » (page 119).

 

Un 3e tome à la hauteur des deux premiers avec du mystère, du danger, des découvertes, de l'action sans oublier la très belle couverture.

De l'incompréhension entre deux peuples qui doivent cohabiter. « Décidément, l'Angleterre devait être un pays bien étrange, avec ses soldats si grossiers, ses commerçants toujours un peu louches, sa musique insupportable et inaudible, ses habitudes si discourtoises, et maintenant ses jeunes filles si désinvoltes. » (page 192).

Comme Penelope s'attache à la condition des femmes, ce roman nous parle du bandage des pieds des fillettes : « une horreur magnifique […] horrible comme une mutilation, et en même temps le signe éclatant d'un extrême raffinement, le point final à un genre de vie d'une délicatesse infinie » (page 210).

Et aussi des Hans et des Mandchous : « Les troupes d'invasion ne respectèrent ni le gouvernement impérial Wei, ni sa famille, ni son palais. » (page 248) au XVIIe siècle, des fantômes de la famille Wei dans les ruines du palais de Ningshan (une pointe d'inexpliqué).

Et encore des Boxers et d'une Chine devenue archaïque, habitée par des Chinois résignés, et gouvernée par un pouvoir dépassé et incompétent ne se souciant pas de la corruption et des inégalités (passage très intéressant page 239), donc d'une révolte qui gronde.

Bref un excellent roman d'histoire et d'aventure !  Encore un coup de cœur pour moi !

 

Un roman parfait pour le challenge Lire sous la contrainte avec comme contrainte pour octobre : prénom, puisqu'il y a deux prénoms dans le titre : celui de l'héroïne, Penelope, et celui de Madame Wei, Li (Wei est le nom de famille et Li est le prénom). Et pour les autres challenges : La Belle Époque (le roman se déroule dans les années 188.), Le crime n'a pas de frontière, Dragon 2012, ABC critiques 2012-2013 (lettre B), Le tour des genres en 365 jours (YA), 1 % de la rentrée littéraire 2012 et le tout nouveau Jeunesse et young adults # 2.

 

LireContrainte2 ChallengeBelleEpoque ChallengeCrime ChallengeDragonFeu
ABC2012-2013 TourGenres Rentreelitt2012-1 Jeunesse2012-13

Partager cet article

Repost0
15 août 2012 3 15 /08 /août /2012 04:23

Kosaburo1945.jpgCoupCoeur2011Kosaburo, 1945 est un roman de Nicole Roland paru aux éditions Actes Sud dans la collection Un endroit où aller en février 2011 (138 pages, 16,30 €, ISBN 978-2742794829).

 

Nicole Roland est professeur de lettres dans un lycée à Namur (Belgique). Kosaburo, 1945 est son premier roman.

 

Le narrateur est Kosaburo. Il aurait voulu être peintre, ou poète, ou calligraphe, mais c'est la guerre. Il a donc quitté l'université et se prépare à se battre, pour l'empereur, pour sa famille, pour son pays.

Mitsuko est son amie d'enfance, c'est aussi la femme qu'il aime en secret.

« Et la guerre venait de déchirer sans bruit la page qu'ils auraient pu écrire. » (page 4).

Il prépare un cadeau, un « livre de l'oreiller » : un petit coffret en bois laqué contenant des poèmes, des dessins que les amoureux s'offrent traditionnellement.

« Mais ils en étaient là : la guerre fracassait tous les rêves. » (page 6).

Mitsuko a un jeune frère, Akira qui étudie la littérature française. L'adolescent ayant fuit dans un monastère, c'est le déshonneur pour sa famille.

À partir de ce moment, Mitsuko devient la narratrice : elle prend la place de son frère. Elle apprend les préceptes des samouraïs, s'entraîne avec Kosaburo et va devenir pilote d'élite.

Car, tels les typhons qui s'étaient déchaînés en 1281, empêchant par deux fois l'invasion du Japon par les Mongols, les jeunes pilotes devaient être les « vents divins » (kamikaze) et repousser l'ennemi.

« Des noms sur une liste, voilà ce que nous étions. Et c'était mieux ainsi. » (page 92).

En plus de l'entraînement très difficile, Mitsuko a bien sûr peur d'être découverte mais elle est prête à aller jusqu'au bout et à se sacrifier même si tout cela lui semble vain.

« Nous étions tombés bien bas, si les meilleurs pilotes étaient sacrifiés. Il n'y avait plus d'espoir. » (pages 112-113).

 

C'est après avoir vu la photo – datant de 1945 – du visage d'un pilote japonais dans un journal que Nicole Roland a voulu écrire ce roman. « […] des traits fins, un regard fixe et la désinvolture des lunettes relevées sur le bonnet d'aviateur. Autour de son cou, une écharpe de soie blanche se déployait dans le vent. » (page 2).

Endoctrinement, exaltation, loyauté, bravoure, honneur, soumission patriotique sont des notions très présentes dans ce récit. Mais ce qui est vrai pour la nation japonaise – les « valeureux guerriers » qui se sacrifient sont les « boucliers » de la nation – est vrai pour toutes les nations qui durant les guerres envoient leurs soldats combattre pour « protéger » le pays, les civils et les dirigeants.

La tension est grandissante avec l'entraînement, les premiers combats, les premiers avions ennemis abattus, et enfin les sacrifices, mais il y a une telle tranquillité, presque de la douceur dans les phrases de Nicole Roland.

Le récit est agréable, bien documenté, et entrecoupé de beaux poèmes, d'extraits du Dit du Genji ou du Bushido. Et un point important : l'auteur ne porte pas de jugement, j'ai l'impression qu'elle aime ses personnages, en particulier Kosaburo et Mitsuko.

Ils avaient vingt ans et ils sont morts... Pour qui, pour quoi... « Nous avions vingt ans, nous avions mille ans et sur notre cœur palpitait l'éclat d'une armure invisible. » (page 35).

J'ai été surprise par la fin, ainsi ce roman est un roman-tombeau...

Nicole Roland, une romancière à suivre.

 

SurPagesJaponAout Une lecture pour les challenges Dragon 2012 et Sur les pages du Japon (thème libre en août), pour les défis Premier roman et Cent pages et, comme l'auteur est Belge, pour le challenge Voisins Voisines aussi.


J'en profite pour remercier Alphalire car j'ai lu ce roman en ligne (vous pouvez faire de même en vous inscrivant, c'est gratuit et il y a 12 premiers romans à lire). ChallengeDragonFeu PremierRoman1
DefiCentPages VoisinsVoisines2012 ClubLN

Partager cet article

Repost0

Coccinelle Présente...

  • : La culture se partage
  • La culture se partage
  • : « On ne doit jamais manquer de répéter à tout le monde les belles choses qu'on a lues » Sei Shônagon in « Notes de Chevet ». Lues, mais aussi aimées, vues, entendues, etc.
  • Contact

Mes challenges

 

 

 

height="188"

 

height="200"

 

Recherche

Blog+

     

 

     

 

     

 

  bonial – catalogues, promos en ligne sans papier

 

 

TBACorange.gif

 

 

SpiralGraphics.jpg

Archives

Présente sur

Edwyn, Faiel & Cie

EdwynAV1 FaielAV1bis

 

Les défis et challenges

La page du challenge Des contes à rendre

Les partenaires
Mon profil sur Babelio.com
LivraddictLogo2.png
Matagot.jpeg
ClubLibfly.jpg
EntreeLivreLogo.png
VendrediLecture.

Où êtes-vous ?

Locations of visitors to this page

 


Tops blogs ebuzzing

Ebuzzing - Top des blogs
Ebuzzing - Top des blogs - Culture
Ebuzzing - Top des blogs - Littérature
PageRank Actuel
.
Créer un blog gratuit sur overblog.com - Contact - CGU -