Pietra viva est un roman de Léonor de Récondo paru aux éditions Sabine Wespieser en août 2013 (228 pages, 20 €, ISBN 978-2-84805-152-9).
Je remercie Oliver et Price Minister pour ce 4e partenariat de la rentrée littéraire. Une note est demandée alors je donne 19/20.
Léonor de Récondo est née en 1976. Elle est violoniste (classique et baroque). Du même auteur : La grâce du cyprès blanc (Le temps qu'il fait, octobre 2010) et Rêves oubliés (Sabine Wespieser, janvier 2012).
Rome. Fin mars 1505.
Ce matin, Michelangelo Buonarroti, 30 ans, apprend qu'un moine est mort et que le père supérieur l'autorise à ouvrir le corps. « Andrea voudra rester pour voir ce qui demeure à l'intérieur du corps quand l'âme s'en est allée. » (page 12). Mais le corps est celui d'Andrea, jeune moine qui fascinait Michelangelo : Andrea, jeune, beau, fort, au regard « bleu sans peur » était « la beauté à l'état pur. La perfection des traits, l'harmonie des muscles et des os. » (page 15).
Michelangelo est bouleversé, il fuit Rome et se rend à Carrare où il achètera du marbre pour le pape Jules II qui lui a commandé un tombeau. « Là-bas, il oubliera. Il en est presque sûr. » (page 17). Mais Michelangelo n'oublie pas, il écrit des lettres à frère Guido qui ne répond pas à sa question : comment est mort frère Andrea ? Il est tant obsédé par le jeune moine qu'il le voit dans les rues du village... « Andrea, tu es la beauté que je ne saurai jamais atteindre avec mon ciseau. Tu es la preuve ultime de la supériorité de la nature sur mon art. Te voir me rappelle mon inutilité. » (page 98).
Quant à la carrière de Carrare, Michelangelo la connaît bien : ayant perdu sa mère enfant, il y allait avec sa nourrice qui rejoignait son époux. « Il allait voir les uns et les autres. Chacun lui montrait, lui expliquait ce qu'il faisait. […] À force de côtoyer leurs rires et la montagne, la fièvre de la pierre était entrée en lui et ne l'avait plus quitté. » (page 60). « […] en apprenant à maîtriser la pierre, il apprendrait à maîtriser le monde […] Et quand, la tête la première, il plongea dans son magma intérieur, il s'aperçut que sa chair était faite de pierre vive. De pietra viva. » (page 61).
Le soir, à la pension de Maria où il loge, Michelangelo lit Pétrarque que lui a offert son ami Lorenzo de Medici, mais il n'ose ouvrir la petite Bible que lui a laissée Andrea.
Ce roman est l'occasion de découvrir, en ce tout début de XVIe siècle, la vie de Michelangelo, ses pensées (il est tourmenté et assez égoïste), son Art (il est un génie et il le sait !), et aussi les carrières de Carrare, le difficile travail du marbre, les montagnes toscanes et ses habitants.
J'aime bien Cavallino qui s'occupe du cheval de Michelangelo et qui se prend pour un cheval. J'ai été émue par Michele, 6 ans, le plus jeune fils de Giovanni (un carrier) qui vient de perdre sa maman et se rapproche de Michelangelo qui parfois le repousse mais qui va retrouver grâce à lui des souvenirs d'enfance.
D'un côté, il y a le mental et la vie artistique du sculpteur, d'un autre côté, il y a la vie manuelle et dangereuse des carriers mais les deux sont liés et ils ne sont rien l'un sans l'autre.
Michelangelo aime la beauté, il l'admire, il s'en inspire, il en vit. « Le sculpteur se sent, à cet instant, entièrement libre. Et lorsqu'il se retourne vers la montagne qui, à quelques lieues de là, embrasse le paysage, une joie insoupçonnée éclate en lui. La beauté miraculeuse de la nature alentour lui signifie que tout est possible, qu'en créant, il devient maître de lui-même et de sa force. » (page 78). C'est pour des passages comme celui-ci que j'ai vraiment beaucoup apprécié ce récit (que d'autres ont malheureusement trouvé ennuyeux) plein de beauté, de grâce et de simplicité.
Encore un roman de cette rentrée littéraire pour lequel j'ai un coup de cœur : la période et le thème y sont pour quelque chose bien sûr, mais c'est surtout l'écriture fine de Léonor de Récondo, l'ambiance poétique (presque lyrique) qu'elle insuffle dans ses courts chapitres (pas envie de s'arrêter, envie d'en lire un autre, toujours) et l'émotion qui se dégage du récit qui m'ont totalement charmée.
Dans ce roman, il y a un échange de lettres entre Michelangelo et Frère Guido et je voulais partager cet extrait pour le challenge En toutes lettres : « Soudain, la lecture d'une fragile lettre, quelques mots sur du papier, a immobilisé le temps. » (page 71). |
Une lecture pour les challenges 1 % de la rentrée littéraire 2013, L'art dans tous ses états (sculpture), Bookineurs en couleurs (la couverture est jaune pâle) et bien sûr Il viaggio (Italie).
PS du 19 décembre 2013 : L'article avec le bilan de ce partenariat et les classements des livres par popularité et par satisfaction est sur le site de PriceMinister et je suis très contente pour Pietra viva !
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