La cithare nue est un roman de Shan Sa paru aux éditions Albin Michel en juin 2010 (326 pages, 20 €, ISBN 978-2-226-20844-6).
Je remercie Gilles Paris de m'avoir envoyé ce beau roman. Dommage qu'il ne fasse pas partie de la rentrée littéraire de cet automne 2010...
Née Yan Ni le 26 octobre 1972 à Beijing (Chine), Shan Sa 山飒 est poète et romancière. Elle vit en France depuis la rentrée 1990 : elle a étudié la philosophie à Paris.
Poésie publiée en Chine : Les poèmes de Yan Ni (1983), Libellule rouge (1988), Neige (1989).
Nouvelles publiées en Chine : Que le printemps revienne (1990).
Romans publiés en France : Porte de la Paix Céleste (1997, Prix Goncourt du premier roman 1997, Prix littéraire de la vocations 1998), Les quatre vies du saule (1999, Prix Cazes 1999), La joueuse de go (2001, Prix Goncourt des lycéens 2001), Impératrice (2003, Prix des lecteurs du Livre de Poche 2005), Les conspirateurs (2005), Alexandre et Alestria (2006), Les fleurs de la pensée chinoise : Les fleurs antiques, tome 1 (2009).
Poésie publiée en France : Le vent vif et le glaive rapide (2000), Le miroir du calligraphe (avec peintures, 2002).
Plus d'infos sur le site officiel de Shan Sa, en anglais...
Je me rappelle avoir beaucoup aimé La joueuse de go à sa parution et je me lance donc avec plaisir dans la lecture de La cithare nue.
An 400, sous la dynastie Jin de l'Est.
La jeune fille a 16 ans, elle est une descendante d'un clan de nobles de la Plaine du Milieu, les Hautes Portes. Sa famille l'a fiancée à un petit-fils Wang, mais, lors d'une guerre, elle est enlevée par Liu, un militaire d'origine paysanne.
Enceinte, elle fuit la guerre dans un chariot comme une misérable, avec pour seul héritage une cithare à sept cordes. La cithare de Dame Cai Yan. « Sur une table basse, elle découvrit une cithare en forme de feuille de bananier au corps de laque noir-pourpre craquelée. » (page 27).
« La guerre a dévoré son héritage, son passé. En échange, elle lui a donné un homme et un enfant. » (page 115).
Jeune Mère en mettant au monde sa fille Huiyuang, puis Mère avec son fils Yifu dans la ville de Jing Ko près du fleuve Yangzi, elle va devenir l'Impératrice, puis la nonne bouddhiste Pureté de Vacuité.
An 581, dynastie Chen.
Orphelin, Shen Feng est l'apprenti d'un vieux maître luthier originaire du Nord (Xianbei) qui lui a aussi enseigné les arts martiaux. Ils vivent pauvrement dans une petite maison sur une colline qui surplombe la ville de Jing Ko. « Les gens mal nés comme toi et moi ne seront jamais riches. Ce n'est pas la peine d'en rêver. Si on veut être riche, on souffrira d'autant plus d'être pauvre. » (page 61).
Se laissant influencer par son ami Zhu Bao, Shen Feng pille une tombe du Monastère de la Grande Compassion et découvre un morceau d'une vieille cithare.
Pas seulement roman historique, La cithare nue raconte de manière subtile et poétique le destin d'une femme. C'est aussi l'histoire d'un orphelin, près de deux cents ans plus tard. Et c'est aussi l'histoire d'une cithare : « La cithare est la racine de la musique, la gloire des sages. » (page 53). « Infini est notre monde. Infinis sont les sons de la cithare. » (page 83). « La cithare est le commencement de l'homme […]. La cithare ne distrait pas, elle réfléchit. […] La cithare façonne la raison, purifie le cœur, raffine le goût, forge le tempérament, change la personnalité. […]. » (page 175).
Liu, c'est le monde de la guerre, des alliances, des conspirations et des trahisons, un monde dangereux, un monde d'hommes qui n'était pas fait pour le sensible Yifu.
Avec l'héroïne, c'est un monde d'encens : « L'encens est l'écriture de l'âme qui prend son envol entre visible et invisible. » (page 199), de thé, de musique, de poésie et de peinture, un monde raffiné et fragile.
Huiyuang, la fille sacrifiée par son père, c'est le monde du renoncement, de la foi (bouddhiste).
Avec Shen Feng et le maître luthier, on se retrouve dans une Chine laborieuse, travailleuse mais pauvre.
J'ai l'impression que la Chine est magistralement représentée dans ce roman, avec des personnages attachants, et une très belle écriture poétique où fait irruption le fantastique.
Mes extraits préférés
« La beauté doit être perçue par les cinq sens. » (page 111).
« Les bibliothèques ont brûlé, les lettrés ont été massacrés, les palais sont en ruine. Qui peut être certain que le fleuve Yangzi fera obstacle à l'avancée des armées nomades ? » (page 171).
« Mais le village est si pauvre que les brigands le contournent, de peur que la pauvreté ne les contamine. » (page 248).