Un mensonge sur mon père est un roman de John Burnside paru aux éditions Métailié (janvier 2009, 310 pages, 20 €, ISBN 978-2-86424-671-8). Je l'ai reçu en poche : Points (collection Littérature, P2406, mai 2010, 399 pages, 7,50 €, ISBN 978-2-7578-1876-3).
A lie about my father (2006) est traduit de l'anglais (Écosse) par Catherine Richard.
Ce roman a reçu le Prix Madeleine Zepter en 2009 (prix littéraire européen).
Je remercie Blog-o-Book de m'avoir envoyé ce beau roman d'un auteur écossais que j'ai découvert.
Né le 19 mars 1955 à Fife (Écosse), John Burnside a étudié au Collège des Arts et Technologies de Cambridge. Il est enseignant (à Saint-Andrew) et auteur (poésie, nouvelles, romans).
Du même auteur, The hoop (1998, recueil de poésie), Burning Elvis (2000, recueil de nouvelles) et les romans : La maison muette (2003), Une ville nulle part (2005), Les empreintes du diable (2008).
Un jour, alors qu'il est aux États-Unis, le narrateur prend en auto-stop Mike qui lui parle de son père et lui pose des questions sur le sien. « […] je lui racontai un mensonge sur mon père. » (page 23).
John se rend ensuite compte qu'il a toujours souffert des mensonges de son père et qu'il prend le même chemin... « Mais rien n'était jamais aussi simple. Les meilleurs mensonges de mon père étaient tous des demi-vérités […]. » (page 49).
Va-t-il à son tour mentir à son fils de trois ans ?
John décide de faire un travail sur lui-même, de se remémorer son enfance, son adolescence, sa vie de jeune adulte, et de (re)découvrir son père qui était un enfant abandonné et qui est maintenant décédé.
C'est donc toute la vie de John et de sa famille qui défile en moins de 400 pages, empreintes du monde ouvrier catholique d'où est issu son père, un homme qui aurait pu être un autre homme... Un footballeur ? Un pilote ? Un homme qui a épousé la jeune fille qu'il aimait et dont il a eu deux enfants (John et sa sœur Margaret). Un homme qui s'est laissé emporté – comme beaucoup de sa génération – par l'alcool, les copains, le jeu. Un homme qui a vu sombrer son fils dans la drogue (années 70, rejet du monde des adultes, de leurs mensonges, leur hypocrisie, haine du père, découverte des fleurs du mal c'est-à-dire les nouvelles drogues comme le LSD...) et qui a vu sa femme mourir d'un cancer. Un homme que la vie n'a pas épargné et qui peut-être préférait vivre dans ses rêves, même si les mensonges étaient lourds à porter.
Heureusement, John est bon élève (quand il le veut), se fait des amis, lit des magazines et des bandes dessinées avec le fils des voisins (protestants), apprend le piano (grâce au père Duane et à Mr Edmunds), écoute des disques, découvre la poésie et la littérature classique, puis fait des petits boulots pour payer ses études (j'aime beaucoup son lucide « Je suis là pour la paie, dis-je, comme tout le monde. Tout le reste, c'est secondaire. » page 214).
Par certains côtés, ce roman m'a fait penser aux Cendres d'Angela : une enfance irlandaise, de Frank McCourt : pauvreté, alcoolisme du père, déménagements en vue d'une vie meilleure, mère fatiguée...
Un mensonge sur mon père est un beau roman autobiographique qui ne se lit pas aussi vite qu'une histoire imaginée mais qu'on n'arrive pas à lâcher tant les détails sont précis, les pages denses, douloureuses. Vous pouvez vous en rendre compte avec ces quelques extraits.
« […] chaque fois qu'un être humain se trouve face à un animal ou à un oiseau, il apprend quelque chose de nouveau ou se rappelle une chose ancienne qu'il avait oubliée. » (page 16).
« Pour lui [il parle de son père], et pour des générations entières d'hommes de la classe ouvrière, la cruauté était une idéologie. Il était important, dans l'intérêt du fils, de l'élever à la dure […]. » (page 61).
« Tout restait sous le manteau. Les soirées tardives de mon père, ses occasionnels déchaînements d'ivrogne […]. » (page 124).
« Dans l'immédiat, la seule chose qui comptait, c'était d'être ailleurs. » (page 250).
« Je n'avais aucun but, et c'était très bien. […]. » (page 274).
Mon passage préféré
« Certains psychologues croient que nous enregistrons tous les mots que nous lisons, toutes les images que nous voyons, tous les événements, si infimes qu'ils soient, toutes les fenêtres de toutes les maisons de toutes les rues dans lesquelles nous marchons au cours de toute une vie de livres, de rues et d'images. Nous enregistrons tout et classons tout, en attendant de nous rappeler : vaste encyclopédie désordonnée d'une existence humaine. À un moment donné, lorsque le besoin urgent s'en fait sentir, nous repêchons des images que nous ne savions même pas en notre possession et en faisons ce que nous pouvons : une histoire, un mensonge, un rêve, une vie. » (page 395). Je ne suis pas psy mais je pense que ça se passe comme ça dans le cerveau, il enregistre tout, le réel, le virtuel, de la même façon, et lorsque des choses ressortent : souvenirs ? Imagination ? Rêve ?
Pour celles qui aiment les romans à l'eau de rose ! (John en emprunte à la bibliothèque pour sa mère) :
« […] je feuilletai les livres que je lui avais choisis. Au début, je peinai à comprendre que quiconque veuille lire des livres pareils. Au bout d'un moment, toutefois, je commençai à entrevoir que le plaisir de la lectrice ne venait pas tant de l'histoire ou des personnages que de la découverte que quelqu'un, à l'autre bout, savait de quoi elle rêvait en secret […]. » (page 170).