Longtemps j'ai rêvé d'elle est un roman de Thierry Cohen paru aux éditions Flammarion en mai 2011 (435 pages , 19,90 €, ISBN 978-2-0812-5559-3).
Aimez-vous les romans d'amour ? Moi, pas trop... Mais je remercie Gilles Paris de m'avoir envoyé Longtemps j'ai rêvé d'elle car il est un peu différent des autres.
Thierry Cohen est né à Casablanca (Maroc). Il vit à Lyon.
Du même auteur : J'aurais préféré vivre (2007), Je le ferai pour toi (2009).
Plus d'infos sur son site.
Jonas a eu une enfance et une adolescence heureuses, mais après un accident de voiture, il perd les deux personnes qu'il aime le plus au monde : ses parents. « Mon univers venait d'imploser et j'étais une planète en perdition. J'avais perdu mes deux pôles, mes vrais repères, la source de mon amour. Je me sentais abandonné, seul et vide de larmes. Seul et plein de tous ces mots que je ne leur avais pas dits et de ceux que jamais je ne prononcerais. Je pris un mois de congés et m'enfermais chez moi. » (pages 39-40).
Plusieurs fois, il rêve d'une femme qui lui apportera l'amour dont il a besoin. « J'en étais persuadé, il y avait une fille, quelque part, qui m'était destinée et que je reconnaîtrai au premier regard. » (page 25).
Il va écrire un roman extraordinaire – Dans les silences d'une femme – sous le pseudonyme de Raphaël Scali (un hommage à se parents). « Désormais, sur mon clavier, je pouvais essayer, regretter, revenir en arrière, effacer, supprimer et remplir des pages virtuelles d'une aventure qui l'était autant. Il n'y avait ni passé ni futur. Juste le moment de l'écriture, la jouissance de créer, de pouvoir maîtriser le temps en le niant. […]. » (page 49).
Lorsque Jonas prend ce travail à mi-temps à la librairie La maison des livres, rue Fourcroy, il n'écrit plus depuis cinq ans et il est endetté malgré le soutien de ses amis, Chloé et Josh, et d'un mystérieux admirateur.
Après des études d'infirmière, Lior travaille de nuit dans un hôpital, et vit en colocation avec Elsa, sa meilleure amie. Elle rêve bien sûr au grand amour, mais elle a été tellement déçue par les hommes auparavant qu'elle préfère s'enfermer dans sa solitude. « Je resterai seule. Plus aucun homme ne me prendra pour une conne. Je n'ai pas besoin d'eux, de leur amour, de leur tendresse. Ils ne savent que mentir, prendre et laisser. » (page 53).
Lior est bouleversée par la mort d'Angèle Dutour, une patiente en fin de vie. Peu de temps après, elle est contactée par le riche Robert Luciani : il souhaite qu'elle devienne l'infirmière privée de sa fille, Serena, atteinte d'une maladie incurable.
Une des originalités de ce roman est que, pour une même histoire, il y a trois narrateurs.
Au début et à la fin, c'est Hille Edimberg, un libraire insolite et attachant. « Je marie les êtres et les livres. » (page 9). « En tant que libraire, je suis sensé vous avertir afin de ne pas vous laisser vous égarer sur un chemin qui n'aurait rien à vous apprendre sur vous. » (page 10). « Il y a bien trop de livres à lire et trop peu d'années à vivre pour regretter ses intuitions. » (page 13).
Et en parallèle, il y a l'histoire de Jonas Lankri (l'auteur) et de Lior Vidal (la lectrice), personnages qui vont bien sûr se croiser pour accomplir leur destin.
Les amis de l'un et de l'autre, indispensables, ont aussi leur rôle à jouer.
L'autre originalité est le processus de création et la relation de l'auteur avec son œuvre. « Je n'imaginais pas présenter mon roman à un éditeur, ne pensais même pas le faire lire à mes amis. Je composais mon histoire pour répondre à un besoin que j'étais incapable de précisément qualifier, […]. » (page 56). « J'avais passé de nombreux mois à errer dans les marges de ma vie […]. » (page 87).
Et aussi les relations entre les personnages : le libraire et l'auteur, le libraire et la lectrice, l'auteur et la lectrice, et entre les lectrices (Lior, Séréna).
J'ai bien aimé la librairie et le libraire. « […] les personnes fréquentant la librairie se sentent libres d'aller et venir, de lire sur place, sans être importunés. 'Ce ne sont pas des clients mais des invités. Nous nous occupons des livres et les livres s'occupent d'eux'. » (page 106). « Le lieu m'avait paru singulier, presque magique. La vieille devanture racontait une histoire. [...]. » (page 152).
Jonas est parfait dans le rôle de l'auteur noble de cœur ; Lior aussi dans le rôle de la lectrice désabusée qui se réfugie dans les livres pour avoir un peu de rêve et d'espoir ; et sa copine Elsa est très lucide : « Gentil, entier, idéaliste, prévenant, intelligent et beau... Tu connais une autre définition du mec idéal, toi ? » (page 302). Personnellement, je n'ai pas d'autre définition mais je veux bien rajouter fidèle !
J'ai repéré quelques petites erreurs :
Par deux fois, il est écrit Joshua Scali au lieu de Raphaël Scali (je n'ai pas noté les numéros de page).
Page 314, la phrase « J'avais raccroché, le sourire factice qui avait accompagné mon invitation […] apparaît deux fois : une fois en début de paragraphe et une fois à la cinquième ligne du même paragraphe.
À part ça, voici un bon roman d'amour, intelligent et tout en délicatesse, et je suis sûre qu'il plaira non seulement aux amateurs du genre (qui l'imagineront peut-être comme étant leur livre-lumière) mais aussi aux autres lectrices comme moi peu habituée aux romances.