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12 juin 2011 7 12 /06 /juin /2011 23:16

LongtempsReve.jpgLongtemps j'ai rêvé d'elle est un roman de Thierry Cohen paru aux éditions Flammarion en mai 2011 (435 pages , 19,90 €, ISBN 978-2-0812-5559-3).

 

Aimez-vous les romans d'amour ? Moi, pas trop... Mais je remercie Gilles Paris de m'avoir envoyé Longtemps j'ai rêvé d'elle car il est un peu différent des autres.

 

Thierry Cohen est né à Casablanca (Maroc). Il vit à Lyon.

Du même auteur : J'aurais préféré vivre (2007), Je le ferai pour toi (2009).

Plus d'infos sur son site.

 

Jonas a eu une enfance et une adolescence heureuses, mais après un accident de voiture, il perd les deux personnes qu'il aime le plus au monde : ses parents. « Mon univers venait d'imploser et j'étais une planète en perdition. J'avais perdu mes deux pôles, mes vrais repères, la source de mon amour. Je me sentais abandonné, seul et vide de larmes. Seul et plein de tous ces mots que je ne leur avais pas dits et de ceux que jamais je ne prononcerais. Je pris un mois de congés et m'enfermais chez moi. » (pages 39-40).

Plusieurs fois, il rêve d'une femme qui lui apportera l'amour dont il a besoin. « J'en étais persuadé, il y avait une fille, quelque part, qui m'était destinée et que je reconnaîtrai au premier regard. » (page 25).

Il va écrire un roman extraordinaire – Dans les silences d'une femme – sous le pseudonyme de Raphaël Scali (un hommage à se parents). « Désormais, sur mon clavier, je pouvais essayer, regretter, revenir en arrière, effacer, supprimer et remplir des pages virtuelles d'une aventure qui l'était autant. Il n'y avait ni passé ni futur. Juste le moment de l'écriture, la jouissance de créer, de pouvoir maîtriser le temps en le niant. […]. » (page 49).

Lorsque Jonas prend ce travail à mi-temps à la librairie La maison des livres, rue Fourcroy, il n'écrit plus depuis cinq ans et il est endetté malgré le soutien de ses amis, Chloé et Josh, et d'un mystérieux admirateur.

 

Après des études d'infirmière, Lior travaille de nuit dans un hôpital, et vit en colocation avec Elsa, sa meilleure amie. Elle rêve bien sûr au grand amour, mais elle a été tellement déçue par les hommes auparavant qu'elle préfère s'enfermer dans sa solitude. « Je resterai seule. Plus aucun homme ne me prendra pour une conne. Je n'ai pas besoin d'eux, de leur amour, de leur tendresse. Ils ne savent que mentir, prendre et laisser. » (page 53).

Lior est bouleversée par la mort d'Angèle Dutour, une patiente en fin de vie. Peu de temps après, elle est contactée par le riche Robert Luciani : il souhaite qu'elle devienne l'infirmière privée de sa fille, Serena, atteinte d'une maladie incurable.

 

Une des originalités de ce roman est que, pour une même histoire, il y a trois narrateurs.

Au début et à la fin, c'est Hille Edimberg, un libraire insolite et attachant. « Je marie les êtres et les livres. » (page 9). « En tant que libraire, je suis sensé vous avertir afin de ne pas vous laisser vous égarer sur un chemin qui n'aurait rien à vous apprendre sur vous. » (page 10). « Il y a bien trop de livres à lire et trop peu d'années à vivre pour regretter ses intuitions. » (page 13).

Et en parallèle, il y a l'histoire de Jonas Lankri (l'auteur) et de Lior Vidal (la lectrice), personnages qui vont bien sûr se croiser pour accomplir leur destin.

Les amis de l'un et de l'autre, indispensables, ont aussi leur rôle à jouer.

 

L'autre originalité est le processus de création et la relation de l'auteur avec son œuvre. « Je n'imaginais pas présenter mon roman à un éditeur, ne pensais même pas le faire lire à mes amis. Je composais mon histoire pour répondre à un besoin que j'étais incapable de précisément qualifier, […]. » (page 56). « J'avais passé de nombreux mois à errer dans les marges de ma vie […]. » (page 87).

Et aussi les relations entre les personnages : le libraire et l'auteur, le libraire et la lectrice, l'auteur et la lectrice, et entre les lectrices (Lior, Séréna).

 

J'ai bien aimé la librairie et le libraire. « […] les personnes fréquentant la librairie se sentent libres d'aller et venir, de lire sur place, sans être importunés. 'Ce ne sont pas des clients mais des invités. Nous nous occupons des livres et les livres s'occupent d'eux'. » (page 106). « Le lieu m'avait paru singulier, presque magique. La vieille devanture racontait une histoire. [...]. » (page 152).

 

Jonas est parfait dans le rôle de l'auteur noble de cœur ; Lior aussi dans le rôle de la lectrice désabusée qui se réfugie dans les livres pour avoir un peu de rêve et d'espoir ; et sa copine Elsa est très lucide : « Gentil, entier, idéaliste, prévenant, intelligent et beau... Tu connais une autre définition du mec idéal, toi ? » (page 302). Personnellement, je n'ai pas d'autre définition mais je veux bien rajouter fidèle !

 

J'ai repéré quelques petites erreurs :

Par deux fois, il est écrit Joshua Scali au lieu de Raphaël Scali (je n'ai pas noté les numéros de page).

Page 314, la phrase « J'avais raccroché, le sourire factice qui avait accompagné mon invitation […] apparaît deux fois : une fois en début de paragraphe et une fois à la cinquième ligne du même paragraphe.

 

À part ça, voici un bon roman d'amour, intelligent et tout en délicatesse, et je suis sûre qu'il plaira non seulement aux amateurs du genre (qui l'imagineront peut-être comme étant leur livre-lumière) mais aussi aux autres lectrices comme moi peu habituée aux romances.

 

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 00:03

AndreeChedid.jpgC'est avec tristesse que j'ai appris hier le décès (survenu dimanche) d'Andrée Chedid, grande dame de la littérature. Elle aurait eu 91 ans le 20 mars... R.I.P.

 

Andrée Saab est née le 20 mars 1920 au Caire (Égypte) dans une famille chrétienne : sa mère, Alice Godel était originaire de Syrie et son père, Selim Saab du Liban. Elle a étudié à l'école française puis à l'université américaine et a obtenu son diplôme de journaliste. Elle sera écrivain (nouvelliste, romancière, poétesse, dramaturge) : ses premiers poèmes (en anglais) sont publiés au Caire en 1943. Elle est devenue Madame Chedid après son mariage avec Louis, un étudiant en médecine. Le couple s'est installé au Liban en 1943 puis en France en 1946 et aura deux enfants.

On dit souvent que le talent saute une génération, ce n'est pas le cas dans la famille Chedid où la fille Michèle est peintre, le fils Louis et le petit-fils Mathieu sont tous deux reconnus comme de talentueux artistes de la chanson. 

En France, les premiers poèmes d'Andrée Chedid sont publiés en 1949 et son premier roman en 1952. Suivront la carrière littéraire que l'on connaît et de nombreux prix.RomansChedid

 En 2002, elle a reçu le Prix Goncourt de la Poésie et en 2009, elle est devenue Grand Officier de la Légion d'Honneur.

 

Plus d'informations sur le site officiel d'Andrée Chedid (bizarrement il est en anglais alors qu'elle écrivait ses œuvres en français).

 

J'ai lu plusieurs œuvres d'Andrée Chedid – principalement dans les années 80 et 90 – : L'autre, Lucy la femme verticale, Nefertiti et le rêve d'Akhenaton, Le sixième jour (j'ai aussi vu l'adaptation cinématographique de Youssef Chahine), Le survivant... J'ai lu Romans, une anthologie de plus de 1000 pages regroupant 9 romans et parue aux éditions Flammarion dans la collection Mille et une pages en 1998. J'ai aussi lu un peu de poésie et une ou deux pièces de théâtre mais je ne me rappelle plus les titres.

 

C'est vraiment une œuvre pleine d'âme que je vous conseille chaleureusement. De mon côté, j'ai bien envie de lire, ou relire, un ou plusieurs de ses romans.

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17 janvier 2011 1 17 /01 /janvier /2011 13:48

PartieMahJong.jpgCoupCoeur2005.pngLa partie de Mah-jong de l'Empereur est un roman d'Adam Katzmann paru aux éditions Jacques André éditeur en novembre 2005 (86 pages, 9 €, ISBN 2-915009-81-3).

 

Je remercie Jacques André éditeur de m'avoir envoyé ce roman qui me faisait très envie !

 

Adam Katzmann, né en 1951 à Constantine (Algérie), est un voyageur : France, Cameroun, Corée du Sud, Irlande, Bolivie, Pérou où il enseigne actuellement la philosophie.

Du même auteur chez Jacques André éditeur : Le harcèlement chez les bonobos, Leçons de ténèbres et de lumière, Le massacre, Perce-Brume, Sanpagarello et ses maîtres.

 

« Notre Empereur bien aimé [...] aimait à s'entourer d'amis aux origines les plus variées, aussi bien pour gérer les affaires de l'État que pour animer ses loisirs. » (page 14).

Mais l'Empereur va mal, très mal, et il faut penser à la transmission du pouvoir. « Je ne vous le cacherai pas plus longtemps, messieurs... En réalité, notre Empereur bien-aimé a rejoint ses ancêtres hier soir. » (page 24) mais personne n'est encore au courant pour la sûreté de l'État.

 

Avant de mourir, l'Empereur avait choisi pour sa succession quatre hommes :

Un mandarin, le narrateur, fin lettré, riche héritier. C'est lui qui a reçu la missive de l'Empereur et qui a invité les trois autres hommes dans sa propriété car sa famille est détentrice du jeu de Mah-jong de l'Empereur. Il est chat de métal : « Le chat apparaîtrait comme un animal plutôt faible, tout particulièrement en face du tigre. » (page 17) mais « la faiblesse apparente du chat dissimule, voire recèle des ressources considérables. » (page 18).

Un militaire, le Général Chou, une force de la nature, courageux, « un homme de guerre d'une valeur exceptionnelle » (page 15) mais autoritaire et impatient comme peut l'être un tigre de feu.

Un homme d'affaires, Wang, « l'homme le plus riche de l'empire » (page 15), obèse et malade, qui pourrait être comparé à un buffle ou un oiseau de proie alors qu'il est cochon de feu.

Un aristocrate de la lignée impériale, le Prince Dhu, parfaitement éduqué et raffiné, mais tellement jeune et rêveur.

 

MahJong.jpgQuatre hommes que l'Empereur aimait et en qui il avait une totale confiance, « Quatre Vents de la Chance » qui, en ce soir d'hiver, vont s'affronter au jeu impérial secret : le Mah-jong pour déterminer qui a les qualités requises (chance, opportunités, attention, concentration, combativité, vivacité d'esprit...) pour devenir le nouvel Empereur. Car « toutes les compétitions […] imaginées sont réunies dans ce jeu : […]. » (page 35).

 

Alors, qui va gagner la partie ? Bien entendu, je ne vous le dirai pas ! Il faut lire ce roman court mais profond pour découvrir qui sera le nouvel Empereur et comprendre ce qu'est le pouvoir.

 

Ce roman se lit vite car il contient peu de pages, mais il est dense et j'ai beaucoup aimé le fait que le jeu révèle ce que nous sommes (comportement, patience, réflexion, stratégie) : mauvais perdant = mauvais vivant !

Et cette jolie phrase : « Le thé refroidi dans ma tasse était d'une amertume proche de l'insupportable. » (page 68).

 

Je sais deux ou trois choses sur le Mah-jong, mais en tout cas je ne sais pas en jouer ! Peut-être que ce roman est le déclic qui me donnera envie d'apprendre ? Encore faut-il ensuite trouver des adversaires !

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11 décembre 2010 6 11 /12 /décembre /2010 13:54

Il est paru le 1er décembre ! Le n° 4 de Livraddict Le Mag ! Après Jeunesse, Polar et Fantasy, ce numéro est consacré à la littérature francophone contemporaine.

74 pages en couleur de littérature francophone de ce début de XXIe siècle ! La rentrée littéraire, les prix littéraires, Serge Brussolo, Bernard Werber, Jean-Christophe Grangé et le thriller français, Pierre Bottero (avec un concours), les adaptations cinématographiques, Hubert Reeves, etc.

Encore un excellent numéro et le prochain, qui paraîtra le 1er mars 2011, sera consacré aux vampires (je ne suis pas fan mais pourquoi pas).

 

 

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7 décembre 2010 2 07 /12 /décembre /2010 09:07

ExilesRazavi.jpgLes exilés : une chronique iranienne est un roman d'Emmanuel Razavi paru aux éditions Mon petit éditeur en septembre 2010 (113 pages, 16 €, ISBN 978-2-7483-5639-7).

 

Je remercie Blog-o-Book de m'avoir envoyé ce livre. L'équipe de BoB fait un super boulot et propose chaque semaine des partenariats avec de grands éditeurs ou des « petits » éditeurs peu connus.

 

Le narrateur est grand reporter. Il est à Riyad avec « une délégation de journalistes qui suit le Président français » (page 11). Au nord-est de la capitale saoudienne, c'est l'Iran, le pays de ses ancêtres. Il pense alors avec nostalgie à son pays d'origine et à ses ancêtres, des Qâdjârs qui ont subi de plein fouet la révolution de 1979.

 

28 novembre 1943, ambassade de Russie à Téhéran. C'est la célèbre conférence entre Churchill, Staline et Roosevelt. Le Général de Gaulle n'a pas été invité. Parviz (le père de l'auteur) alors enfant, est à la réception avec son frère, Houchang, et ses parents, Youssef (un officier issu de l'aristocratie militaire) et Mandane.

Ahmad, 8 ans, est le fils de Koshkho Namiz, un professeur de mathématiques qui a quelques liens avec des communistes. Avec son père, il se contente de regarder la voiture passer dans la rue.

C'est ce soir-là que Youssef déclare à Joséphine, l'épouse française du cousin Amir : « Le jour où la guerre sera finie, j'enverrai mes enfants étudier en France pour qu'ils deviennent comme vous. Cultivés et fiers ! » (page 24).

1946, la guerre est finie en France. Parviz et Houchang qui ont 10 et 11 ans, débarquent à Montpellier et vont intégrer L'Enclos Saint-François. C'était pour un an mais ils vont y rester jusqu'au baccalauréat...

Fereidoon, le cadet, partira plus tard aux États-Unis.

 

Le quotidien de Parviz et Houchang est difficile, seuls, loin de leur famille et de leur pays (leurs habitudes, leur culture), obligés d'apprendre rapidement une langue qu'ils ne connaissent pas, et surtout dans un pays qui sort de la guerre donc en ruine et qui subit encore le rationnement. Le football, les copains et un couple bienveillant (Andrée et Robert Marès) vont les aider à supporter l'exil et ils vont réussir.

« Les enfants, vous êtes devenus un lien entre l'Occident et l'Orient. Quoi que vous décidiez de faire à présent, veillez à ne jamais l'oublier. Le monde est voué à changer dans les prochaines années. Votre pays devra alors faire des choix. Soyez de ceux qui lui permettront d'œuvrer dans le sens de la paix. » (Robert Marès page 70, mon passage préféré).

 

Ça, du changement, il y en a eu !

1978-1979. Parviz est à l'abri en France avec Marie-Josèphe (les parents de l'auteur) mais Houchang est en Iran où il travaille avec son père. Le vent a tourné... Les Occidentaux, les aristocrates et les intellectuels sont devenus des ennemis du peuple iranien. Ahmad est hostile à la famille Razavi alors que Youssef avait fait libéré son père des années auparavant... Youssef et Mandane (les grands-parents de l'auteur) pourront-il fuir aux États-Unis où vit leur fils Fereidoon ? Houchang et son épouse vont-ils s'exiler en France ?

 

Je n'ai pas été déçue car le livre est agréable à lire, simple et honnête, mais je n'ai rien appris de plus sur l'Iran que je ne savais déjà... Marjane Satrapi, Zoyâ Pirzâd, Naïri Nahapétian et d'autres sont déjà passés par là ! Toutefois, j'ai trouvé plaisant de lire l'histoire de cette famille, de voir que Parviz et Houchang ont réussi et se sont attachés au pays qui leur permet de vivre bien avec leur famille (il en est de même pour leur jeune frère aux États-Unis). Il y a à la fois la douceur et la douleur dans ce court roman, l'exil et la nouvelle terre. Les souvenirs, la nostalgie, et l'avenir des enfants nés dans un autre pays que celui de leurs ancêtres. Lisez-le si vous voulez découvrir l'Iran en toute simplicité ou l'histoire de deux familles iraniennes totalement différentes, les Razavi et les Namiz. Une chronique iranienne, tout simplement.

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29 novembre 2010 1 29 /11 /novembre /2010 16:39

LeLionKessel.jpgCoupCoeurXXe.pngLe lion est un roman de Joseph Kessel paru aux éditions NRF/Gallimard en avril 1958 (318 pages). Il a depuis été réédité, en particulier en poche chez Folio, Folio junior, Folio classiques, ou dans les œuvres complètes de Joseph Kessel comme Reportages, romans chez Quarto Gallimard en avril 2010.

 

Joseph Kessel est un aventurier et un écrivain français né en Argentine le 10 février 1898. Enfant, il vit quelques années dans l'Oural avant que ses parents s'installent en France. Il étudie à Nice puis à Paris, participe aux deux guerres mondiales. Grand voyageur, il devient ensuite reporter et romancier. Il entre à l'Académie française en 1962. Il meurt en France le 23 juillet 1979 laissant derrière lui une œuvre conséquente : des reportages, le Chant des partisans, et une centaine de livres – de La steppe rouge (1922) à Les temps sauvages (1975) – dont certains adaptés au cinéma (Belle de jour, La passante du Sans-Souci, L'armée des ombres...).

Le Prix Joseph Kessel est décerné chaque année depuis 1991 à une œuvre littéraire de voyage, biographie, récit, essai rédigée dans la même veine que les récits de Joseph Kessel.

 

 

Après un voyage en Afrique Orientale (Kivou, Tanganyika, Ouganda et Kénya) et avant de se rendre à Zanzibar, l'auteur s'arrête pour deux jours dans le Parc Royal au pied du Kilimandjaro. Il était « arrivé la veille, épuisé, à la nuit tombante » (page 12). Au réveil, il a devant lui un petit singe et, au milieu du brouillard, le Kilimandjaro : « Les neiges du Kilimandjaro traversées de flèches vermeilles. » (page 14).

C'est en s'approchant d'un point d'eau pour observer les animaux s'abreuver ensemble qu'il rencontre Patricia. La fillette de 10 ans est la fille du responsable du parc et elle communique avec les animaux. « Et les fauves ? demandai-je à Patricia. » (page 35).

Plus tard dans la matinée, l'auteur fait la connaissance des parents de Patricia : Sybil Bullit, une Anglaise plutôt citadine, et son époux, John Bullit. Ancien chasseur et même braconnier – connu sous le surnom de Bull Bullit – repenti depuis une dizaine d'années, Bullit est l'administrateur de la réserve. « On aime les bêtes pour les voir vivre et non plus pour les faire mourir. » (page 94).

Sybil Bullit : « J'essaie de faire oublier qu'il n'y a pas une ville à trois cents kilomètres d'ici et qu'on trouve à la porte de cette maison les bêtes les plus dangereuses. » (page 51).

John Bullit : « Pour une fois que j'avais un visiteur convenable. […] Les touristes... Vous ne connaissez pas cette espèce. » (page 87).

Dans la journée, l'auteur découvre la réserve avec un ranger : « La Réserve était immense » (page 99) et « Les bêtes étaient partout. » (page 100) mais il est déçu car la voiture ne sort pas de la piste et il ne peut approcher les animaux : « J'avais le sentiment d'être puni, privé, frustré, volé. » (page 101).

Au retour de cette excursion, il croise deux Masaï, un vieux (Ol'Kalou) et un jeune (Oriounga), un morane c'est-à-dire un Masaï qui deviendra adulte dès qu'il aura tué un lion (même si c'est maintenant interdit par le gouvernement).

Le soir, l'auteur va boire le thé chez les Bullit mais Sybil devient hystérique : « Savez-vous qui est ce King que ma fille attend jusqu'au soir et par qui elle se fait reconduire, et de qui son père reconnaît la voix ? Le savez-vous ? […] Un lion ! Oui, un lion ! Un fauve ! Un monstre ! » (pages 128 et 129). Patricia est donc l'enfant du lion dont il a entendu parler...

L'auteur aurait pu se contenter de ce court safari et partir à Zanzibar comme prévu, mais il décide de rester jusqu'au dénouement, car il sait qu'il va se passer quelque chose.

Le lendemain, Patricia vient le chercher pour partir en voiture avec Bogo, le chauffeur Kikouyou, et Kihoro, le Wakamba borgne et balafré qui prend soin d'elle. Et l'auteur découvre King !

 

Les Masaï selon John Bullit

« Les Masaï ne vendent et n'achètent rien. Ils ont beau être noirs, il y a du seigneur en eux. » (page 58).

« Personne au monde n'était aussi riche qu'eux, justement parce qu'ils ne possédaient rien et ne désiraient pas davantage. » (page 169).

 

L'auteur se rend compte que les membres de cette famille s'aiment mais qu'il y a un problème entre eux. Sybil reste seule toute la journée et souffre de solitude, John est tout à son travail et à ses bêtes, Patricia n'en fait qu'à sa tête, mène les adultes par le bout du nez et considère son lion comme un jouet sous prétexte qu'il a été recueilli tout bébé et qu'elle s'est occupée de lui. Mais jusqu'où peut aller le jeu avant qu'il n'arrive un drame ?

Le récit de Joseph Kessel est vraiment beau, avec une description admirable de la nature et des animaux, du moins de ce qu'il en voit. Mais l'auteur pointe aussi le caractère des humains et, en fin observateur, tente de comprendre et de deviner ce qu'il va bien pouvoir se passer. Une fillette de 10 ans qui joue avec les adultes et les animaux, qui va éprouver de la jalousie lorsqu'elle verra que King a deux lionnes et des lionceaux, et de l'orgueil lorsqu'Oriounga la demandera en mariage. Elle n'a que 10 ans...

En fait, j'ai trouvé Patricia détestable, égoïste, prétentieuse et je ne crois pas que l'Afrique avait besoin de personnes comme cela.

Mais Le lion est un roman magnifique que j'ai été contente de relire (je l'avais lu enfant et, même si j'avais été émerveillée par le lion et par l'Afrique, je n'avais sûrement pas compris tous les ressorts de ce drame...), une belle aventure, un safari inoubliable ! 

 

CoupsCoeurBlogosphereJaimelesClassiquesJ'ai choisi de lire Le lion pour Les coups de cœur de la blogosphère et j'en profite pour le présenter aussi dans J'aime les classiques puisque sont autorisés les classiques parus jusqu'en 1960.

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27 septembre 2010 1 27 /09 /septembre /2010 22:36

CithareNue.jpgLa cithare nue est un roman de Shan Sa paru aux éditions Albin Michel en juin 2010 (326 pages, 20 €, ISBN 978-2-226-20844-6).

 

Je remercie Gilles Paris de m'avoir envoyé ce beau roman. Dommage qu'il ne fasse pas partie de la rentrée littéraire de cet automne 2010...

 

Née Yan Ni le 26 octobre 1972 à Beijing (Chine), Shan Sa 山飒 est poète et romancière. Elle vit en France depuis la rentrée 1990 : elle a étudié la philosophie à Paris.

Poésie publiée en Chine : Les poèmes de Yan Ni (1983), Libellule rouge (1988), Neige (1989).

Nouvelles publiées en Chine : Que le printemps revienne (1990).

Romans publiés en France : Porte de la Paix Céleste (1997, Prix Goncourt du premier roman 1997, Prix littéraire de la vocations 1998), Les quatre vies du saule (1999, Prix Cazes 1999), La joueuse de go (2001, Prix Goncourt des lycéens 2001), Impératrice (2003, Prix des lecteurs du Livre de Poche 2005), Les conspirateurs (2005), Alexandre et Alestria (2006), Les fleurs de la pensée chinoise : Les fleurs antiques, tome 1 (2009).

Poésie publiée en France : Le vent vif et le glaive rapide (2000), Le miroir du calligraphe (avec peintures, 2002).

Plus d'infos sur le site officiel de Shan Sa, en anglais...

 

Je me rappelle avoir beaucoup aimé La joueuse de go à sa parution et je me lance donc avec plaisir dans la lecture de La cithare nue.

 

An 400, sous la dynastie Jin de l'Est.

La jeune fille a 16 ans, elle est une descendante d'un clan de nobles de la Plaine du Milieu, les Hautes Portes. Sa famille l'a fiancée à un petit-fils Wang, mais, lors d'une guerre, elle est enlevée par Liu, un militaire d'origine paysanne.

Enceinte, elle fuit la guerre dans un chariot comme une misérable, avec pour seul héritage une cithare à sept cordes. La cithare de Dame Cai Yan. « Sur une table basse, elle découvrit une cithare en forme de feuille de bananier au corps de laque noir-pourpre craquelée. » (page 27).

« La guerre a dévoré son héritage, son passé. En échange, elle lui a donné un homme et un enfant. » (page 115).

Jeune Mère en mettant au monde sa fille Huiyuang, puis Mère avec son fils Yifu dans la ville de Jing Ko près du fleuve Yangzi, elle va devenir l'Impératrice, puis la nonne bouddhiste Pureté de Vacuité.

 

ShanSa.jpegAn 581, dynastie Chen.

Orphelin, Shen Feng est l'apprenti d'un vieux maître luthier originaire du Nord (Xianbei) qui lui a aussi enseigné les arts martiaux. Ils vivent pauvrement dans une petite maison sur une colline qui surplombe la ville de Jing Ko. « Les gens mal nés comme toi et moi ne seront jamais riches. Ce n'est pas la peine d'en rêver. Si on veut être riche, on souffrira d'autant plus d'être pauvre. » (page 61).

Se laissant influencer par son ami Zhu Bao, Shen Feng pille une tombe du Monastère de la Grande Compassion et découvre un morceau d'une vieille cithare.

 

Pas seulement roman historique, La cithare nue raconte de manière subtile et poétique le destin d'une femme. C'est aussi l'histoire d'un orphelin, près de deux cents ans plus tard. Et c'est aussi l'histoire d'une cithare : « La cithare est la racine de la musique, la gloire des sages. » (page 53). « Infini est notre monde. Infinis sont les sons de la cithare. » (page 83). « La cithare est le commencement de l'homme […]. La cithare ne distrait pas, elle réfléchit. […] La cithare façonne la raison, purifie le cœur, raffine le goût, forge le tempérament, change la personnalité. […]. » (page 175).

 

Liu, c'est le monde de la guerre, des alliances, des conspirations et des trahisons, un monde dangereux, un monde d'hommes qui n'était pas fait pour le sensible Yifu.

Avec l'héroïne, c'est un monde d'encens : « L'encens est l'écriture de l'âme qui prend son envol entre visible et invisible. » (page 199), de thé, de musique, de poésie et de peinture, un monde raffiné et fragile.

Huiyuang, la fille sacrifiée par son père, c'est le monde du renoncement, de la foi (bouddhiste).

Avec Shen Feng et le maître luthier, on se retrouve dans une Chine laborieuse, travailleuse mais pauvre.

J'ai l'impression que la Chine est magistralement représentée dans ce roman, avec des personnages attachants, et une très belle écriture poétique où fait irruption le fantastique.

 

Mes extraits préférés

« La beauté doit être perçue par les cinq sens. » (page 111).

« Les bibliothèques ont brûlé, les lettrés ont été massacrés, les palais sont en ruine. Qui peut être certain que le fleuve Yangzi fera obstacle à l'avancée des armées nomades ? » (page 171).

« Mais le village est si pauvre que les brigands le contournent, de peur que la pauvreté ne les contamine. » (page 248).

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23 août 2010 1 23 /08 /août /2010 15:17

CellesAttendent.jpgCoupCoeur2010.pngCelles qui attendent est un roman de Fatou Diome à paraître aux éditions Flammarion le 25 août 2010 (330 pages, 20 €, ISBN 978-2-0812-4563-1).

 

Née au Sénégal en 1968, Fatou Diome est arrivée en France en 1994 et vit à Strasbourg.

Recueil de nouvelles : La préférence nationale (2001)

Romans : Le ventre de l'Atlantique (2003), Kétala (2006) et Inassouvies, nos vies (2008).

 

Je remercie Gilles Paris de m'avoir envoyé ce roman. Ce fut une surprise de le recevoir. C'en fut une autre de le lire et de découvrir la belle écriture de Fatou Diome. C'est aussi mon premier roman de la rentrée littéraire de l'automne 2010.

 

Les mères

Arame est l'épouse du vieux Koromâk qu'elle déteste, « les corps distants, figés dans la haine, comme deux prisonniers s'accusant réciproquement du même crime, mais condamnés à partager la même cellule. » (page 137). Le fils aîné est mort en mer sur son bateau de pêche et, depuis le départ de leur mère, Arame élève ses sept enfants. Le cadet Lamine est revenu de Dakar sans travail et sans argent.

Bougna est la deuxième épouse de Wagane à qui elle a donné six enfants. « Des enfants qui grandissent maintenant à ses côté sans perspective d'avenir. » (page 50). Elle aimerait mieux pour son fils aîné, Issa, car le fils de la première épouse a réussi dans l'administration et envoie de l'argent à sa mère.

 

Le quotidien de ces familles ? Du riz et de l'huile en petite quantité, quelques légumes, parfois du poisson et quelques coquillages ramassés sur la plage. Et de l'eau qu'il faut s'épuiser à aller chercher au puits chaque matin.

 

L'idée de ses mères ? Envoyer leur fils en Europe, comme clandestin, et au péril de leur vie ! Pourtant, qu'avaient-elles de plus précieux que leur fils ? Mais les garçons sont d'accord et « leur futur départ pour l'Europe devint leur seul horizon. » (page 78). « […] partir en Europe, réussir comme les autres et améliorer notre sort. » (page 66). « […] gagner assez d'argent pour ne plus se contenter de rêves d'occasion. Et ceux qui les attendaient au village comptaient sur eux, en formulant le même vœu. » (page 153). Du coup, « Barcelone ou Barsakh » (Barcelone ou la mort), qu'ils disent !

 

FatouDiome.jpgLes épouses

Coumba a pu épouser Issa et a au moins connu l'amour avant le départ du jeune homme. D'ailleurs elle mettra au monde un fils mais la solitude et l'attente la minent de l'intérieur. Cependant sa mère lui a répété : « Tu es une femme, les choses sont comme elles sont, ce n'est pas à toi de les changer. » (page 164).

Daba est une Guelwaar ; pourquoi a-t-elle accepté de rompre ses fiançailles avec Ansou et d'épouser Lamine qui est déjà parti ? Parce qu'elle espérait mieux que la vie avec un pêcheur. Du coup, elle est une épouse sans mari, sans amour, alors qu'Ansou est là, tout prêt...

 

Combien de temps ces femmes vont-elles attendre ? Des nouvelles, de l'argent, un éventuel retour... « Parce qu'elles savent tout de l'attente, elles connaissent le prix de l'amour. »

 

De plus la vie est-elle plus belle et plus facile en Europe ? « Pendant que les expatriés souffraient du froid, logeaient dans des squats miteux, couraient les soupes populaires, risquaient leur vie pour des emplois de forçats, dribblaient les pandores lancés à leurs trousses, hantaient les zones de rétention, s'adonnaient aux amours de circonstances, larmoyaient devant les avocats commis d'office qui leur obtenaient des délivrances momentanées, les jeunes restés au village, portés par une liberté qu'on ne sent que chez soi, travaillaient vaillamment et contribuaient à l'essor du pays. » (pages 244-245).

 

Ce roman est une belle chronique de la vie sur les îles sérères de Gandoune au large du Sénégal, en particulier sur l'île de Niodior (île sur laquelle est née l'auteur).

Sans entrer dans des polémiques stériles, l'auteur pointe du doigt certains problèmes :

- économiques : moins de poissons durant la pêche, pas de travail et études chères, pas d'avenir.

- la polygamie : jalousie entre les épouses, inégalités, pauvreté, impossibilité de nourrir et d'éduquer de si nombreux enfants), les hommes ayant oublié qu'ils ne doivent pas prendre une autre épouse s'ils n'arrivent pas à subvenir aux besoins d'une et de ses enfants...

- les rêves stériles, illusions et sirènes de l'Europe, l'immigration à tout prix. D'ailleurs, en Afrique, de nombreux Sages plaident pour le « rester au pays ».

- le comportement de certains Occidentaux qui viennent en Afrique avec leur richesse et leur suffisance.

 

J'aimerais me permettre un conseil, non seulement pour les lecteurs qui ont été déçus par le Goncourt 2009 (eh oui, il y en a !) mais aussi pour tous : lisez Celles qui attendent ! C'est beau, humble, intime, parfois drôle, parfois triste, jamais mièvre ou lassant, et il mérite bien un prix ;-)

 

Quelques extraits en plus

« Car si la parole faisait loi, son abus était l'apanage des faibles. » (page 10).

« Quand dire ne sert plus à rien, le silence est une ouate offerte à l'esprit. » (page 11).

« […] toutes différentes, mais toutes prises dans le même filet de l'existence, à se débattre de toutes leurs forces. » (page 11).

« On voguait sur l'océan de l'existence, par tous les vents. » (page 173).

« Il n'est pas vrai que les enfants ont besoin de leurs père et mère pour grandir. Ils ont seulement besoin de celui qui est là, de son amour plein et entier. » (page 265).

 

Niodior.jpg

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19 février 2010 5 19 /02 /février /2010 06:23

LibraireAmsterdam.jpgLe libraire d'Amsterdam est un roman historique d'Amineh Pakravan paru au Nouveau Monde éditions en avril 2008 (320 pages, 19 €, ISBN 978-2-84736-315-9).

 

Amineh Pakravan est née en Iran en 1946. Elle a étudié au lycée franco-iranien de Téhéran puis a effectué « des recherches d'histoire sous la direction de Georges Duby, à Aix en Provence ». Elle vit maintenant en Toscane, viticultrice.

C'est son premier roman et il a reçu les prix Molinello 2006, Elio Vittorini 2006 et il a été finaliste des prix Berto et Chianti 2006 !

 

1604, « Amsterdam était le plus grand centre de production de cartes et de globes de toute l'Europe. » (pages 11-12).

1638, Guillaume Pradel est libraire, typographe et imprimeur comme son père et son grand-père. Depuis la mort de son concurrent Gerhard Mercator, il est même le meilleur. Mais il est à la fin de sa vie, il le sent, et il est le dernier de sa lignée. Grand observateur, il est passionné de géographie, de cartographie, de mathématiques et d'astronomie. Il rêve de partir, de voir si toutes ces lignes qu'il a tracées sur les cartes existent vraiment, de découvrir l'inconnu. Un jour débarque son vieil ami, Jean des Sept-Écluses. Lui rêve de se fixer enfin, de tomber amoureux, d'avoir un enfant qui lui ressemble mais qui ne mènera pas une vie de chien comme la sienne mais... « Tu as peut-être raison, nous avons besoin d'un voyage. Eh bien, nous le ferons. Le premier pour toi, le dernier pour moi... Tu devras te contenter de pain de seigle, de beurre rance et de bière coupée. Mais s'il fait beau, nous parlerons assis sous les étoiles. En mer, la seule chose qui ne manque pas est le temps. » (page 31).

Pendant que La Pie Voleuse vogue vers le Vénézuela, Guillaume raconte donc ses ancêtres, des papetiers, son grand-père Mathieu qui lui a narré l'histoire de la famille avant de mourir, son père Simon : « Troyes, Lyon, Paris, Anvers, Amsterdam étaient la géographie de sa famille. » (page 14), ainsi que ses deux voyages à Rome à 30 ans d'écart.

 

Dans cette histoire, on croise Dolet, Érasme, Rabelais, Garamond, Galilée, Descartes et tant d'autres...

Amineh Pakravan fait preuve d'une grande érudition non seulement en ce qui concerne le XVIIe siècle en Europe et le conflit religieux entre Catholiques et Protestants mais aussi en ce qui concerne l'imprimerie et les progrès de l'époque. C'est un roman parfois difficile à lire mais c'est une lecture vraiment enrichissante.

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23 novembre 2009 1 23 /11 /novembre /2009 07:09

Soleil fané est le deuxième roman de Tuyêt-Nga Nguyên. Il est paru aux éditions Luc Pire/Grand miroir le 15 octobre 2009 en Belgique et le 13 novembre 2009 en France (220 pages, 18 €, ISBN 978-2-50700-472-9). Je remercie Gilles Paris de m'avoir envoyé ce livre.

 

Tuyêt, la narratrice a quitté le Viêt-Nam après son baccalauréat pour étudier les sciences politiques à l'Université Libre de Bruxelles (Belgique). Après quatre années d'études et une fois le diplôme en poche, elle souhaite retourner au pays. Ce sera en septembre (1975) mais là, depuis dix jours, elle est en vacances en Floride chez sa cousine, Lan.

Lan, veuve à 30 ans, est partie aux États-Unis et elle vit à Orlando avec son fils de 6 ans, Petit Lôc. Elle vient de faire venir son père, Quang.

Lundi 30 avril 1975, la famille est devant la télévision à l'annonce de la fin de la guerre au Viêt-Nam : « Sur l'écran, la chute de Saigon, le triomphe de Hanoi, la mort de notre pays. » (page 11). Peu importe le vainqueur, Lan est satisfaite que tout soit enfin terminé mais Oncle Quang de dire à sa fille : « Il n'y a pas que la guerre qui tue, ma chérie, certaines paix tuent aussi, en silence. » (page 13). Et il a raison, car après moins d'une semaine, les journalistes étrangers sont renvoyés et les camps du nouveau régime se remplissent d'intellectuels, de militaires et d'autres personnes à rééduquer... Et « Les rêveurs ne rêvent plus. [...] Et les Vietnamiens pleurent. » (page 31).

Tuyêt est effondrée car sa mère, Kiêu, est là-bas : « Mon programme inscrit en lettres d'or dans le ciel est effacé, mon avenir est devenu une page blanche, si blanche qu'elle me fait mal aux yeux. » (page 33).

Oncle Quang est effondré, d'avoir abandonné la tombe de sa femme, ses amis et ses élèves à qui il avait promis de revenir, il est un déserteur, pire un traître, mais il n'y a plus de vol pour rentrer au pays « alors, il est là et se frappe la poitrine. » (page 41).

Tuyêt prend sa décision : « Chez moi est mort. Je l'oublie. La Belgique le remplacera. » (page 48) mais c'est sans compter sur Oncle Quang qui crée le Mouvement pour la Démocratie au Viêt-Nam (MDVN) et sur les premiers réfugiés qui arrivent. Je me rappelle des journaux télévisés de la deuxième moitié des années 70 où on voyait arriver les boat people, ce qu'ils avaient vécu était horrible et c'était très triste mais ils étaient heureusement arrivés à bon port (contrairement à des centaines de milliers d'autres, morts en mer). Du 3 décembre 2009 au 2 mai 2010, il y a une exposition intitulée Boat people, bateaux de l'exil à Rennes au Musée de Bretagne.

Après avoir aidé son oncle six semaines au camp d'Eglin, Tuyêt retourne à Bruxelles, chez la charmante Madame Leroy, une veuve qui loue des chambres aux étudiants vietnamiens désargentés. À 22 ans, la jeune femme doit passer ses derniers examens, défendre son mémoire sur les États divisés (Allemagne, Corée et Viêt-Nam). « Ce que je veux dire, Professeur, c'est que personne n'a envie de voir des troupes étrangères débarquer dans son pays, mais qu'entre deux maux, il faut choisir le moindre. Ce qui arrive ensuite... » (page 93).

 

Ensuite... Je vous laisse lire ce beau livre, vrai et douloureux. D'ailleurs, même s'il est écrit 'roman' sur la page de titre, c'est son histoire que raconte Tuyêt-Nga Nguyên. J'ai déjà lu de la littérature vietnamienne et j'ai retrouvé dans son récit la subtilité et la douceur de l'écriture de ce pays, mais aussi la douleur de la déchirure et de l'exil. Il y a aussi les relations mère-fille et cette très belle phrase : « Et c'est pour ça que je vais partir, Maman, parce que plus tard devient vite trop tard, et qu'il l'est devenu, pour nous. » (page 198).

 

Quelques mots sur le titre, Soleil fané : c'est le titre d'une chanson écrite et composée à la guitare par son ami, Luân, un étudiant retourné au pays pour se battre et venger ses parents et son frère.

 

Mon extrait préféré

Tuyêt à Lâp dans le camp d'Eglin : « – Vous avez tant appris dans la vie. Que pourriez-vous apprendre encore dans les livres ? – Ce que la vie a appris aux autres. » (page 128).

Je continue avec le paragraphe qui suit : « Il me demandait volontiers des romans d'amour. Il n'en avait jamais lu […] : jugée réactionnaire et décadente par le Parti, une telle littérature était en effet interdite dans le Nord, et dans le Sud, on en avait fait un bûcher, après le 30 avril […]. » Voilà donc à quoi servent les romans d'amour et la littérature populaire, à comprendre que nous sommes dans un pays où les écrivains peuvent écrire et publier, où les lecteurs peuvent lire ce qu'ils veulent, s'instruire ou se divertir.

 

Du même auteur : Le journaliste français paru aux éditions Luc Pire/Grand miroir le 15 février 2007 (prix Soroptimist 2008, décerné tous les deux ans depuis 2002 à une romancière francophone). Je veux lire ce roman ! Il se déroule à Saigon en 1963, l'auteur a 10 ans et elle est sauvée par un journaliste français (qu'elle n'a jamais revu mais dont elle parle dans Soleil fané).

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