Un spécimen transparent et Voyage vers les étoiles sont deux récits d'Akira Yoshimura parus aux éditions Actes Sud en octobre 2006 (151 pages, 16,30 €, ISBN 978-2-7427-6296-5). Tomei hyobon et Hoshi he no tabi sont traduits du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle.
Akira Yoshimura : je vous laisse consulter sa biographie et sa bibliographie sur ma précédente note de lecture, Le convoi de l'eau.
Un spécimen transparent Tomei hyobon (pages 9 à 88).
Le matin, dans le bus qui l'emmène au travail, Kenshiro Mitsuoka a l'habitude de s'asseoir à côté de jeunes femmes maigres parce qu'il essaie de les frôler et de sentir leurs os.
« La beauté ou la laideur de leur visage n'entrait pas en considération. Son seul but était la forme des os qu'il sentait pointer à travers les vêtements. » (page 12).
Souvent, il est déçu, mais là, à plus de 60 ans, c'est enfin l'extase. Il se rend ensuite au laboratoire de recherches de l'hôpital universitaire où, depuis 40 ans, il désarticule les cadavres au scalpel pour fabriquer des échantillons osseux.
« […] pour lui, les os devaient survivre à la disparition des chairs. » (page 43).
Depuis trois mois, il forme un jeune assistant, Kamo, au travail des cuves à cadavres.
Deux ans auparavant, Kenshiro a épousé Tokiko qui a une fille étudiante, Yoriko. Mais Tokiko ne lui a pas dit qu'elle était malade et il ne souhaite pas que les deux femmes découvrent qu'il fait des expériences chez lui sur des os d'animaux pour les rendre transparents.
Je ne vous dit pas ce qui a poussé Kenshiro Mitsuoka à faire ce travail et à expérimenter sur les os, il vous faudra le découvrir par vous-mêmes en lisant ce livre. Mais, pour lui, ce n'est pas une obsession ou une perversité, c'est sa vie tout simplement.
Un spécimen transparent est aussi surprenant que Le faste des morts, de Kenzaburô Oé lu en juin, mais je l'ai trouvé plus sensible et... moins clinique ! Sûrement parce que le style de Yoshimura est plus poétique, plus envoûtant. Du coup, ce récit m'a plus convaincue que Le faste des morts mais j'ai quand même été moins emballée que pour Le convoi de l'eau et j'espère que Voyage vers les étoiles me plaira plus.
Voyage vers les étoiles (星への旅 Hoshi he no tabi ) (pages 89 à 151) : Prix Osamu Dazai 1966.
Un camion a quitté Tokyo pour le littoral du nord du pays. À son bord, Keichi et des compagnons de route qu'il connaît depuis trois mois seulement. Se sont joints à eux trois inconnus, un homme et deux jeunes femmes, qui ont promis de partager les frais et de descendre en route. Après que le camion ait traversé un pont, l'homme descend et se jette sous un train.
Keishi suivait des cours dans une école préparatoire pour entrer à l'université mais, après avoir raté les examens, il a été pris d'une grande lassitude.
« À partir de cet instant, sa perception du monde avait changé du tout au tout. Les gens et la ville, tout s'était transformé en choses inorganiques aux couleurs passées, tandis que s'incrustait en lui un sentiment d'impuissance insurmontable, comme s'il n'avait rien à faire dans ce paysage […]. » (page 108).
Ses compagnons ne supportent plus leur vie, la société, la surconsommation et il sont donc tous partis avec une idée bien précise.
« Étaient-ils partis à la recherche d'un endroit pour en finir avec la vie ? » (page 127).
Un voyage vers les étoiles...
Eh bien, j'ai mis du temps à lire cette nouvelle après Un spécimen transparent et me voici à la fois perplexe et à la fois enthousiasmée par le récit. Yoshimura a un beau style, joliment poétique, mais il a une fascination morbide pour la mort ! Les personnages sont nostalgiques... D'une autre vie qu'ils n'auront pas ? D'une vie qu'ils ne veulent pas vivre ? Ils symbolisent en fait la jeunesse qui n'a plus goût à rien et qui n'a aucun espoir à par étudier puis travailler. C'est bien triste mais sûrement tellement réel, peut-être même encore plus maintenant qu'à l'époque où ce texte a été écrit !
Assurément Akira Yoshimura est un écrivain à découvrir et je vais encore lire d'autres titres de lui mais il demande de l'attention et quelques connaissances du Japon.
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