Le roman de Saigon est un essai de Raymond Reding paru aux éditions du Rocher dans la collection Le roman des lieux et destins magiques (mai 2010, 333 pages, 19,90 €, ISBN 978-2-268-06954-8).
Raymond Reding est Belge et il connaît Saigon depuis plus de dix ans. Il est professeur, chirurgien et a travaillé à l'hôpital Grall (construit par les Français au temps de l'Indochine) où il a rencontré le docteur Tran Dong A : « Le parcours de cet homme, et au-delà, le passé tourmenté de ce pays et de cette ville, Saigon, m'ont inspiré le projet de ce livre […]. » (page 17).
D'abord la Saigon des origines : légendes, Antiquité, minorités, influences des voisins chinois, siamois (thaïlandais) et cambodgiens, confucianisme, arrivée des Khmers au VIIe siècle puis des Viets et des Chinois.
Ensuite l'arrivée des premiers Occidentaux (des Portugais) au XVIe siècle, avec les premiers évangélisateurs de ce pays bouddhiste, le quoc ngu (romanisation du vietnamien par l'Avignonnais Alexandre de Rhodes), une révolution paysanne juste avant la révolution française, etc.
Le prologue et les trois premiers chapitres placent Saigon – un village portuaire – au niveau historique et géographique, mais aussi religieux suite aux relations avec les Occidentaux.
Arrivés pour des motifs religieux et géographiques (voyages d'exploration, remonter le Mékong), les Français embrayent rapidement sur la politique et le commerce (concurrence anglaise oblige mais ils ont aussi construit des routes dont la célèbre Route Mandarine, des écoles, des hôpitaux, des immeubles haussmanniens et ont créé une économie florissante). « Tandis que les Anglais, très pragmatiques, se bâtissent un empire à vocation essentiellement commerciale sans vouloir se convaincre d'une quelconque fraternité avec les indigènes, le projet colonial français est avant tout une entreprise politique voire idéologique, portée par la générosité des convictions républicaines. [...] ». (page 111).
Qu'y a-t-il en Indo-Chine (le nom deviendra Indochine en 1887) et en particulier au Vietnam ? De l'exotisme, du riz, du caoutchouc (hévéa) entre autres.
Puis arrivent les guerres du XXe siècle, meurtrières... La première guerre mondiale durant laquelle se battent 100000 Indochinois, la deuxième guerre mondiale et l'arrivée du communisme. L'auteur raconte l'histoire de Nguyen Tat Thanh, né en 1890, qui deviendra Ho Chi Minh après son séjour en Angleterre, France et URSS... Puis la guerre d'Indochine que les Français perdent, la guerre du Vietnam que les Américains perdent, cette guerre « entre un éléphant et un criquet », et l'arrivée au pouvoir de Ho Chi Minh. L'horreur et les premiers boat-people... Le Vietnam devient en 1976 « un des vingt-cinq pays les plus pauvres du monde » (page 297)... Ensuite la guerre contre le Cambodge car Pol Pot veut créer le grand Kampuchea, qui débouche sur un conflit avec la Chine !
Au XXIe siècle : apaisement et reconstruction ?
En fin de volume : une chronologie et une bibliographie intéressantes.
Je remercie Céline et les éditions du Rocher de m'avoir envoyé ce livre qui m'a totalement dépaysée.
J'ai appris beaucoup de choses même si je connaissais déjà les événements du XXe siècle car j'avais déjà lu des livres sur cette période (récemment Soleil fané, de Tuyêt-Nga Nguyên et L'oracle du gecko, de Bernard Richard, mais aussi l'incontournable trilogie de Sud lointain d'Erwan Bergot, ainsi que des ouvrages sur les guerres d'Indochine et du Vietnam). Mais je ne connaissais pas le passé ancien du Vietnam et la lecture fut vraiment enrichissante car j'aime bien replacer les événements dans une chronologie : cela permet souvent de mieux comprendre ce qui s'est passé aux XIXe et XXe siècles.
Un seul point négatif : même si on croise Marguerite Duras, Pierre Boulle, André Malraux, Graham Greene, Lucien Bodard, Jacques Chancel, etc., il n'y a rien du tout sur d'éventuels artistes vietnamiens pourtant la culture (littérature, musique, Art...) vietnamienne existe et il y a sûrement des artistes nés à Saigon !