Voler ! est un roman du moine Jaeyeon paru aux éditions Philippe Picquier en juin 2009 (155 pages, 16,550 €, ISBN 978-2-8097-0117-3). PePe the duck (2001) est traduit du coréen par Lim Yeong-hee et Françoise Nagel. Ce roman est illustré par Kim Sehyeon.
Jaeyeon est devenu moine bouddhiste à 19 ans et il est parti étudier le pali à l'université de Pune en Inde. Il vit au temple, Silsang, sur le mont Jiri, en Corée du Sud. (source : éditeur). Il est auteur et traducteur (plusieurs livres traduits par lui sont publiés aux éditions Philippe Picquier).
Kim Sehyeon est né en 1963. Il a étudié la peinture orientale à l'université de Kyeonghui. Il dessine à l'encre de Chine et a illustré de nombreux livres adultes et jeunesse. (source : éditeur).
Lorsque le narrateur était enfant, sa grand-mère lui répétait toujours, qu'après sa mort (elle avait plus de soixante-dix ans), elle voulait être un oiseau, et plus particulièrement un canard. Évidemment, l'enfant en grandissant, n'a plus entendu le cri des colverts de la même façon et s'est même mis à rêver que lui aussi volait haut dans les airs ! Ses maîtres lui disaient « Ne vis pas de rêves. Que tu aies des espoirs en l'avenir ou de beaux souvenirs du passé, ce ne sont que des illusions engendrées par ton esprit. Ne cours pas après tes désirs. Fais en sorte que l'endroit où tu te trouves soit le centre de l'univers. » (page 10). Mais « Le désir de voler est un rêve de liberté que nous portons tous dans notre cœur. » (page 12).
Que voler comme un oiseau soit un rêve pour vous ou pas, j'espère que vous aimerez l'histoire de Pilou, un caneton domestique, maigrichon, né au début du printemps, « aux pattes anormalement courtes, qui fouille dans la boue pour trouver sa nourriture, tout en agitant son gros derrière » (page 12) et qui aime les pissenlits dent-de-lion. Chaque fois qu'il lève la tête et qu'il voit un oiseau dans le ciel, du plus petit au plus majestueux, ou sur une branche d'arbre, il a envie de voler lui aussi. Après tout, il a des ailes ! Alors à quoi lui serviraient-elles s'il ne pouvait pas voler ?
Un jour, après avoir été conduit au point d'eau, Pilou décide de ne pas suivre les autres canetons qui rentrent à la batterie et d'aller à contre-courant à la recherche de la liberté. D'abord il se retrouve tout seul, incapable de voler, et doit braver la peur et des dangers auxquels il n'a jamais été confronté. « Épuisé, Pilou s'affala sur l'herbe et éclata en sanglots. Il pleura toutes les larmes de son corps. Longtemps. » (page 22).
Rassurez-vous, Pilou ne va pas rester seul, il va faire plusieurs rencontres ! Une taupe qui lui parle de l'hiver et de la neige, une merlette de l'écho et de l'amour, un héron qui lui propose de devenir son disciple dans l'ascèse, un bœuf qui lui parle de la solitude : « […] vois-tu, mon petit, il faut que tu retiennes ce que je vais te dire. La chaîne la plus solide qui nous entrave, c'est la solitude qui nous ronge le cœur. Et pourtant, la liberté est au prix de cette solitude. » (page 36), etc.
« Qui suis-je ? » se demande finalement Pilou.
Chaque animal symbolise un enseignement, parfois complémentaire parfois semblant se contredire. J'ai beaucoup aimé la grue qui, à la question de Pilou « Et vous, monsieur, qu'est-ce que vous enseignez ? » répond « Et toi, qu'est-ce que tu apprends ? » (page 41). Et Pilou est prêt à tout apprendre, surtout à voler ! Au fur et à mesure de son avancée, il va découvrir un monde qu'il n'aurait jamais vu dans la batterie où il vivait : rivière, vallée, forêt, montagne, mer... Et grâce aux rencontres, il va suivre un apprentissage l'amenant à se concentrer, méditer, découvrir son corps, se connaître lui-même afin de réaliser l'union du corps et de l'esprit. Bien sûr, Pilou va avoir des périodes de nostalgie et de doute mais elles font partie de l'apprentissage, n'est-ce pas ? Surtout, il va persévérer, ne jamais abandonner et même tomber amoureux !
C'est avec une apparente simplicité et une grande tendresse que le moine Jaeyeon raconte l'histoire de ce caneton qui veut absolument concrétiser son rêve. « Coin coin coin ! Je ne rêve pas de devenir un milan, seulement un canard qui vole ! » (page 76). Et les illustrations à l'encre de Chine de Kim Sehyeon sont vraiment très belles.
Un véritable bonheur que ce récit, riche en enseignement (ce caneton, c'est nous, nous tous qui avons un rêve !) et qui bannit la violence : « Aimer signifie partager ses joies avec les autres et faire siennes leurs souffrances. L'amour permet de transcender son ego en un seul instant. Il enseigne aussi l'humilité. La violence, au contraire, est une preuve de faiblesse, la plus grande de toutes. La férocité et la barbarie sont un signe de vide intérieur. » (page 133).
Encore quelques extraits
« […] la danse, au moins, nous aide à exprimer nos sentiments, nos sensations, nos joies et nos peines, ainsi que nos espoirs. » (pages 86-87).
« Ôte-toi de la tête l'idée que tu peux accomplir quelque chose pour les autres. Ce n'est souvent qu'une façon de justifier sa propre vanité. » (page 99).
« Rien au monde n'était plus beau que de voler. » (page 145).
Je présente Voler ! pour la lecture commune du Printemps coréen dont c'est le dernier jour (ce challenge est passé vite !). Avec les billets de Lili et de Lee Rony que je remercie pour leur participation. |
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Je mets aussi cette belle lecture dans les challenges Animaux, ABC 2012-2013 (lettre J), Cent pages (qui se termine demain !), Premier roman (les autres écrits de cet auteur sont des essais) et Tour du monde en 8 ans (Corée du Sud). | ||
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