« On ne doit jamais manquer de répéter à tout le monde les belles choses qu'on a lues » Sei Shônagon in « Notes de Chevet ». Lues, mais aussi aimées, vues, entendues, etc.
Bifteck est un roman de Martin Provost paru aux éditions Phébus en août 2010 (128 pages, 11 €, ISBN 978-2-752904768). Bifteck a reçu le prix Livres en vignes 2010.
Martin Provost est né à Brest en 1957. Il est romancier et cinéaste (Séraphine).
Du même auteur : Aime-moi vite (1992), Léger, humain, pardonnable (2007), La rousse péteuse (2009).
Loïc et Fernande Plomeur, bouchers à Quimper ont un fils (un seul pour transmettre le patrimoine) : André.
On est au début du XXe siècle et André travaille très tôt à la boucherie familiale, il ne va ni à l'école ni à l'église et n'a pas de copains de son âge.
Il apprend à lire avec son père « A comme abats, B comme bifteck, C comme côtelettes […]. » (page 10), à écrire avec sa mère et à compter avec les pièces de francs et de centimes.
À l'âge de 13 ans, il est dépucelé (l'auteur écrit défloré qui est plutôt utilisé pour les filles, non ?) par une cliente, Jeannine. « En découvrant Jeannine, il découvrit l'usage intelligent du cœur. » (page 14-15).
Il faut dire que c'est la première guerre mondiale et que des hommes, il n'y en a plus tant que ça, par contre de la demande féminine, il y en a, et beaucoup !
En plus André a un don : il fait « chanter la chair ». Il va très rapidement acquérir une excellente réputation et les femmes (toutes) font la queue devant la boutique : tant mieux, c'est bon pour le commerce pensent les parents !
Mais à la fin de la guerre, les maris encore en vie reviennent, et pendant six mois des nourrissons sont déposés devant la boucherie, un puis deux, puis trois... jusqu'à sept ! La mère d'André n'y survit pas et le père la suit (façon de parler) mais « André était un autre. André avait trouvé un nouveau sens à sa vie. » (page 28).
Malheureusement un mari jaloux (le sous-préfet, il a un peu de pouvoir) oblige André à abandonner l'héritage familial et à prendre la fuite à bord d'un petit bateau avec sa marmaille, les 5 garçons (Tanguy, Yannick, Cédric, Pierric, Guénolé) et les 2 filles (Maryvonne, Gretchen).
Direction l'Amérique !
Mais le bateau navigue longtemps, trop longtemps, et s'échoue sur une étrange île. « Il serait plus sage de construire une maison, lança Cédric. » (page 96).
Pourquoi/comment j'ai lu Bifteck, un roman qui ne m'intéressait pas du tout au départ ?
Comme j'aime la bonne chair, c'est vrai que la couverture de ce roman m'a attirée mais le titre m'a rebutée : la bidoche, pas trop pour moi !
Je n'avais donc pas prévu de lire Bifteck et je me suis plutôt dirigée vers La maison de thé, de Jacques Tournier mais cet essai m'a déplu et du coup je n'en ai même pas parlé sur mon blog (je préfère parler en priorité de ce que j'aime).
Et puis J. a lu Bifteck et a expliqué pourquoi elle n'avait pas aimé, eh bien c'est dingue comment ses arguments m'ont incitée à lire ce livre ! Merci J. !
J'ai donc bien apprécié ce bifteck (pas saignant en fait) qui se compose en gros de deux parties.
La première, c'est la vie d'André à Quimper : c'est peut-être un peu linéaire mais c'est intéressant et drôle. Évidemment certains peuvent être choqués à cette lecture : pas d'instruction scolaire ou religieuse, pas d'amour de ses parents, dépucelé à 13 ans par une femme adulte (des choses qui ne sont plus autorisées à notre époque mais qui devaient être courantes avant).
La deuxième, c'est la fuite, le voyage en bateau et la vie sur l'île : là, il y a un petit côté fantastique, je dirais fantasmagorique, [en donnant mon avis, je dévoile peut-être trop... Si vous voulez lire quand même, surligner ce qui suit] et si j'ai bien compris les messages, le père qui est un peu comme un dieu disparaît dans la matière et les enfants sont dispersés aux 7 « coins » du pays (un peu comme les humains avec la Tour de Babel), mais il y a un fil qui les relie (on est tous frères) et il suffira de peu de choses pour les réunir.
Bifteck est un conte moderne et j'aimerais bien avoir votre avis !