« On ne doit jamais manquer de répéter à tout le monde les belles choses qu'on a lues » Sei Shônagon in « Notes de Chevet ». Lues, mais aussi aimées, vues, entendues, etc.
Le club des incorrigibles optimistes est un roman de Jean-Michel Guenassia paru en août 2009 aux éditions Albin Michel (759 pages, 23,90 €, ISBN 978-2-226-19392-6).
Jean-Michel Guenassia est né en 1950 et ce premier roman est tout simplement magnifique. Il est déjà sélectionné pour les prix Goncourt, Interallié et Jean Giono ! Plus d'informations sur le site de la rentrée littéraire d'Albin Michel.
Avril 1980, enterrement de Jean-Paul Sartre. Michel croise Pavel Cibulka et se souvient...
Octobre 1959, Paris. Michel a 12 ans, il est au lycée Henri IV (que Sartre a également fréquenté). Pour son anniversaire, il a décidé de réunir ses deux familles qui ne se fréquentent jamais : du côté de son père, les Marini, d'origine italienne et communistes, du côté de sa mère, les Delaunay, des commerçants, bourgeois de droite. Ce jour-là, il reçoit un Brownie Kodak, or l'adolescent s'intéresse à la photographie, et aussi au rock'n'roll, à la littérature (il dévore des tonnes de livres) et au baby-foot. (Je me suis sentie proche de lui).
C'est en jouant au baby-foot au Balto que Michel découvre la salle du fond où se réunit le Club des incorrigibles optimistes, dont les membres sont des immigrés d'Europe de l'Est, communistes ou pas, Russes, Hongrois, Polonais, Tchécoslovaques, tous joueurs d'échecs. Ces paumés sont souvent en situation irrégulière et attendent patiemment leurs papiers, ils vivent pauvrement et ont parfois un petit boulot (taxi, veilleur de nuit alors qu'ils sont intellectuels, pilote de ligne ou médecin). Ils jouent aux échecs contre des étudiants et enseignent ce jeu à Michel. Ils se souviennent parfois avec nostalgie de leur pays et de leur famille, de la guerre aussi de temps en temps. (Ils m'ont émue aux larmes).
À leur contact, l'adolescent apprend des choses qu'aucun professeur ne lui aurait appris, et il lit, il dévore toutes les œuvres des auteurs qu'il aime (lecture systématique).
Au club, les joueurs d'échecs sont parfois rejoints par Sartre ou Kessel.
Et la patronne, Madeleine, apprend à faire le premier goulash à la hongroise de Paris !
À côté de ça, Michel observe l'évolution du monde et de sa famille, sa petite sœur bavarde, ses parents qui vont se séparer, son frère aîné, Franck, étudiant qui fréquente Cécile mais qui abandonne tout pour s'engager et finalement déserter.
Et puis il y a aussi Maurice, l'oncle maternel qui vit à Alger avec son épouse et ses enfants mais la guerre d'Algérie devient inévitable.
Toute une époque (1959 à 1964), une France qui n'existe plus, et qui n'existera plus jamais... Une vie, une famille comme il y en a tant d'autres, une adolescence... Je ne veux pas en dire plus, juste vous donner à lire cet extrait et vous faire savoir que c'est un des plus beaux livres que j'aie lu de ma vie !
« Il y a dans la lecture quelque chose qui relève de l'irrationnel. Avant d'avoir lu, on devine tout de suite si on va aimer ou pas. On hume, on flaire le livre, on se demande si ça vaut la peine de passer du temps en sa compagnie. C'est l'alchimie invisible des signes tracés sur une feuille qui s'impriment dans notre cerveau. Un livre, c'est un être vivant. » (page 340).
PS du 9 novembre : Prix Goncourt des Lycéens 2009 (les jeunes lisent et récompensent justement).