« On ne doit jamais manquer de répéter à tout le monde les belles choses qu'on a lues » Sei Shônagon in « Notes de Chevet ». Lues, mais aussi aimées, vues, entendues, etc.
Le syndrome U.G.A. (l'œil du calamar) est un roman de Gilles Warembourg paru aux éditions Les mondes d'Atria dans la collection Science-fiction en avril 2012 (299 pages, 18 €, ISBN 978-2-918078-26-5).
Gilles Warembourg est né le 14 juillet 1953 à Arras (Pas de Calais). Il fut chef d'entreprise pendant près de trente ans et se consacre à l'écriture depuis 2007. Du même auteur chez le même éditeur : L'ellipse (mars 2011). Plus d'infos sur www.gilles-warembourg.com.
30 juillet 2075 à Townsville en Australie. Mada Kupka met au monde un enfant (un des derniers à naître sur Terre) mais c'est l'IPN (Institution pour la Préservation des Naissances) qui va l'élever car, depuis le début de la Régression, il y a de moins en moins de naissances à cause du syndrome U.G.A.
« Ici comme ailleurs, en un demi-siècle, l'humanité avait perdu les deux tiers de ses effectifs et déjà s'érigeaient les vestiges d'un passé révolu. » (page 25).
31 décembre 2109 à Sydney en Australie. Stone, identifiant SK-30072075AU, né en 1975, est moitié Aborigène moitié Blanc. Il est un brillant généticien passionné d'Histoire et de musique (il joue du didgeridoo).
« Quand l'humanité aura disparu de cette terre, elle ne subsistera plus que par les vibrations de sa musique. » (page 29).
Le soir du Nouvel an, il voit par hasard une vidéo d'un vieil homme qui joue du didgeridoo et meurt en direct. Puis suite à des dysfonctionnements dans le réseau de protection, il accède à des informations classées : il archive tout et passe des années à faire des recherches. C'est son journal et le résultat de ses recherches que le lecteur lit.
« Si elle est jamais lue, cette chronique semblera bien singulière. En premier lieu, parce qu'elle se veut à la fois conclusion, épilogue et aboutissement. […] À l'heure où j'écris ces lignes, je m'interroge : pourquoi donc m'entêter à conter cette histoire ? La certitude qu'il n'y ait personne pour me lire n'ôte-t-elle pas son sens à ma démarche ? La réponse réside dans le geste même : l'écriture n'est-elle pas avant tout la quête d'un ersatz d'immortalité ? » (page 26).
Luke Edwards de l'Union internationale pour la conservation de la nature le 6 janvier 2024 à Brisbane : « Par notre faute, nous vivons aujourd'hui la septième extinction de masse depuis l'aube des temps. La septième extinction de masse et probablement la plus fulgurante. » (page 58).
Quelques jours après ce colloque, le 15 février 2024, les hommes d'un bateau de pêche australien, le Big Fish, hissèrent à bord un calamar géant (vingt mètres de long) qui, avant de mourir, cracha « un jet de liquide laiteux » sur le capitaine et deux jours après, l'équipage souffrit d'une étrange fièvre qui dura si peu de temps qu'elle ne fut pas mentionnée dans le livre de bord. Le 1er mars, le corps du calamar fut déchargé à Cairns et envoyé à l'Institut océanographique de Melbourne. Puis il y eut une pandémie planétaire qui se propagea en trois semaines et que l'on appela « Australian flu » mais personne n'en fit grand cas car les malades n'avaient qu'une petite poussée de fièvre et cette grippe ne fit pas de victimes. Voici ce que raconta plus tard à Luke Edwards, le jeune Aborigène Fongus Jangala qui était à bord du Big Fish.
Luke Edwards entra en contact avec Stanley Finlay. « À l'OMS, nous avons découvert par hasard qu'après avoir contracté la grippe australienne, les patients étaient devenus très légèrement phosphorescents. […] Les patients hébergent une bactérie luminescente. Et, s'agissant d'une pandémie, voyez-vous... nous sommes tous devenus un peu...euh... lumineux. » (page 120).
Quelques extraits
« L'amour ? ricana Edwards. Une chimère métaphysique pour oublier que nous sommes semblables aux angiospermes et aux lagomorphes : des biomachines programmées pour la survie et la reproduction... » (page 143).
« Fêtarde dessaoulée, l'humanité ne pouvait que contempler le chaos de ses excès. L'extinction humaine. » (page 186).
« Voilà ce que nous pouvons en dire aujourd'hui. Depuis février 2024, l'information chromosomique, à l'intérieur des cellules reproductrices humaines, a été gravement altérée. Elle a conduit, depuis quinze ans, à la naissance de bébés mulets, parfaitement sains, mais pourtant incapables de se reproduire. » (page 214).
Pourquoi le choix du calamar ?
« [...] Il va falloir choisir : accepter l'hominisation véritable, c'est-à-dire la sympathie et la pitié pour tous les êtres, le respect de la vie, le refus de la violence, qu'elle soit institutionnelle ou physique, la pratique d'une justice véritable, la désacralisation de la chose militaire, ou, en payant enfin le juste prix de nos folies et de nos cruautés, laisser la place aux calamars. Choisissons l'homme. Mais faisons vite ! Le temps presse terriblement. »
Théodore Monod (1902-2000) dans Et si l'aventure humaine devait échouer (Grasset et Fasquelle).
Envie d'un roman sombre pour vivre la fin de l'espèce humaine ? Ce roman de science-fiction est parfait !
Je me suis attachée à Stone et ses recherches m'ont passionnée. En dehors de l'extinction des humains, les relations entre les humains et les animaux, la pollution et le pillage de la planète sont parmi les thèmes de cette fiction qui pourrait bien devenir réalité un jour. En effet, rien de farfelu dans ce roman et, durant la lecture, je me disais que c'était de l'anticipation et que tout ça pouvait réellement arriver.
Une lecture pour les challenges Animaux du monde (calamar), Geek (SF) et Des livres et des îles (îles Isabelle entre autres). J'ai lu ce roman en mars mais ma note de lecture est publiée trop tard pour le bleu des Bookineurs en couleurs, tant pis...
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