Vendredi dernier, dans un élan de solidarité, j'ai retiré mon article pour publier celui-ci à la place. Cependant je voulais le soumettre à la lecture de la blogueuse concernée et j'ai dû attendre sa réponse. Mais ce n'est pas grave et je veux aujourd'hui vous raconter une petite histoire. La blogueuse (et je la comprends) ne souhaite pas être citée et je respecte sa demande.
Il était une fois une blogueuse dont le blog est peu connu mais, pour la suivre depuis plus d'un an, je peux vous dire que c'est une personne gentille, honnête intellectuellement, et que son blog est agréable à lire (articles diversifiés, bien écrits, argumentés, bon niveau de français).
Alors que beaucoup de blogueurs parlent de la rentrée littéraire et donc plus ou moins des « gros éditeurs », ladite blogueuse a eu envie (et c'est tout à son honneur) de parler d'un roman peu connu d'un « petit éditeur ». Elle a dûment réglé le livre (20 € + 5 € de frais d'envoi, ce qui n'est pas rien !) et a commencé avec plaisir sa lecture. Malheureusement le roman l'a profondément déçue et elle a eu la désagréable impression d'avoir gâché 25 € et le temps qu'elle a passé dans sa lecture...
Les raisons de cette déception, elle les a expliquées dans un article : beaucoup de fautes de français (orthographe, grammaire) comme si le texte n'avait pas été relu et corrigé, récit indigent, histoire inconsistante, etc. Bref, elle s'ennuyait ferme et a abandonné au bout de 100 pages mais a quand même argumenté et a ajouté des extraits à son billet pour étoffer ses dires. La blogueuse a reçu des commentaires habituels, « on ne peut pas aimer tout ce qui paraît », « c'est honteux autant de fautes », etc.
Mais l'éditeur n'a pas été content, pas content du tout même ! Il a contacté la plate-forme sur laquelle la blogueuse tient son blog pour faire un rapport d'abus : « Dans l'ensemble de son article, ce bloggeur utilise un de nos auteurs pour venir mettre à mal notre entreprise et notre marque, cela en laissant entendre que nous sommes une entreprise dont la qualité et la mission laisse à désirer. Pour info, notre entreprise est le leader [...], nous comptons 20 000 auteurs, je pense que notre qualité et notre réputation n'est plus à faire. Nous ne sommes pas un éditeur à succès, nous laissons la chance aux auteurs inconnus ! Je trouve donc inadmissible qu'un bloggeur totalement inconnu, n'ayant aucunes qualifications ou reconnaissance du métier puisse à ce point venir critiquer de la sorte notre marque. Merci de faire le nécessaire. ». Et la plate-forme a, à son tour, contacté la blogueuse pour lui dire : « Si cette plainte est fondée, merci de bien vouloir faire le nécessaire pour retirer les textes, images et fichiers incriminés. ».
La blogueuse, qui n'a ni l'envie ni le temps de « se battre » contre un éditeur ou contre son hébergeur pour un article de déception (après tout, elle fait quand même de la pub pour le livre même si elle ne l'a pas aimé), a retiré son article alors qu'il était en ligne depuis 3 jours.
Alors, je pousse un grand coup de gueule !
Pas contre la blogueuse, je la comprends et la respecte, elle a préféré éviter les ennuis. Parce que la menace n'est pas explicite mais elle est là sous-jacente, insidieuse, c'est ce que la blogueuse a ressenti en tout cas.
Donc le coup de gueule est pour l'éditeur ; celui-ci bien sûr mais aussi tous les auteurs et les éditeurs qui sont mécontents lorsque nous, lecteurs et blogueurs, amateurs et professionnels (parce que des professionnels, il y en a parmi les blogo-lecteurs), parlons « en mal » d'un livre que nous n'avons pas aimé, qui nous a déçus, blessés, énervés, que sais-je encore, et qui s'en prennent à nous parfois méchamment et parfois avec mauvaise foi (il y a déjà eu des précédents et chaque fois la blogosphère littéraire a – heureusement – soutenu les blogueurs).
Car nous avons le droit d'acheter (ou pas), de lire (ou pas), d'apprécier à sa juste valeur (ou pas), de le dire (ou pas), d'argumenter (ou pas) mais personne n'a le droit de nous dire de fermer notre gueule !!!
D'ailleurs, lorsqu'on lit le texte de l'éditeur (j'y ai laissé les fautes, vous avez-vu ?), qu'y voit-on ?
1. Le manque de respect de la personne : le « bloggeur » en question est une blogueuse, pourquoi ne pas avoir écrit « blogueuse » alors ?
2. En quoi le fait de dire qu'on n'aime pas un livre mettrait à mal la qualité et la mission d'un éditeur ? Et s'il y a autant de fautes dans ce livre et que ça a dérangé la blogueuse (qui avait quand même dépensé 25 € !), n'a-t-elle pas le droit de le signaler et de dire qu'il lui semble que le travail de relecture et de correction laisse à désirer ou n'a pas été fait ?
3. Je lis ensuite « qualité », « mission », « leader », « 20 000 auteurs »... Et puis « nous ne sommes pas un éditeur à succès ». Ah bon ? Avec une telle qualité, en étant leader et en annonçant autant d'auteurs publiés ? Et à propos de ce nombre de 20 000, depuis quand la quantité (d'auteurs ou de n'importe quoi d'autres) est-elle synonyme de qualité ?
4. Après c'est le pompon : « inadmissible qu'un bloggeur totalement inconnu ». Ah, ben, alors là !!! Depuis quand faut-il être connu pour lire et donner son avis (sur un blog ou oralement d'ailleurs) ?
5. Et le fin du fin : « n'ayant aucunes qualifications ou reconnaissance du métier ». Déjà qu'est-ce qu'il en sait, et enfin même réponse que ci-dessus : faut-il être formé, professionnel, connu et reconnu pour lire et donner son avis ? La majorité des blogueurs l'ont déjà dit plusieurs fois : ils ne sont pas des critiques littéraires ou des journalistes (et quand ils le sont, ils le font savoir sur leur blog) mais tous, simples lecteurs, critiques littéraires, journalistes, éditeurs, bibliothécaires, auteurs même, tous ont le droit de lire et de donner un avis, positif ou négatif, bien argumenté ou pas (bon pour les pros, leur crédibilité est en jeu alors il vaut mieux que l'avis soit argumenté !).
Si vous avez répondu non à au moins une de ces questions, je vous remerciede bien vouloir soutenir la blogueuse (vous pouvez le faire ci-dessous en commentaire, elle lira vos messages). Elle me redit sa déception par mail : ayant réglé 25 € pour obtenir ce roman qui fait « une grosse pub sur les réseaux sociaux », elle a estimé qu'il était tout à fait légitime qu'elle dise ce qu'elle pensait du service effectué, « à partir du moment où on se vend comme un produit, ne faut-il pas ensuite accepter les « plaintes » du consommateur ? », conclut-elle.
Je n'utilise pas cette histoire pour faire le buzz et attirer du monde et des commentaires sur mon blog, j'ai ce qu'il me faut, merci, et ça me prend déjà assez d'heures (que je donne avec plaisir). Non, c'est vraiment un coup de gueule qui devait sortir parce que cette histoire, c'est un peu comme une agression : ça peut arriver à d'autres et il ne faut pas se taire et j'espère que la liberté d'expression sera respectée !
Sur ce, bonne semaine et bonne rentrée littéraire à tous !
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PS 1 : J'ai pour habitude de répondre à tous les commentaires mais là, je suis débordée par leur nombre ! Je vous remercie tous pour votre soutien à la blogueuse et
je vais vous envoyer des infos par mail.
PS 2 : les retours sur les blogs ! (si j'en ai oublié, merci de me donner le lien en commentaire).
De quel droit bâillonne-t-on les blogueuses et les blogueurs ? par Thaddée/Reedith.
Liberté, liberté chérie par Anne-Marie.
Coup de gueule de rentrée par Hérisson.
Les bloggeurs ont eu aussi le droit de donner leur avis par Laea.
Mais où va-t-on (à part dans le mur) ? par L'Irrégulière.
La liberté du bloggueur par Michelle.
Et puis quoi encore ? par Accrobiblio.
Impossible de laisser passer sous silence par Mango.
Avoir note avis envers et contre tous par Zazy.
Le pot de terre contre les gros cons par Julien.
Soutien à une blogueuse sommée de supprimer une critique de livre par Nelly.
De la liberté d'expression par Niriscureuil.
Dernière info (sous le tee-shirt !) par Philisine Cave.
La blogueuse et l'éditeur (fable médiathique) par Alias.
Quand 'Maison d'édition' rime avec 'entrave à la liberté d'expression' par Anna Blume.
De la censure par Badelel et Lunch.
The BookEdition étouffe les blogs par Éric.
Des avis sur les livres uniquement quand ils sont en faveur des maisons d'éditions ?! par Jiill.
Vous avez dit : Censure ? par Pyrausta.
Les droits imprescriptibles par Lystig.
« Il n'y a ni bon ni mauvais usage de la liberté d'expression, il n'en existe qu'un usage insuffisant * » par Une Comète (* Raoul Vaneigem in Rien n'est sacré, tout peut se dire, 2003).
Et la liberté d'expression B¥#©☆L !! par Estelle Calim.
Un deuil dangereux [...] (en bas de l'article) par Asphodèle.
Cette semaine je n'ai pas aimé (en bas de l'article) par Liliba.
To publish or not, that's the question ??? par Géraldine.
Coup de gueule d'un blogueur (c'est moi !) sans aucune qualification ou reconnaissance du métier par
Frédéric F.
Droit de réponse demandé par The Book Edition le jeudi 6 septembre
Bonjour,
Nous aimerions avoir un droit de réponse, concernant certains propos tenus sur votre blog.
Pour rappel, TheBookEdition, n’est pas un éditeur, comme nous avons pu le lire sur plusieurs blogs. Nous sommes une société
d’autoédition, nous imprimons des livres à la demande et depuis toujours notre objectif va justement dans le sens de la liberté d’expression.
Notre site permet à chacun d’imprimer et diffuser ses ouvrages, nos auteurs écrivent avec leur cœur, avec ou sans fautes
d’orthographe et nous les respectons.
A chacun ensuite de se faire son propre avis sur les livres que vous trouvez dans notre catalogue.
En aucun cas, il n’a été demandé de notre part de retirer un article ou une critique sur le livre en question. il est
tout à fait normal que nos lecteurs puissent venir donner leur avis, positif ou négatif, sur les livres qu’ils ont pu lire.
Nous sommes donc profondément touchés par certains propos nous accusant « d’étouffer » les bloggeurs ou
d’aller contre la liberté d’expression.
J’espère que nos explications vous aideront à mieux comprendre notre philosophie, très attachée à cette liberté
d’expression, et que ces quelques mots permettront de rétablir la vérité sur notre démarche et notre activité.
Pour terminer, il est inscrit dans la déclaration des droits de l’homme, art XI : « la libre communication
des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas
déterminés par la loi. » Il n’est pas précisé que c’est « écrire » sans fautes !
Thebookedition.com
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