La cantatrice chauve est une pièce d'Eugène Ionesco parue en 1950 aux éditions Gallimard. Il existe plusieurs éditions, par exemple celle de Folio (que j'ai lue, avec à la suite le drame comique La leçon dont je vous parlerai une autre fois) ou celles plus récentes de Classico, de Folio théâtre, de Foliothèque, sans compter les intégrales comme Théâtre dans la collection Blanche ou Théâtre complet dans la Bibliothèque de La Pléiade.
La première représentation de La cantatrice chauve eut lieu le 11 mai 1950 au Théâtre des Noctambules fondé en 1894 (7 rue Champollion à Paris dans le 5e arrondissement, dans le Quartier Latin) et le metteur en scène était Nicolas Bataille (1926-2008). Depuis 1957, elle est représentée au Théâtre de la Huchette (23 rue de la Huchette à Paris dans le 5e arrondissement). Elle fait partie des pièces les plus représentées en France (et peut-être même au monde) et elle a reçu un Molière d'honneur en 1989.
Eugène Ionesco est né Eugen Ionescu le 26 novembre 1909 à Slatina (Roumanie). Son père était Roumain et sa mère était une Française qui a grandi en Roumanie.
Il était dramaturge et écrivain dans les deux langues, roumain et français. Il a aussi écrit quelques poèmes et dans les années 1980, il a commencé à dessiner, à peindre et à réaliser des lithographies.
Entre 1913 et 1942, il a vécu soit en France soit en Roumanie selon les vicissitudes de la vie (séparation de ses parents, remariage de son père, études, guerre...).
En 1928, lors de ses études de français à Bucarest, il a rencontré Émile Michel Cioran et Mircea Éliade qui deviendront deux autres grands auteurs roumains, exilés aussi en France (puis aux États-Unis pour Éliade) et écrivant également en français. Il a aussi rencontré Rodica Burileanu, une étudiante en philosophie et en droit qui deviendra son épouse en 1936.
Dès 1934, à la fin de ses études, Ionesco a enseigné le français à Bucarest et en 1938, il a obtenu une bourse pour étudier à Paris (thèse de doctorat sur les thèmes du péché et de la mort dans la poésie moderne depuis Baudelaire).
En mai 1942, Ionesco et son épouse se sont installés définitivement en France. Marie-France, leur fille unique, y est née le 26 août 1944 et Ionesco a travaillé comme correcteur pour une maison d'éditions juridiques jusqu'en 1955.
Parallèlement à ce travail, il commença à écrire des pièces dès 1947 mais il connut le succès en 1959 avec Rhinocéros paru aux éditions Gallimard (il est – avec Samuel Beckett – le père du théâtre de l'absurde) et il entra à l'Académie française en 1970.
Eugène Ionesco se considérait comme un « anti-auteur » qui écrivait des « anti-pièces ». Il est en fait un avant-gardiste, déjà reconnu de son vivant comme un auteur classique, et aussi un auteur engagé qui a lutté contre tous les totalitarismes (ce qui le rapproche d'Albert Camus).
Il est mort le 28 mars 1994 à Paris laissant une œuvre conséquente. Du théâtre avec parmi ses titres les plus célèbres La cantatrice chauve (1950), Les chaises (1952), Le maître (1953), Le tableau (1955), Rhinocéros (1959), Le roi se meurt (1962), etc., un recueil de nouvelles : La photo du colonel (1962), un roman : Le solitaire (1973, un livret d'opéra : Maximilien Kolbe (1985) et quelques essais.
Plus d'infos sur http://www.ionesco.org/, un site consacré à Eugène Ionesco et son œuvre, créé en 1997 par Søren Olsen et rédigé en français, danois et anglais.
J'ai lu beaucoup de titres de Ionesco il y a une trentaine d'années, j'étais à fond dans son œuvre, j'adorais son théâtre, son sens de l'absurde et j'ai lu tout ce que j'ai trouvé à l'époque puis je ne l'ai plus (re)lu mais j'en ressentais parfois l'envie. Le challenge ABC critiques 2012-2013 de Babelio se termine le 12 septembre (demain) et j'ai remarqué que je n'avais pas d'auteur pour la lettre I : ce fut donc l'occasion pour moi de relire in extremis Ionesco ! Et j'ai choisi La cantatrice chauve parce que c'est son premier livre, sa première pièce (autant reprendre par le début !).
Il y a six personnages :
Monsieur et Madame Smith, un couple d'Anglais vivant à Londres et se comportant de façon très anglaise et Mary, leur bonne.
Monsieur et Madame Martin, un autre couple d'Anglais, vivant à Londres mais originaires de Manchester.
Le capitaine des pompiers qui apparemment est le petit ami de Mary.
« Intérieur bourgeois anglais, avec des fauteuils anglais. Soirée anglaise. [...] Un long moment de silence anglais [...] » (page 11). J'adore ! Ah, le silence anglais...
Monsieur Smith lit le journal et ne répond à son épouse qu'en faisant claquer sa langue. Madame Smith raccommode des chaussettes et parle de leur excellent repas du soir : un repas anglais bien sûr et il faut bien manger du poisson frais car « ça fait aller aux cabinets » (page 12), bon sang, c'est à pisser de rire, puis de leurs enfants et petits-enfants, puis de choses et d'autres. La conversation est en fait d'abord un monologue de Madame Smith, qui parle de manière mécanique, c'est vraiment étrange, presque dérangeant. Et quand Monsieur Smith prend la parole, ce n'est pas piqué des hannetons (ou des vers, comme vous voulez) : « Un médecin consciencieux doit mourir avec le malade s'ils ne peuvent pas guérir ensemble. » (page 14), de la même façon qu'un capitaine de bateau périt avec son bateau. Il doit y avoir pénurie de médecins en Angleterre, et peut-être même de commandants de bateaux ! Au bout d'un moment, Monsieur Smith s'énerve : « Je ne peux pas tout savoir. Je ne peux pas répondre à toutes tes questions idiotes ! » (page 20). Quel couple charmant...
Heureusement arrive la bonne, Mary. Elle a passé une excellente journée car elle a été au cinéma avec son amoureux. Mais, devant la porte, elle a trouvé Monsieur et Madame Martin qui étaient invités pour le repas du soir et qui n'ont pas osé entrer car la bonne (absente donc) n'était pas venue leur ouvrir... Oh punaise ! J'y crois pas !
Pendant que les époux Smith vont se changer (ils portaient déjà leurs vêtements de nuit), les Martin entrent et attendent le retour de leurs amis. Leur conversation est tout aussi surréaliste et absurde que celle des Smith !
Lorsque les Smith viennent rejoindre les Martin (d'ailleurs sans s'être changés), c'est une succession de conversation gênée et de silences entrecoupés par des coups de sonnette à la porte. C'est le capitaine des pompiers avec « un énorme casque qui brille et un uniforme » (page 43).
Mon passage préféré : c'est juste après la « fable expérimentale » avec le bœuf et le chien.
« Mme Martin : Quelle est la morale ?
Le pompier : C'est à vous de la trouver. » (page 56).
À méditer
« Mme Smith : J'aime mieux un oiseau dans un champ qu'une chaussette dans une brouette. » (page 73).
« M. Martin : Le papier c'est pour écrire, le chat c'est pour le rat. Le fromage c'est pour griffer. » (page 74).
Et il y en a d'autres !
C'est en consultant L'anglais sans peine de la méthode Assimil (dialogues bizarres, phrases qui n'ont pas de rapport les unes avec les autres) que Ionesco a eu l'idée de cette pièce dramatique en un acte de 11 scènes, une « anti-pièce » comme il dit.
Il y met aussi sans en parler toute la gravité de la guerre et montre l'interchangeabilité des humains.
Le lecteur (le spectateur aussi) côtoie deux couples d'Anglais dans la plus pure tradition anglaise mais leurs répliques sont de plus en plus surréalistes, pleines de dérision et de non-sens.
C'est sûr, Ionesco manie l'absurde à la perfection ! Et le dénouement, tonitruant, est surprenant, déroutant.
Les propos sont saugrenus, et même incohérents (comme la pendule qui sonne n'importe quoi n'importe quand), ça saute du coq à l'âne, il faut suivre... ou pas !
Au départ, le titre était L'anglais sans peine et le lecteur se demande pourquoi la cantatrice chauve ? On l'apprend grâce au pompier qui confond institutrice blonde et cantatrice chauve !
Je vais (re)lire dès que possible d'autres pièces de Ionesco, c'est sûr et certain.
Sur UbuwebSound, il est possible d'entendre Eugène Ionesco lire La cantatrice chauve ainsi que La leçon.