La grossesse est un court roman de Yôko Ogawa paru en 1990 aux éditions Actes Sud (70 pages, 8 €, ISBN 2-7427-1147-3).
Nishin calendar 妊娠カレンダー (1990) est traduit du japonais par Rose-Marie Akino-Fayolle, et a reçu le Prix Akutagawa en 1991.
Je me rappelle avoir découvert Yôko Ogawa en 1995 avec La piscine et Les abeilles (c'étaient des nouveautés dans la bibliothèque où j'empruntais des documents). Je me suis rappelée aussi avoir déjà lu La grossesse lorsque la narratrice raconte qu'elle et sa sœur jouaient enfants près de la clinique M. et j'ai relu cette histoire avec plaisir. Puisque ses romans sont courts, j'aurais bien aimé en lire plus, mais je suis vraiment débordée avec ma lecture pour J'aime les classiques d'août et déjà les romans de la rentrée littéraire...
Yôko Ogawa 小川洋子 est née à Okayama (Japon) en 1962 et elle est diplômée de Waseda (une des plus grandes universités de Tôkyô). Elle est auteur de romans (généralement courts) et de nouvelles traduits dans de nombreuses langues.
Actes Sud a publié en 2003 un coffret avec ses trois premiers romans traduits en français : La piscine, Les abeilles, La grossesse et en octobre 2009, une intégrale (tome 1) est parue avec quatorze récits représentant dix années d'écriture.
La narratrice est étudiante. Qu'étudie-t-elle ? Elle ne le dira pas, la grossesse de sa sœur étant tout ce qui compte pour l'instant.
La narratrice et sa sœur aînée sont orphelines depuis que leurs parents sont morts tour à tour de maladie. La sœur suit une psychothérapie depuis dix ans avec le professeur Nikaido.
Elles vivent ensemble ainsi que l'époux de la sœur qui est prothésiste dentaire.
Un matin, l'aînée annonce qu'elle est enceinte, elle va aller consulter à la clinique M., oui la clinique près de laquelle elles jouaient lorsqu'elles étaient enfants. « Puisque ma sœur aînée dit vouloir absolument se faire examiner à la clinique M., c'est sans doute que l'impression qu'elle en a gardée de son enfance l'a marquée. » (page 12).
Dès l'annonce de la grossesse de deux mois, la narratrice va noter minutieusement sur un cahier ce qu'elle observe, les changements de sa sœur et même de son beau-frère. « « J'ai déjà vu des femmes enceintes, mais je n'ai jamais suivi leur évolution physique, aussi je l'observe avec un grand intérêt. » (page 54).
Au bout d'un moment, le beau-frère est malade en même temps que son épouse... « Ils se serrent l'un contre l'autre comme deux oiseaux blessés, et rentrent tôt dans leur chambre qu'ils ne quittent plus jusqu'au matin. » (page 27).
Évidemment la sœur a des nausées, elle ne supporte plus aucune odeur ou nourriture et perd du poids alors que la narratrice « ne pense qu'à manger toute la journée. Comme les enfants pendant la guerre. » (page 31).
C'est il me semble à partir de ce moment-là qu'on comprend que quelque chose ne va pas. Et puis ne pas citer les noms des gens, surtout de sa sœur et de son beau-frère, c'est comme s'ils n'existaient pas...
Pour gagner un peu d'argent, la narratrice travaille dans des supermarchés. « Je souris à tout le monde avec la même bienveillance. […] C'est plus facile d'adresser le même sourire imperturbable à tout le monde, sans se laisser influencer par ses états d'âme. » (page 42). Tiens, je suis d'accord avec elle !
Après des semaines de nausées, la sœur enceinte a enfin des envies et prend trop de poids. « Et ce n'est pas moi qui réclame tout ça. C'est la 'grossesse' qui est en moi. La gros-ses-se, tu entends ? Alors je n'y peux rien. » (page 49).
La relation entre les deux sœurs devient organique, les pamplemousses avec le jus et la pulpe dont la narratrice fait des confitures que la sœur enceinte va engloutir jour après jour, et aussi les œufs et la graisse.
Du coup, c'en est malsain et écœurant mais on a très envie de continuer cette lecture ! Pourquoi cette obsession de vouloir tout noter ? Et puis pourquoi l'amour d'une sœur se transforme en une espèce de haine indescriptible ?
Grâce au challenge Découvrons un auteur de Pimprenelle, j'ai redécouvert Yôko Ogawa et je vais sûrement (re)lire d'autres romans et nouvelles. Je place aussi ce roman pour le challenge de littérature japonaise In the mood for Japan de Choco.
Ma phrase préférée n'a finalement rien à voir avec la grossesse de la sœur aînée. « Le soleil matinal arrivait du jardin jusque sous la table, et l'ombre de nos trois paires de pantoufles s'allongeaient sur le sol. » (page 15).