Allée 7, rangée 38 est un roman de Sophie Schulze paru aux éditions Léo Scheer en août 2011 (92 pages, 16 €, ISBN 978-2-756103327).
Sophie Schulze, née en France, a vécu des années à l'étranger. Allée 7, rangée 38 est son premier roman.
Plutôt que de vous faire un résumé « classique » de ce roman « étrange », je voudrais partager avec vous ces extraits et mes réflexions.
À Oldenbourg, près de Königsberg, en Prusse orientale (avant la 2e guerre mondiale). Des touristes visitent la maison d'Emmanuel Kant puis vont manger dans un restaurant au bord de la Mer baltique.
« Franziska naît dans cette Allemagne-là. À Oldenbourg. En 1883. » (page 6). « Franziska est une fille simple, la fille aînée du tavernier. Elle sait à peine lire et écrire. Elle a d'autres soucis. Le temps approche où elle devra se marier. » (page 10). Elle a 17 ans et son père veut qu'elle épouse Günther, le fils d'un riche fermier, mais elle aime Karl, un jeune pêcheur.
Pendant ce-temps-là, Nietschze meurt complètement fou et sa sœur s'attelle à son œuvre.
Après avoir épousé Franziska, Günther se rend compte qu'elle est déjà enceinte. « Günther découvre le pot aux roses le soir de ses noces. La colère et la honte l'accablent. [...] Les jours suivants, il reste seul, emmuré dans la torpeur de l'événement. Il ne peut divorcer, les liens contractés sont sacrés. [...] Il doit reconnaître l'enfant, il doit faire comme s'il était de lui. Mais il ne pardonnera pas. Jamais. Dans son cœur, cet enfant ne sera jamais le sien. » (page 14).
« Walter, l'enfant illégitime, grandit dans la colère de son père. Il n'a droit à aucune marque d'affection. Il ne connaît que les mots durs, les ordres, les coups de pied, les gifles et les tâches serviles. Toutes ses forces sont employées à sa survie. Un frère naît. Puis une sœur. Les parents de Walter sont tout à ces nouveaux venus. Walter est tenu à l'écart. » (page 15).
Après avoir tué son jeune (demi-)frère dans un accident, Walter est chassé de la ferme. Il fuit à Berlin puis à Strasbourg et s'engage en 1919 dans la Légion étrangère. « Il apprécie la vie du camp. La camaraderie qui y règne est simple. Personne ne cherche non plus à connaître son passé. » (page 24).
À la même époque, Heidegger, l'assistant d'Edmund Husserl, devient professeur. « Hannah Arendt est l'élève de Heidegger à Marbourg. Elle a vingt ans. » (page 25).
« La situation politique est tendue. Les communistes sont sous l'influence de l'Union soviétique. Ils tiennent une ligne dure, sans compromis. Cette inflexibilité fait gagner chaque jour des suffrages à l'extrême droite. » (page 36).
« 1932. Walter est naturalisé. Il se rend alors compte qu'il peut sortir de la cité minière de Wittelsheim sans courir le risque d'être arrêté. Il n'a plus besoin de se cacher comme un immigré sans papiers. Il est un Français comme les autres. » (page 37).
Durant la fête du 14 juillet, Walter – qui travaille à la mine de potasse à Wittelsheim en Alsace – rencontre Alice et en tombe amoureux. Il va progresser en français, devenir chef d'équipe, se marier, etc.
Ce roman que j'ai trouvé agréable à lire mais décousu contient beaucoup de personnages et saute du coq à l'âne (ça a un certain charme). Pourtant il n'est pas dénué d'intérêt : à travers l'histoire d'une vie (celle de Walter), c'est le le XXe siècle qu'il raconte. Et puis, en parallèle de cette vie, représentative de la vie de beaucoup d'autres, Sophie Schulze mêle habilement les relations entre politique et philosophie, et transcende son roman en une sorte de réflexion naturelle sur le régime totalitaire. Voici un extrait pour que vous vous rendiez compte par vous-même.
« Alice accouche. Seule. Elle ne sait pas où est son mari, ni même s'il est encore en vie. Elle n'a que cet enfant, qui lui réclame son lait. Alice est affaiblie. Mais l'enfant, lui, est en bonne santé.
Hannah arrive à New York. Elle n'a pas d'argent ni de papiers. Elle ne connaît personne. Elle parle très mal anglais. Il lui faut repartir de zéro. Elle commence par chercher du travail. » (page 53).
La phrase à méditer. Elle est de Hannah Arendt.
« Le sujet idéal du régime totalitaire n'est ni le nazi convaincu ni le communiste convaincu, mais l'homme pour qui la distinction entre fait et fiction (c'est-à-dire la réalité de l'expérience) et la distinction entre vrai et faux (c'est-à-dire les normes de la pensée) n'existent plus. » (page 66).
Une lecture pour les challenges 1 % de la rentrée littéraire 2011, Premier roman, Cent pages et Vivent nos régions (car si la première partie se passe en Allemagne, la deuxième se déroule en Alsace et y raconte bien la vie à cette époque).
Je remercie Alphalire car j'ai lu ce roman en numérique sur leur site. |
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