L'annulaire est un roman de Yôko Ogawa paru aux éditions Actes Sud en juin 1999 (95 pages, 10,70 €, ISBN 978-2-7427-2291-4). Il est depuis paru dans la collection Babel (poche, n° 442), en juin 2005 (96 pages, 5,60 €, ISBN 978-2-7427-5628-5). Kusuriyubi no hyôhon 薬指の標本 (1994) est traduit du japonais par Rose-Marie Makino.
Yôko Ogawa est née le 30 mars 1962 à Okayama (Japon). Elle est diplômée de Waseda (une université prestigieuse à Tôkyô). Elle est auteur de nouvelles et de romans (assez courts) traduits dans de nombreuses langues. J'ai lu quelques-uns de ses romans dans les années 90-début 2000 et il faudrait que je les relise pour en parler sur le blog. C'était ce que j'avais fait pour La grossesse en août 2010. Tout récemment (le 13 mars) est paru son nouveau roman, Le petit joueur d'échecs, toujours chez Actes Sud, avec une superbe couverture représentant un éléphanteau devant un jeu d'échecs.
Que signifie le titre 薬指の標本 ?
薬指 kusuriyubi signifie annulaire (指 yubi signifie doigt)
の no est la particule de possession, d'attribution
標本 hyôhon signifie spécimen.
Ainsi le titre français est moins précis que le titre original mais cependant correct.
Un village en bord de mer. La narratrice, 20 ans, travaille dans une usine de fabrication de boissons rafraîchissantes lorsqu'elle est victime d'un accident : son annulaire gauche s'est coincé dans une machine qui lui en a enlevé un petit morceau. Ce n'est pas grand chose mais elle ne peut plus travailler là.
Elle quitte son village pour la première fois de sa vie et arrive en ville. Elle travaille maintenant depuis un an comme secrétaire dans un laboratoire de spécimens avec M. Deshimaru. Ce laboratoire est dans un ancien pensionnat pour jeunes filles et deux vieilles dames y vivent encore, celle du 223 et celle du 309.
« […] le sens de ces spécimens est d'enfermer, séparer et achever. Personne n'apporte d'objets pour s'en souvenir encore et encore avec nostalgie. » (page 23).
Un soir, M. Deshimaru invite la narratrice dans la salle de bain désaffectée et lui offre une belle paire de chaussures. Leur relation change alors.
« Nous étions restés tellement longtemps sans bouger que j'avais l'impression d'avoir été transformée en un spécimen incorporé à lui. » (page 50).
Le travail est agréable mais la narratrice n'a pas le droit d'aller au labo et dans certaines salles. Plus les jours passent, plus le mystère l'obsède et plus elle pense à son bout de doigt.
« Il m'est arrivé, alors que j'attendais les clients seule à la réception, de me retrouver sur le point d'être aspirée par le tourbillon de calme. » (page 85).
Toujours beaucoup de mystères et de non-dits dans les récits de Yôko Ogawa. Quel village ? Quelle ville ? Les noms de la narratrice et des deux vieilles dames ? Des infos sur la narratrice ou M. Deshimaru ? Tiens, lui, on connaît son nom mais rien de plus, à part le fait qu'il fait bien son travail et manipule ses assistantes... Ainsi, aux yeux du lecteur, la narratrice qui n'a pas de nom est encore plus soumise à ce cher monsieur qui prend possession d'elle, en commençant par ses pieds (objets érotiques).
Les jours passent, les saisons passent, et que fait la narratrice ? Elle travaille et c'est tout ! C'est-à-dire qu'en dehors du laboratoire (le laboratoire proprement dit est un lieu sacré où elle n'a pas le droit d'entrer) et de sa relation avec son patron, il n'y a rien, elle n'est rien. C'est inquiétant et ça ne m'étonne pas qu'elle se laisse manipuler par cet homme qui la fascine et développe une obsession qui la conduira à sa perte.
J'ai déjà lu des romans de Yôko Ogawa et j'apprécie son style (fluide) et ses histoires (déconcertantes) mais celui-ci m'a un peu laissée sur ma faim... Trop court. Ou alors je m'attendais à la chute et je n'ai pas été assez surprise. Il reste bien sûr un excellent roman de Yôko Ogawa, idéal pour découvrir son univers ou pour s'y plonger encore plus.
L'annulaire a été adapté au cinéma en 2005 par Diane Bertrand mais ce film éponyme a été tourné avec des acteurs français et l'actrice ukrainienne, Olga Kurylenko. De plus il s'éloigne du texte original (ce qui ne m'étonne pas, le respect de l'œuvre n'étant pas toujours une priorité...).
Une lecture pour les challenges Bookineurs en couleurs (couverture bleue), Cent pages, Des livres et des îles, Écrivains japonais, Je lis des nouvelles et des novellas, Petit Bac 2013 (catégorie Partie du corps humain) et Sur les pages du Japon (quartier libre pour le dernier mois).