Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates est le premier roman de Mary Ann Shaffer, écrit avec sa nièce Annie Barrows. Il est paru au Nil en mars 2009 (391 pages, 19 €, ISBN 978-2-841-11371-2). Paru en 2008 à New York, The Guernsey literary and potato peelpie Society est traduit de l'américain par Aline Azoulay-Pacvon.
J'avais lu des notes de lectures de blogueuses qui l'avaient lu en américain et j'étais impatiente de le lire moi aussi ! La couverture est belle, le titre est original, le papier est doux, je suis emplie de curiosité et avide d'épluchures de patates !
Je vois sur la quatrième de couverture que c'est le premier roman de Mary Ann Shaffer, ancienne bibliothécaire et libraire, qui est morte en février 2008 « peu de temps après avoir su que son livre allait être publié » : c'est triste, son écriture est si vive, si dynamique... Puisque c'est son premier et dernier roman, je veux le déguster.
En plus un roman sous forme de littérature épistolaire, ce n'est pas courant. Chaque lettre se déguste donc comme une petite douceur.
Juliet Ashton a 32 ans, elle est auteur et habite à Londres. Elle a connu le succès avec « Izzy Bickerstaff s'en va-t-en guerre ». Janvier 1946, elle souhaite passer à autre chose mais sa biographie d'Anne Brontë a été un fiasco et elle pioche sur « Faiblesses anglaises », un livre sur Beatrix Potter et son Lapinou... Peu importe, son éditeur Sidney Stark gagne de l'argent avec les aventures d'Izzy et l'incite à une tournée des librairies (Bath, Colchester, Norwich, King's Lynn, Bradford, Leeds) avec son assistante, Susan Scott. Juliet accepte, se retrouve couverte de fleurs par un certain Markham V. Reynolds Jr. (un éditeur américain installé à Londres), et cherche une idée pour un autre livre.
Elle échange de nombreuses lettres avec Sidney (son éditeur), avec son amie Sophie Strachan (soeur de l'éditeur) qui vit en Écosse, et un jour, Juliet reçoit une lettre d'un inconnu : Dawsey Adams a en effet trouvé son ancienne adresse sur la couverture de « Les essais d'Elia, morceaux choisis » de Charles Lamb, ouvrage qui lui avait appartenu. Elle n'habite plus à Oakley Street, la rue ayant été bombardée, mais à Chelsea et elle écume les librairies de Londres (elle achète des livres parce qu'elle en a « envie à son insu », j'adore !). Elle est donc ravie de rendre service à Adams et voudrait savoir ce qu'est exactement le « Cercle des amateurs de littérature et de tourte aux épluchures de patates de Guernesey né à cause d'un cochon rôti [... que des habitants] dû cacher aux soldats allemands » (page 20). Remarquez la différence avec le titre français qui aurait été trop long avec la tourte.
Dans la deuxième partie, vous vous en doutez bien, Juliet se rend à Guernesey pour rencontrer les personnes qui lui ont écrit et pour mettre au point ses idées sur son nouveau livre. Mais je n'en dis pas plus, c'est à vous de découvrir l'histoire !
J'ai aimé les réflexions de Juliet sur les librairies.
« Voyager, s'adresser à un public captivé, dédicacer des livres et rencontrer des étrangers est grisant. » (page 27).
« J'adore faire les librairies et rencontrer les libraires. C'est vraiment une espèce à part. Aucun être doué de raison ne deviendrait vendeur en librairie pour l'argent, et aucun commerçant doué de raison ne voudrait en posséder une, la marge de profit est trop faible. Il ne reste donc plus que l'amour des lecteurs et de la lecture pour les y pousser. Et l'idée d'avoir la primeur des nouveaux livres. » (pages 27-28).
« Je trouvais incroyable à l'époque – et encore aujourd'hui – qu'une si grande partie de la clientèle qui traîne dans les librairies ne sache pas vraiment ce qu'elle cherche, mais vienne juste jeter un œil aux étagères avec l'espoir de tomber sur un livre qui répondra à son attente. [...], ils vous posent les fameuses trois questions : 1. De quoi ça parle ? 2. Vous l'avez lu ? 3. C'est bien ? » (page 28).
« Les vendeurs bibliophiles pur jus – comme Sophie et moi l'étions – sont incapables de mentir. [...]. S'il leur déplaît, ils ne reviendront jamais ; mais, s'ils l'apprécient, ils seront clients à vie. » (page 28).
J'ai tellement aimé la réflexion d'Isola Pribby, dans sa lettre du 17 février 1946, que je la mets en gras : « Lire de bons livres vous empêche d'apprécier les mauvais. » (page 80).
Ce qui m'a interpellée : Sam Withers, ancien jardinier du cimetière qui raconte à Juliet que les habitants détestaient évidemment les Allemands qui occupaient leur île mais qu'ils étaient bien conscients que certains étaient gentils et faisaient tout pour les aider : « Et voilà que des Britanniques snobinards se mettent à confondre humanité et collaboration. Ils n'ont qu'à venir nous dire ça, à Mrs. Fouquet et à moi ! » (page 301). Puisque Guernesey était totalement coupée du reste du monde et que les Allemands réquisitionnaient tout, il a bien fallu que la population vive avec les occupants (pendant 5 ans !), ce qui n'implique pas le fait de collaborer (bien que certains l'aient fait, évidemment, comme partout ailleurs...).
Que dire de plus ? J'ai tout simplement adoré ! C'est la meilleure lecture pour cet été.
Et je rêve maintenant de visiter Guernesey !
Ce livre est listé dans le défi Blog-o-trésors 2009. C'est ma cinquième lecture dans le cadre de ce défi – après Le treizième conte, 1984, Le libraire et La ferme des animaux – et je vais peut-être encore en lire d'autres.
commenter cet article …